Ce mercredi, le Togo officiel a célébré le 56e anniversaire de l’accession à la souveraineté internationale, dans l’indifférence des populations. Un anniversaire en appelant à un autre, dans l’éphéméride politique de notre pays, hier 28 avril 2016, cela faisait un an jour pour jour que Faure Gnassingbé accaparait son 3e mandat tant rêvé, l’objet de ses désirs, lors de l’élection présidentielle du 25 avril 2015.

Le Fraudeur Faure Ever fête le 1e anniversaire de « son » mandat volé | Caricature : Donisen Donald / Liberté
Le Fraudeur Faure Ever fête le 1e anniversaire de « son » mandat volé | Caricature : Donisen Donald / Liberté

Bilan de l’an un du fameux « mandat social »

C’était à travers un scénario cocasse dont des images sont encore fraiches dans les mémoires. Ce 28 avril 2016 marque également l’an un du début du mandat social claironné. Bref retour sur cette page sombre et esquisse de bilan des douze premiers mois du 3e mandat.

Et Faure Gnassingbé capta « son » 3e mandat !

Le 28 avril 2015 est en réalité une date à oublier pour les Togolais aspirant à l’alternance. Car elle symbolise la captation par Faure Gnassingbé du mandat de trop qui annonce sans doute plusieurs autres à venir, la nième confiscation par le régime RPT/UNIR de cet idéal derrière lequel court le peuple depuis bientôt un demi-siècle.

C’est dans des conditions assez mouvementées que le scrutin présidentiel eut lieu le 25 avril 2015. Les réformes constitutionnelles et institutionnelles qui devraient lui conférer un tant soit peu de transparence, d’équité et tracer le sillon d’une alternance démocratique au pouvoir n’ont guère été mises en œuvre, Faure Gnassingbé ne voulant pas se faire hara-kiri. Le fichier électoral qui contenait des doublons savamment créés et des milliers d’électeurs fictifs, bref concentre la machine à fraude du pouvoir, en lieu et place d’un audit proprement dit, fut simplement consolidé – hum.

Le pouvoir étant dans une obsession de fraude, le tirage au sort de l’ordre des candidats sur le bulletin de vote fut violé, les centres de vote éclatés dans les régions Sud du pays, notamment dans la capitale favorable à l’opposition ; et sans communication de la part du régime sur ces changements, les électeurs furent désorientés et la plupart n’ont pas pu retrouver leurs noms et accomplir leur devoir civique. C’était d’ailleurs une stratégie murie par le pouvoir RPT/UNIR.

Le jour du vote, les fraudes traditionnelles étaient encore au rendez-vous : votes multiples, bourrages d’urnes, intimidation et corruption de représentants de l’opposition dans les bureaux de vote, traficotages de procès-verbaux…On s’est retrouvé dans plusieurs bureaux de vote, notamment dans les régions Nord du pays, avec des suffrages exprimés dépassant le nombre de votants inscrits sur les listes. Il fallait coûte que coûte créer les conditions favorables au détournement des suffrages et à la victoire de Faure Gnassingbé. Après le vote et ses à-côtés, place à la compilation des résultats.

La veille du scrutin, les candidats avaient scellé un accord et accepté que seuls les résultats vérifiés et validés par tous devraient être proclamés, et surtout confié la gestion de cette tâche au Général Siaka Sangaré, le chef de la mission de l’Organisation internationale de la francophonie (Oif). Ce dernier, pour accélérer le travail, requit le transport des urnes par hélicoptère. Malgré ses ennuis de santé, il s’y était investi à fond et les travaux de compilation avaient débuté. Mais il fut couillonné par le pouvoir Faure Gnassingbé.

Tout était allé très vite le mardi 28 avril 2015, avec la venue à Lomé des présidents ghanéen et en exercice de la Cedeao, John Mahama, et ivoirien, Alassane Ouattara. Alors que le commun des citoyens pensait trouver en eux les garants de la transparence et leurs sauveurs, ce sont plutôt ces dirigeants qui vont enfoncer le peuple togolais. En tout cas, leur venue à Lomé avait boosté le pouvoir en place qui précipita le hold-up. Alors même que les deux hôtes avaient simplement requis l’accélération de la compilation des résultats afin de les proclamer dans les délais, et que c’étaient juste les chiffres de quatorze (14) Celi (Commission électorale locale indépendante) sur les quarante-deux (42) en tout qui étaient vérifiés, le pouvoir mit en branle son plan et proclama les résultats non authentifiés, à travers un scénario digne de gangster.

Alors qu’il avait convoqué une séance dans la soirée de ce 28 avril-là, officiellement pour la poursuite des travaux de compilation, le président de la Commission électorale nationale indépendante (Ceni), Taffa Tabiou dribbla ses collègues et alla discrètement proclamer les résultats non vérifiés sur la Télévision Togolaise. Alerté, le Vice-président Francis Pédro Amuzun débarqua sur le plateau où son président prestait en direct, en compagnie de Franck Missité, pour le ramener à la raison. Mais rien n’y fit. La force brute fut mise à contribution et le commissaire du Cap 2015 à la Ceni neutralisé par un commando des corps habillés. On apprendra plus tard que l’ordre était même donné de le faire taire à jamais s’il devrait continuer de faire obstruction et empêcher le hold-up.

