Dr. Antoine Randolph
Dr. Antoine Randolph

Après un mois de détention à la Direction Centrale de Renseignements Intérieurs où il a été soumis aux interrogatoires, à en croire les propos du ministre de la sécurité et de la protection civile Yark Damehane, le franco-togolais Antoine Randolph a recouvré sa liberté le vendredi 18 mars 2016, à la surprise générale.

Enlevé à Sanvee Kondji à la frontière entre le Togo et le Bénin, le 22 février 2016, Antoine Randolph, 71 ans a été accusé de « tentative d’atteinte à la sécurité intérieure de l’Etat » du Togo. Sa libération qui s’est déroulée en catimini, n’est pas comprise de la majorité des Togolais qui savent bien que les autorités togolaises ne blaguent pas, lorsque le pouvoir d’Etat qu’elles considèrent comme leur propriété privée, est menacé. Et pourquoi ce mutisme des autorités togolaises ?

Comme une trainée de poudre, la nouvelle de la libération de l’opposant Antoine Randolph a gagné toute la ville de Lomé et environs et a été à la une des réseaux sociaux. Dans la foulée, la rédaction de « La Gazette du Togo » a pu joindre l’un de ses conseils, en l’occurrence Me Zeus Ata Messan Ajavon pour en savoir plus sur ce que nombre de Togolais considéraient encore comme étant des rumeurs. Me Zeus Ata Messan Ajavon a non seulement confirmé la nouvelle mais aussi révélé : « Il a été réellement libéré. (…) Nous préférons qu’il ne dise rien. Il est libéré. C’est l’essentiel. La liberté n’a pas de prix.»

Toutefois du côté des autorités togolaises, c’est le silence plat. Aucun mot de la part de ceux qui gèrent ce dossier devenu gênant, encombrant et embarrassant. Aucun communiqué de la part du ministre de la sécurité et de la protection civile, le mythomane Yark Damehane qui a même ouvert le dossier sur une chaine de la radio de la place, ni du Procureur de la République, Essolizam Poyodi qui a confirmé quelques jours plus tard à travers un communiqué, les fallacieuses charges portées contre Antoine Randolph. Vingt quatre heures après la mise en liberté, les autorités togolaises sont devenues aphones. C’est le black-out sur un dossier qui a fait la une de la presse internationale. Et pourquoi donc ?

Le mythomane le conlonel Yark Damehane, le ministre de la sécurité et la protection civile du Togo. Un jour, il sera jugé à coup sûr devant la CPI pour les nombreux crimes qu'il a commis sur les citoyens togolais. Inch' Allah ! | Infog : 27avril.com
Le mythomane le conlonel Yark Damehane, le ministre de la sécurité et la protection civile du Togo. Un jour, il sera jugé à coup sûr devant la CPI pour les nombreux crimes qu’il a commis sur les citoyens togolais. Inch’ Allah ! | Infog : 27avril.com

Abordant le dossier aux premières heures sans aller au fond, il y a quelques semaines, le ministre de la sécurité et de la protection civile, Yark Damehane a laissé entendre en substance : « (…) S’il (Antoine Randolph) a été interpellé, c’est parce qu’il y a une nécessité de l’interpeller. (…) Cela à trait à la sécurité intérieure. (….) L’intéressé lui-même ne se plaint. (…) Il se retrouve bien dans les questions qu’on lui pose. »

Depuis quand les autorités togolaises ont-elles mis la main sur un individu ou un groupe d’individus qui formatent un coup contre le pouvoir en place au Togo et elles ont été si magnanimes comme c’est le cas dans l’affaire Randolph, en le libérant en catimini sans que la population ne sache ?

Pourquoi les autorités togolaises ne sont-elles plus revenues à la charge pour livrer le rapport des enquêtes dont elles ont fait allusion dans leurs différentes interventions pour situer les populations ?

Le ministre de la sécurité et de la protection civile, Yark Damehane et le Procureur de la République Blaise Essolizam Poyodi ont affirmé chacun que les enquêtes se poursuivent pour situer non seulement les responsabilités mais surtout situer l’opinion publique et surtout la famille de ce dernier. Pourquoi jusqu’ici les autorités togolaises ont-elles choisi de libérer Antoine Randolph qu’elles ont accusé de recruter des rebelles dans un pays voisin pour déstabiliser le pouvoir togolais sans que les preuves de sa culpabilité ne soient clairement établies et étalées à la face du monde ?

Ou bien les services de renseignements sont allés si vite en besogne au point d’avoir accusé faussement le franco-togolais ? Dans ce cas monsieur Randolph bénéfiera de la réparation du préjudice qu’il a subi de la part du pouvoir togolais. Après tout le boucan qui a été fait, le pouvoir togolais a-t-il la tête basse parce qu’il a mal ficelé le coup ? Les services de renseignements togolais ont-ils fait preuve d’amateurisme ou bien ont-ils une idée sombre dans la tête. Celle d’embastiller Randolph sans que personne ne le sache ?

« Lorsque le service, qui est un service public aura fini ses investigations, les uns et les autres seront situés », a laissé entendre Yark Damehane au micro de notre confrère de Kanal Fm. Pourquoi les uns et les autres n’ont-ils plus été situés sur les vraies charges portées contre Antoine Randolph ? Puisqu’aux dernières nouvelles Randolph a été libéré sans que le rapport des enquêtes ne soit divulgué pour situer l’opinion publique tel que le ministre l’a promis.

