« Je ne comprends pas pourquoi les gens veulent rester si longtemps au pouvoir. Surtout quand ils ont beaucoup d’argent » – Barack Obama

En mars 2009, Robert Dussey alors conseiller diplomatique de Faure Gnassingbé, était l’invité du service français de la Deutsche Welle.

Caricature : Donisen Donald / Liberté
Caricature : Donisen Donald / Liberté

Il avait été interrogé sur son livre « L’Afrique malade de ses hommes politiques » mais aussi sur l’évolution politique au Togo. A ce propos, il avait salué le travail accompli par son patron depuis son arrivée au pouvoir en 2005. Pour lui, Faure Gnassingbé mène des réformes difficiles et ambitieuses et qu’il est important de l’encourager. « Je vous assure, sa tâche n’est pas facile tous les jours ; l’important est de le soutenir, de l’encourager à persévérer dans cette voie. Seules les réformes sauveront le Togo, il n’y a pas d’autre alternative », avait-il martelé.

Sauf que Robert Dussey n’a pas eu le courage de conseiller à Faure Gnassingbé d’opérer les réformes qui, comme il le reconnaît, conditionnent l’avenir du pays. Ces réformes décidées dans le cadre de l’Accord Politique Global (APG) et circonscrites dans le rapport de la Commission Vérité, Justice et Réconciliation (CVJR) devraient contribuer au règlement de la crise sociopolitique qui mine le Togo depuis des décennies. Mais elles sont restées lettres mortes.

Même dans le Livre Blanc que Faure Gnassingbé a fait sortir suite aux recommandations de la CVJR, il est indiqué que « le gouvernement togolais exprime sa ferme conviction que le processus enclenché n’a de réelle chance d’atteindre l’objectif d’apaisement, de réconciliation nationale et de paix que s’il s’accompagne de réformes institutionnelles» et qu’«A ce titre, le gouvernement accepte les recommandations relatives… aux réformes constitutionnelles, institutionnelles et sécuritaires».

Malgré l’importance des réformes, le pouvoir a cru bon de décréter la caducité de l’APG. D’ailleurs depuis la signature de cet accord, c’est le statu quo. Cela ne devrait surprendre guère, quand on sait que depuis 11 ans que Faure Gnassingbé a fait effraction dans la vie des Togolais et s’y impose, il a des difficultés à respecter sa parole.

Ironie de l’histoire, 7 ans après l’intervention de Robert Dussey sur la Deutsche Welle, c’est Faure Gnassingbé qui est à son tour interrogé par la même radio. Au menu de l’entretien, les réformes politiques, notamment la limitation du mandat présidentiel. L’essentiel à retenir est que Faure Gnassingbé ne songe pas céder le fauteuil présidentiel et que son seul souci est de se ménager une présidence à vie comme son père. C’est la conclusion à laquelle tous ceux qui ont écouté son interview sont parvenus.

Faure Gnassingbé pense que si on harmonisait les constitutions en limitant le mandat présidentiel à deux, cela pourra créer des problèmes parce que tous les pays n’ont pas les mêmes réalités et histoires. Une réponse tacite à la volonté de la CEDEAO d’imposer l’alternance démocratique dans les quinze (15) pays membres. Mais Faure Gnassingbé et Yahya Jammeh se sont opposés à cette ambition nourrie par les différents peuples. La propension des deux dirigeants à s’éterniser au pouvoir, contre vents et marées, a finalement eu raison du fameux projet communautaire.

Faure Gnassingbé recommande par ailleurs que le débat sur la limitation du mandat présidentiel soit mené par les intellectuels et les universitaires plutôt que des politiques. Mais le débat peut être mené par les politiques s’ils sont animés de la volonté. On se rappelle tous comment en 2005, par un tour de passe-passe constitutionnel, Faure Gnassingbé qui était ministre, est devenu en moins de 24 heures, député, président de l’Assemblée nationale puis président de la République par intérim. Si Faure Gnassingbé a la volonté, la question des réformes politiques serait une histoire ancienne.

Source : Médard Amétépé, Liberté