C’est dans ces conditions que Tabiou proclama les résultats non homologués. Sur le plateau, il tremblait, et cela s’est ressenti dans sa concentration. Il tâtonnait, comme si une arme lui était pointée sur la tempe, donnait des chiffres qui ne concordaient pas, se reprenait, bégayait, tentait de se corriger, mais s’embrouillait davantage.

Au finish, il donna son candidat Faure Gnassingbé vainqueur, avec 58,75% des voix, contre 34,95% à son challenger Jean-Pierre Fabre, avec la promesse que les chiffres seront corrigés plus tard. Après quelques petits jonglages, la Cour constitutionnelle d’un certain Aboudou Assouma avalisa les résultats sans autre forme de procès le 3 mai 2015, confirmant la victoire de Faure Gnassingbé, avec 1 221 282 voix, soit 58,77 % des suffrages exprimés. Fin de l’histoire, le Prince a capté son 3e mandat tant convoité, la page de l’élection était donc tournée.

Du bilan de l’an un du mandat dit social

Ce triste anniversaire de l’accaparement du 3e mandat coïncide aussi avec l’an un du début du fameux mandat social claironné sur tous les toits. Par cette coloration sociale donnée à cet extra-mandat, il était promis une écoute plus attentive et surtout la satisfaction des besoins des populations, après que les deux premiers quinquennats auraient été consacrés successivement à la réconciliation nationale et à la réhabilitation des infrastructures. L’essentiel aujourd’hui est d’appréhender l’efficacité de ce mandat dit social. Mais le bilan est loin d’être reluisant. Le mandat social paraît beaucoup plus une escroquerie intellectuelle des populations par Faure Gnassingbé.

Ce quinquennat de trop avait curieusement débuté par la raréfaction du maïs, denrée essentielle de l’aliment de base au Togo, et sa spéculation provoquées par le gouvernement afin de faire les affaires des paysans et des commerçants. Le bol de maïs fut vendu jusqu’à 1200 FCFA par endroits, et même le déversement par l’Agence nationale de la sécurité alimentaire au Togo (Ansat) de ses stocks sur le marché n’a pas eu grand effet.

En juillet 2015, la première décision d’ampleur, en contradiction flagrante avec le mandat social prise par le gouvernement était de hausser les prix des produits pétroliers à la pompe, alors même que le baril de pétrole était dans une tendance baissière sur le marché international. Les cris d’alarme des populations par la voix des associations des consommateurs et les défenseurs des droits de l’Homme n’ont rien pu. Le gouvernement a sucé pendant de longs mois les consommateurs, avant de concéder une série de petites réductions des prix à la pompe. Mais tout se fait dans une opacité totale. En lieu et place de baisse à travers un mécanisme des prix clair, tout se fait visiblement selon les humeurs de Faure Gnassingbé et son gouvernement. Ce qui fait craindre des hausses impromptues.

En termes de mandat social, c’est tout ce que l’on peut évoquer. Et visiblement, le bilan n’est pas fameux. Toutes choses qui illustrent une véritable escroquerie des populations par Faure Gnassingbé. Le bilan global, sans forcément sous le prisme du mandat social, n’est pas meilleur.

Le respect des droits de l’Homme et des libertés est loin d’être la chose la mieux respectée. Alors que l’on promet un mieux-être aux populations, celles de Mango se sont vu tuer en novembre 2015, pour une histoire de faune. Sept (07) natifs au moins du milieu se sont vu ôter la vie pour avoir contesté le projet de réhabilitation de la faune. La ville et toute la région continuent d’être les martyrs par excellence de la gouvernance Faure Gnassingbé.

Sur le plan de la démocratie et de la bonne gouvernance politique, pas d’avancée à signaler. Les réformes constitutionnelles et institutionnelles de l’Accord politique global (Apg) se font toujours désirer, et rien ne prouve qu’elles sont encore à l’agenda du pouvoir. En mai 2015 à Accra au Ghana, alors que la perche lui était tendue pour prouver au continent son acceptation de la démocratie, Faure Gnassingbé a refusé de signer le protocole de la Cedeao visant à limiter à deux les mandats présidentiels dans les pays de l’espace.

Même le processus sur la décentralisation et les élections locales, les échéances électorales qui concentrent les attentions aujourd’hui et qui sont l’expression de l’enracinement de la démocratie à la base, est mené dans une opacité qui ne dit pas son nom, des manœuvres entreprises pour les dévoyer. La seule préoccupation de Faure Gnassingbé, c’est comment entrer dans les bonnes grâces de la communauté internationale. Et pour y arriver, une seule chose fait sa priorité depuis son accaparement du 3e mandat, c’est l’organisation du sommet sur la sécurité maritime à Lomé. Bien que les programmes faits tombent successivement à l’eau, il y tient et tous les moyens sont investis pour ce faire. Ce sont au moins 5,5 milliards de budget qui sont réservés à cela, sans compter les dépenses connexes que cette conférence annoncée pour octobre prochain à Lomé aura engendrées, comme les fonds mis dans la réhabilitation de l’Hôtel du 2 Février devant accueillir les travaux et abriter les invités VIP – on parle d’une quarantaine de milliards de FCFA…

Source : [29/04/2016] Tino Kossi, Liberté