Lomé II. L’énoncé doit rappeler d’énormes souvenirs à certains Togolais, et au-delà, à des étrangers. C’est la résidence et lieu de fonction secondaire d’Eyadéma qui, au fil des années, a pris de l’ascendance sur le Palais présidentiel (Palais de la Marina) au bord de mer. Lomé II, c’est l’un des symboles du pouvoir de feu Gnassingbé Eyadéma et le point de ralliement de tous les courtisans de la République.

Lomé II, la résidence de l'ex-dictateur togolais, Gnassingbé Eyadéma que renové actuellement un de ses nombreux fils avec probablement l'argent du contribuable togolais | Capture d'écran : Togovisions
Lomé II, la résidence de l’ex-dictateur togolais, Gnassingbé Eyadéma que renové actuellement un de ses nombreux fils avec probablement l’argent du contribuable togolais | Capture d’écran : Togovisions

Des marcheurs professionnels aux curieux investisseurs en passant par des délateurs et opposants frelatés, chacun y faisait un tour pour recevoir sa dose de CFA, plus sévères. Du haut de son piédestal, le locataire des lieux prenait plaisir à recevoir ses invités, surtout les marcheurs de soutien en leur racontant des anecdotes comiques et hilarantes.

Le 5 février 2005, après l’annonce du décès du général Gnassingbé Eyadéma qui a régné d’une main de fer sur le Togo durant 38 ans, alors que son corps n’était pas encore suffisamment refroidi, c’est dans cette résidence de Lomé II que la hiérarchie militaire, avec à sa tête un certain Zakari Nandja, chef d’Etat major des FAT, a fait allégeance aux fils d’Eyadéma, Kpatcha et Faure Gnassingbé, en violation flagrante des dispositions constitutionnelles. Une fois installé au pouvoir, Faure Gnassingbé s’est démarqué de cet endroit chargé d’histoires à la limite obscures.

L’une des épouses de feu Eyadéma qui y habitait a dû déguerpir rapidement. Les mauvaises langues soutiennent qu’elle était nuitamment dérangée par des esprits maléfiques. Au fil du temps, cette résidence semble avoir été oubliée. Mais dix ans après le décès de son locataire, elle retrouve une seconde vie depuis quelques mois. Selon plusieurs sources, des travaux de réhabilitation d’un rare luxe ont été effectués sous la direction d’un demi-frère à Faure Gnassingbé conseillé à la Présidence.

Dans les arcanes du sérail, on évoque un véritable gâchis, tant les fonds investis dans cette résidence qui sera certainement inoccupée, comme toutes les autres érigées sous l’ère Faure, se chiffrent à des centaines de millions voire plus. Pour l’heure, personne ne sait sur quelle ligne budgétaire ces travaux de réhabilitation ont été faits et qui sera le prochain occupant des lieux. Il est néanmoins connu de tous que ces genres de travaux sont généralement des occasions pour les tenants du régime de sortir d’énormes sous du Trésor ou des caisses des sociétés d’Etat. La réhabilitation de Lomé II s’inscrit certainement dans cette logique.

Le Centre Hospitalier Universitaire Sylvanus Olympio ( CHU SO), est le plus grand et important hôpital du Togo, mais l'état de délabrement de ses infrastructures et le traitement du personnel soignant par le régime de Faure Gnassingbé, en n'ont fait un des mouroirs les plus surs de l'Afrique ! | Photos : Fabbi Kouassi
Le Centre Hospitalier Universitaire Sylvanus Olympio ( CHU SO), est le plus grand et le plus important hôpital du Togo, mais l’état de délabrement de ses infrastructures et le traitement indigne du personnel soignant par le régime de Faure Gnassingbé, en n’ont fait un des mouroirs les plus surs de l’Afrique ! | Photos : Fabbi Kouassi

Faure Gnassingbé, les résidences luxueuses et les hôpitaux mouroirs

En plus de dix ans de règne, Faure Gnassingbé a érigé sur l’ensemble du territoire une bonne dizaine de résidences luxueuses, la plupart du temps inoccupées mais entretenues par les moyens de l’Etat. Pendant que les locaux de la préfecture d’Agou, localité d’origine de la mère de Faure Gnassingbé, sont constitués de deux chambres-salon, un legs colonial, ce dernier a fait construire sur le flanc de la montagne une luxueuse résidence sur plus d’un hectare dont la plupart des voies d’accès sont bitumées. Cette résidence dont les travaux avaient été pilotés par l’ex-DG des Impôts aurait coûté la bagatelle de presque 2 milliards FCFA.