On se rappelle à ce propos que le confrère Jeune Afrique dans sa livraison du 26 février 2016, relevait les motifs de l’enlèvement et de la garde à vue d’Antoine Randolph en écrivant que ce dernier s’est « impliqué dans le recrutement de rebelles et de tentative d’atteinte à la sécurité intérieure du Togo. »  De même, des grios de la cour RPT-UNIR, spécialisés dans le mensonge et le rafistolage, sont allés jusqu’à alléguer publiquement sans honte que c’est un des neveux de Antoine Randolph qui l’aurait balancé aux services de renseignements ivoiriens et qui à leur tour l’ont interpellé. Mensonge !

Non content d’avoir accompli sa mission, et alors même qu’aucun rapport des enquêtes ne situe la responsabilité de monsieur Randolph, le grio ajoute que ce dont on accuse ce dernier s’avère vrai. Mythomanie quand tu nous tiens ! Randolph s’en est sorti sans avoir comparu devant un juge dans un procès comme cela a été le cas de ceux à qui ont prêté l’intention de vouloir attenter à la sûreté de l’Etat il y a quelques années et qui ont écopé d’une lourde peine d’emprisonnement.

Au Togo, attenter à la sécurité intérieure de l’Eta, rime à une prison à vie. Le grio de la cour RPT-UNIR le sait bien avant de raconter ses fanfaronnades sur les chaines de radio. Entrant ensuite en jeu, le Procureur de la République Essolizam Poyodi, à travers un communiqué rendu public relatait : « A l’issue des vérifications liminaires, il est apparu nécessairement d’ouvrir une enquête judiciaire, laquelle est confiée à la Direction Centrale de la Police Judiciaire (DCPN) pour vérifier les informations reçues qui font état de tentative d’atteinte à la sécurité intérieure de l’Etat. »

Lui, l'autre mythomane de la république du Togo. Blaise Essolizam Poyodi, un soi-disant procureur de la république | Infog : 27avril.com
Lui, l’autre mythomane de la république du Togo. Blaise Essolizam Poyodi, un soi-disant procureur de la république | Infog : 27avril.com

Le communiqué du parquet révèle aussi les conditions et les motifs de l’arrestation d’Antoine Randolph : « Suite à des renseignements des services de sécurité de pays amis. Pour les besoins d’enquêtes, l’intéressé reste à la disposition de la police judiciaire. L’issue de l’enquête permettra au parquet de prendre la décision qui s’impose conformément à la législation togolaise » Tout cela n’a servi à rien si au finish Antoine Randolph est libéré sans que le Procureur de la République n’ait eu le courage de revenir à la charge pour situer l’opinion publique.

Dans des pays qui se veulent respectueux des valeurs de la dignité de la personne humaine, les autorités reviendraient à la charge pour laver l’affront, si elles reconnaissent que les premières informations reçues n’ont pas été vraies. C’est ça un Etat dirigé par des hommes civilisés, politiquement surtout. Rien de tout cela au Togo. On préfère garder à vue un vieux de 71 ans pendant un mois (26) jours, on le couvre d’opprobres. On le livre à toute la planète et on le libère en catimini sans que les charges qui ont été portées contre lui ne soient enfin retenues. On est au Togo où tout peut se passer sans que les citoyens ne bronchent. Dur dur d’être opposant au Togo.

Au-delà de tout

Le scenario qui a consisté à enlever Antoine Randolph, ressemble fort à celui qui a servi à kidnapper l’homme politique togolais Joachim Atsoutsè Agbobli, opposant au régime actuel. Joachim Atsoutsè Agbobli, à en croire les membres de sa famille, avait été malade et hospitalisé dans une clinique de la place. On ne sait par quelle alchimie, le corps de ce dernier s’est retrouvé sans vie à la plage de Lomé. Les enquêtes ouvertes depuis lors par le gouvernement togolais n’ont jamais situé les Togolais et surtout la famille du défunt sur les circonstances ainsi que les causes réelles du décès de ce dernier. Ce cas, disons-nous s’apparente à celui d’Antoine Randolph, enlevé sans que sa famille ne sache a été retrouvé après quelques jours de recherches.

Et ce n’est qu’après ces recherches de sa famille, que cette dernière s’est rendue compte que Randolph était dans les mailles des services de renseignements togolais. Pourquoi a-t-on procédé de la sorte quand on sait que la détention au secret est une violation des droits de la personne interpellée. Plus grave, les autorités togolaises savent très bien que les dispositions de l’article 17 de la constitution togolaise sont formelles et dénoncent ce genre de comportement qui viole le droit des citoyens togolais: « Toute personne arrêtée a le droit d’être immédiatement informée des charges retenues contre elle. » Alors qu’est-ce qu’on a voulu faire exactement à Antoine Randoph en l’enlevant? N’est-ce pas qu’on a voulu sceller son sort lui aussi ? Et qu’est-ce qui justifie le silence des autorités togolaises ? Le peuple veut en savoir !

Source : [19/03/2016] Idelphonse Akpaki, La Gazette du Togo

Titre : 27avril.com