Elles semblent aussi vieilles que le monde, mais c’est à force de dénoncer les pratiques nuisibles des agents de l’administration publique qu’on arrive à extirper les brebis galeuses. Malgré les annonces du ministre de la Fonction Publique, nombreux sont les agents qui maintiennent leurs réseaux de corruption et continuent de se sucrer sur le dos des pauvres citoyens. Dans les mairies du Togo, il ne fait pas bon de vouloir déclarer la naissance de son enfant les poches vides.

le ministre de la Fonction publique, Gilbert Bawara | Photo : EM / Republicoftogo
le ministre de la Fonction publique, Gilbert Bawara | Photo : EM / Republicoftogo

L’information nous est parvenue il y a quelque temps et lorsque nous avons entrepris nos enquêtes, c’est le cœur serré que nous avons découvert que des agents de la mairie s’adonnent à un racket en bonne et due forme envers les hommes et les femmes qui s’y présentent pour établir les actes de naissance à leurs nouveau-nés.

A l’état civil central de la Commune de Lomé situé à côté de l’ancienne direction de la LONATO, nous nous sommes fait passer pour un parent désireux de se renseigner sur les conditions de la déclaration. Après avoir scruté les alentours, la chargée à qui nous nous sommes adressé, nous répond : « Lorsque vous serez prêt pour le faire, revenez me voir et on verra ». Avait-elle deviné le piège de par notre habillement ? Toujours est-il qu’on la sentait méfiante.

Nous avons mis à contribution un agent des forces de l’ordre de nous aider à endiguer ce fléau et il s’est rendu à l’état civil en face du CHU Sylvanus Olympio pendant que nous l’attendions dehors. La quasi-totalité des femmes qui étaient là avant lui pour la même raison, ont déboursé 1.000 FCFA chacune avant de se voir fixer un rendez-vous pour le retrait du précieux sésame. Mais bizarrement, quand ce fut le tour de l’agent qui n’était pas en uniforme, la dame en charge du racket, après avoir lu « gendarme » comme fonction du père, a répondu qu’il ne lui devait rien. Ce qui n’a pas empêché celle-ci d’empocher le billet de 1.000 FCFA qui lui a été tendu. Le gendarme affirme avoir bien observé toutes les femmes qui le précédaient débourser ladite somme sur demande de l’agent qui est une femme.

Dans un cas comme dans l’autre, un dénominateur commun relie les agents qui ont la charge de recueillir les informations sur les parents voulant établir l’acte à leur progéniture: leur tenue vestimentaire et les appareils de téléphone utilisés ne reflètent pas qu’elles sont des agents de l’état civil. Nous ne voulons point affirmer que systématiquement dans toutes les agences de la mairie au Togo, la pratique est de règle, mais nous invitons les maires et surtout le ministre de la Fonction publique, Gilbert Bawara à confirmer ou infirmer si la pratique est de mise.

Le comportement citoyen ne peut pas absoudre les menus fretins parce que les gros poissons sont libres de leurs actes. Mi-novembre 2015, le ministre Bawara avait semblé dresser un réquisitoire contre les services publics, lequel réquisitoire avait donné l’occasion au site du gouvernement, republicoftogo.com de paraître sincère dans un article dont voici les termes :

« Les Togolais ne sont pas satisfaits de leurs services publics. Le taux d’insatisfaction dépasse les 30% et même davantage pour l’éducation et la santé (89%). Des chiffres donnés mardi par Gilbert Bawara, le ministre de la Fonction publique, à l’occasion des Journées portes ouvertes de l’administration. Lenteur, incompétence, mauvaise qualité des prestations, dilettantisme, lourdeur administrative, favoritisme, clientélisme, népotisme, corruption » sont autant de maux qui expliquent l’état pitoyable des services publics, a reconnu M. Bawara. « L’administration et les services publics nécessitent des réformes en profondeur pour en améliorer la qualité et en garantir davantage l’accès », a-t-il indiqué.

Gilbert Bawara veut rapidement et énergiquement « changer tout cela pour répondre aux attentes légitimes des citoyens. Le gouvernement a lancé en 2006 un programme de modernisation de l’administration, notamment avec l’amélioration du cadre juridique et la réforme administrative, mais le chantier est loin d’être achevé ».

Six mois plus tard, soit le 3 mai 2016, les propos du ministre demeurent apparemment des effets d’annonce, puisqu’il est revenu sur la problématique toujours sur le même site : « Les services publics doivent proposer des prestations de qualité en terme de comportement, de ponctualité et de moralité. Il n’est pas normal qu’un citoyen qui s’adresse à l’administration pour obtenir un service gratuit se voit exiger un paiement ou un dessous de table. J’ai eu écho de cela et c’est inadmissible ».

Gilbert Bawara avait terminé ses propos par une invite à une prise de conscience. « J’appelle chacun au sens de la responsabilité afin que les services de l’administration puissent s’améliorer. Il y a un département qui doit redoubler d’efforts, c’est la direction de la fonction publique », a-t-il ajouté. Mais les pratiques au sein des agences des mairies ressemble à un pied de nez à son nouveau costume de « redresseur de torts ».

Lorsqu’on étudie le traitement salarial des fonctionnaires dans les mairies et ses agences par rapport à leur train de vie, le bon sens voudrait qu’on soit surpris, mais depuis les dénonciations des pratiques malsaines au développement d’un pays, qu’est-ce qui a été fait dans ce secteur pour décourager les auteurs à s’acharner sur des parents qui veulent déclarer leurs nouveau-nés? Il suffit de supposer que chaque agent véreux reçoit cinq parents par jour et on réalise que parallèlement à leur salaire, ils peuvent s’en tirer parfois avec plus de 100.000 FCFA mensuels issus de leurs activités parallèles illicites.

Source : Abbé Faria, Liberté