Dans 48 heures, aura lieu une marche dans les rues de Lomé, à l’initiative du Combat pour l’alternance politique en 2015 (CAP 2015), pour réclamer les réformes politiques prescrites par l’Accord politique global (APG) et dont la mise en œuvre traine depuis dix (10) ans et l’organisation consensuelle du processus de décentralisation et des élections locales. Cette manifestation scelle sans doute le retour des tensions politiques.

La présidente du machin HCRRUN et militante invétérée du RPT / UNIR Awa Nan Daboya (g) et le jeune dinosaure réfractaire à l'Alternance au Togo, Faure Kodjo Essozimna Gnassingbé II | Crédit photo : Republicoftogo
La présidente du machin HCRRUN et militante invétérée du RPT / UNIR Awa Nana Daboya et son jeune dinosaure réfractaire à l’Alternance au Togo, Faure Kodjo Essozimna Gnassingbé II | Crédit photo : Republicoftogo

La problématique des réformes, il y a une entité qui aurait pu concourir à la régler, au-delà du pouvoir Faure Gnassingbé. Il s’agit du fameux Haut commissariat pour la réconciliation et le renforcement de l’unité nationale (HCRRUN). Pendant que sa présidente, Mme Awa Nana Daboya est inspirée à faire la morale (sic) au chef de file de l’opposition, elle semble ignorer sa véritable mission, celle de concourir à l’avènement de la réconciliation et de la paix civile, brillant par une indifférence notoire vis-à-vis de la question des réformes.

De la mission du HCRRUN et d’Awa Nana Daboya

Des structures ou initiatives soi-disant pour favoriser la réconciliation, la concorde nationale, la paix civile, l’unité nationale et autres vertus similaires, le pouvoir en a créé et pris à foison. Mais le Haut commissaire pour la réconciliation et le renforcement de l’unité nationale (HCRRUN) était brandi comme une consécration. Faut-il le rappeler, cette structure était une recommandation de la Commission Vérité, Justice et Réconciliation (CVJR) qui remettait son rapport à Faure Gnassingbé le 3 avril 2012 après trois ans environ de travaux. Annoncée depuis plusieurs mois, cette institution n’a démarré ses activités que le 19 mars 2015. Le HCRRUN est présidé par Mme Awa Nana, nommée le 24 décembre 2014 en même temps Médiatrice de la République, par décret présidentiel No 2014-103/PR du 24 Décembre 2014.

Mise en œuvre des réformes et sauvegarde de la paix civile au Togo, l’indifférence notoire d’Awa Nana et de son HCRRUN face à la problématique – Liberté

Le HCRRUN et Awa Nana sont chargés de la mise en œuvre des recommandations de la Commission Vérité, Justice et Réconciliation (CVJR). A en croire le décret officiel, Mme Awa Nana est chargée de « contribuer à l’instauration d’un climat social et politique apaisé nécessaire à la réconciliation et de lancer le dispositif d’indemnisation ». Et parmi les recommandations de la CVJR, figure en bonne place la mise en œuvre des réformes constitutionnelles et institutionnelles de l’APG, reconnues par les acteurs politiques lors des pourparlers comme des mesures susceptibles de concourir à la promotion de la démocratie, de l’Etat de droit, à l’apaisement. La CVJR est venue insister sur cette recommandation.

En tant que Médiatrice de la République, Awa Nana est censée s’investir pour la sauvegarde de la paix sociale, à travers des actions diverses dont la médiation, le plaidoyer auprès des gouvernants, entre autres. Selon la tradition française souvent plaquée dans les pays francophones, le Médiateur de la République était une autorité administrative indépendante chargée d’améliorer, par son action, les relations des citoyens avec l’administration et qui intervient dans les litiges qui les opposent en tentant de proposer, aux uns et aux autres, des solutions de règlement amiable de leurs différends.

Résurrection certaine des tensions politiques

Depuis l’élection présidentielle du 25 avril 2015 qui a laissé un souvenir très amer dans les mémoires, le peuple togolais espérant enfin l’avènement de l’alternance tant attendue depuis bientôt trois décennies, l’atmosphère politique était calme. L’opposition semblait assommée par l’issue de ce scrutin et les péripéties qui ont entouré la proclamation des résultats, et ses principaux leaders groggys. La montée d’adrénaline que l’on redoutait, avec des manifestations grandeur nature de Jean-Pierre Fabre et les siens pour réclamer leur victoire n’a pas eu lieu. L’ambiance était donc plate. Entre-temps, c’est l’enclenchement par le pouvoir du processus de décentralisation et des élections locales avec la multiplication des décrets et autres manœuvres louches qui a ranimé un tantinet le débat. Mais de toute vraisemblance, on tend vers une résurgence des tensions politiques, à la faveur de la marche organisée par le CAP 2015 ce samedi