Selon plusieurs sources, les travaux ont été bâclés et plusieurs centaines de millions détournés. Cette résidence inhabitée est toujours électrifiée, certains climatiseurs toujours en marche et un personnel en poste permanent pour son entretien. Pour rappel, la préfecture d’Agou ne dispose pas d’un hôpital public digne de ce nom en dehors de l’hôpital des missionnaires d’Agou-Nyogbo. Le Commissariat de la localité se trouve dans une obscure maison et dans un état insalubre. Pas d’établissements publics de renom, même rallier le pic d’Agou, un site touristique majeur du pays et les villages perchés sur la montagne, c’est la croix et la bannière.

Et pourtant on a trouvé les moyens d’ériger dans cette localité une si luxueuse résidence. Un contraste effarant. Non loin de là, à Kouma, à quelques encablures de Kpalimé, le Château Viale est aussi, entretenu aux frais du contribuable. A Lomé, précisément à Cacaveli, il est érigé une luxueuse résidence. Là aussi les travaux qui ont englouti des centaines de millions sont approximatifs selon plusieurs sources au point qu’une fois lors d’une grande pluie, tout le sous sol était inondé. En dehors de quelques apparitions sporadiques, cette résidence aussi entretenue, électrifiée, climatisée en permanence est sans occupant.

En remontant la nationale, à Blitta, Faure Gnassingbé a également érigé dans cette préfecture où tout manque aux populations, une résidence de rêve. Il y séjourne rarement. Là comme ailleurs, l’entretien est de rigueur et aux frais de l’Etat.

On peut citer aussi la résidence sur la route de Kouméa, celle de Dapaong, et le pic, celle de Défalé décrite Une équipe de la promotion en consultation prénatale, avec une femme enceinte comme un modèle américain, un vrai domaine qui a aspiré des centaines de millions de francs CFA. Cette dernière résidence est la plus utilisée par Faure Gnassingbé. Dans la loi de finance 2014, il avait été prévu aussi la réhabilitation de la résidence de feu Eyadéma à Elavagnon, préfecture de l’Est-Mono, qui était en réalité un lieu de chasse.

Pendant que Faure Gnassingbé engloutit des milliards dans la construction des résidences inoccupées mais entretenues par les frais des contribuables, son gouvernement soutient qu’il n’existe pas de moyen pour construire les hôpitaux ou doter ceux qui existent de matériels adéquats pour permettre aux pauvres togolais de se soigner convenablement. L’hôpital de référence du Togo, le CHU – Sylvanus Olympio se trouve dans un état piteux. Les médecins, à bout de souffle, sans matériels, sont démotivés. Les autres structures sanitaires à travers le pays ne sont pas mieux loties.

De toute évidence, le choix politique fait par les actuels gouvernants, c’est d’ériger partout dans le pays des résidences vides au détriment des centres de santé.

Le cas de la réhabilitation de Lomé II pendant que dans les deux CHU de Lomé, les gens continuent de mourir pour un rien du tout, est une preuve tangible qu’au sommet de l’Etat, on n’a que faire en réalité de la vie des Togolais. Ce sera ainsi tant que Faure Gnassingbé et ses amis qui ne conçoivent le pouvoir que par la jouissance seront aux affaires. Le budget de la Présidence qui a connu une augmentation exponentielle, les caisses des sociétés d’Etat mises à rude épreuve comme le cas de Togotelecom avec l’internet qui est devenu un luxe; ne sont destinés qu’à couvrir les prodigalités au sommet de l’Etat. Les populations peuvent continuer par mourir dans les hôpitaux. C’est ainsi qu’on atteindra l’émergence en 2030 (sic) !

Vidéo : Vue du palais de Lomé II, Togo

Source : [18/08/2015] Ferdi-Nando, L’Alternative N°449, Vidéo : Togovisions