Le pouvoir va-t-il laisser la manifestation se dérouler calmement ? Ne va-t-il pas chercher un alibi pour l’interdire et déployer, comme à son habitude, la soldatesque aux trousses des manifestants ? La répression sera-t-elle au rendez-vous ?…Voilà autant de questions qui se posent, et légitimement. Si par miracle cette marche populaire qui se veut pacifique se déroulait vraiment sans heurts, cela ne gagerait pas d’une accalmie pour la suite, d’autant plus qu’à en croire les responsables du CAP 2015, c’est une série de manifestations qui sont prévues pour la réclamation de la mise en œuvre des réformes constitutionnelles et institutionnelles recommandées par l’APG depuis le 20 août 2006, et le 21 mai ne servirait en fait que de point de départ. Et s’il y a une institution et ses responsables qui pourront bien intervenir dans ce bras de fer annoncé entre le pouvoir et l’opposition autour de questions légitimes que celles de la mise en œuvre des réformes et de l’organisation consensuelle de la décentralisation et des élections locales, ce sont bien le HCRRUN et sa présidente Awa Nana.

Une indifférence retentissante vis-à-vis des réformes

Jouer leur rôle, c’est tout ce que les Togolais devraient attendre du HCRRUN et de ses responsables. Mais depuis le 19 mars 2015 qu’ils ont démarré officiellement leur mission, Dieu seul sait s’ils ont posé un seul acte dans le sens du relèvement de ce défi. Au lieu de s’atteler à sa tâche, c’est une Awa Nana plutôt militante du pouvoir et rendant service qu’on a vue. Elle était en effet très inspirée lorsque Jean-Pierre Fabre a annoncé le boycott des festivités officielles du 56e anniversaire de l’indépendance du Togo, relevant que cette position s’inscrit en contradiction avec la mission, la portée ou l’essence de l’héritage commun que revêt la date du 27 avril.

« La date du 27 avril symbolise la naissance de la République togolaise dont les valeurs dépassent toutes les considérations partisanes. Il s’agit d’un héritage commun à tous les Togolais qui sert de socle et de repère autour desquels doit se bâtir l’unité nationale. Patrimoine national de chaque Togolais, la date de l’indépendance doit être célébrée dans la concorde et l’engagement politique qui doivent dépasser les considérations et les limites partisanes, à l’instar d’autres pays pour convier le peuple à renforcer l’esprit national et républicain », a-t-elle relevé dans un communiqué daté du mardi 26 avril dernier.

La militant Awa Nana Daboya faisait savoir à son interlocuteur Jean-Pierre Fabre que « célébrer cette journée du Togo dans la division et sur des bases de revendications partisanes, c’est induire le peuple togolais et particulièrement la jeunesse en erreur en la détournant des valeurs républicaines de la date de l’indépendance », et occulte carrément l’argument légitime avancé par Jean-Pierre Fabre, le refus du pouvoir de mettre en œuvre les réformes constitutionnelles et institutionnelles prescrites par l’APG et d’organiser de façon consensuelle la décentralisation et les locales. Les caisses de résonance ont parlé de ses quatre vérités dites ou de leçon faite au chef de file de l’opposition.

Ces réformes justement, Awa Nana aurait pu user de son statut de présidente du HCRRUN et de Médiatrice de la République pour peser auprès de Faure Gnassingbé en vue de leur mise en œuvre. Faut-il le rappeler, elle a été même nommée présidente de la fameuse Commission de réflexion sur ces réformes mise en place par Faure Gnassingbé le 9 janvier 2015. Selon le communiqué officiel du gouvernement, Awa Nana est appelée « conformément à ses attributions, à veiller à la mise en œuvre du Livre blanc de la CVJR et à assurer la conduite diligente des travaux de la commission de réflexion sur les réformes politiques, institutionnelles et constitutionnelles. A cet effet, il a été recommandé d’insister sur la nécessité de promouvoir les valeurs de coexistence pacifique ainsi qu’une participation active de tous les citoyens à la vie collective, fondée sur l’acceptation des différences et l’instauration d’un climat social et politique apaisé, nécessaire à la réconciliation nationale ». Mais qu’a-t-elle fait sur cette question des réformes ?

Ce n’est que pur euphémisme que de dire qu’Awa Nana a brillé par son indifférence totale. Pas de médiation entre le pouvoir et l’opposition sur les initiatives portant mise en œuvre des réformes, pas de plaidoyer auprès de Faure Gnassingbé qui l’a nommée pour le convaincre d’opérer ces réformes dont il a pris l’engagement depuis 10 ans… Et pourtant leur mise en œuvre est importante pour la sauvegarde de la paix civile et la réconciliation faisant partie de la mission même du HCRRUN !

Source : Tino Kossi, Liberté