Faure Gnassingbé (g) et Teodoro Obiang Nguema à l’aéroport de Lomé, Octobre 2016 | Photo : RT

« Les charmes de l’horreur s’enivrent que les brutes » Dans Lola de Valence, le poète Charles BAUDELAIRE trouve les mots chargés de sens pour qualifier ceux qui postulent à toutes les ignominies, à toutes les ordures par l’illusion d’une volonté de puissance. Ils n’ont d’histoire que dans des actes détraqués, affichant leurs petitesses insurmontables avec des prétentions de paix sans comprendre les exigences éthiques de contrainte pour bâtir la confiance et les preuves de bonne foi.

Ceux qui n’ont pas la capacité de jeter un regard intelligent sur eux-mêmes pour renaître à l’humilité, à la noblesse, baragouinent des concepts de grande valeur, parce qu’ils ne peuvent les intégrer dans leur psychisme au cumul du désastre humain. Ils pensent que la grandeur est au front du taureau, alors que tout le monde sait comment le taureau meurt dans les arènes.

Quand on appelle aux négociations pour clore des adversités fumantes, la générosité de l’intelligence doit prévaloir pour asseoir les gages de la bonne foi. Le Rpt/Unir et Faure GNASSINGBÉ traversent une forêt de signaux et de symboles sans en tirer des inférences fécondes. Les rendez-vous manqués de faire la paix au Togo a durci le regard de la communauté nationale sur ce régime. Le rebond insurrectionnel qui embrase le Togo pour s’exporter dans la diaspora expose le chef de l’Etat qui n’a d’existence que dans ses petits souliers au tourbillon de l’histoire. Balafré et balloté, la dynastie cinquantenaire est un paillasson où s’essuient tous les pieds parce que personne, encore moins aucun leader ne la prend plus au sérieux.

Partout dans les conflits passés ou présents, la table ronde n’a de premières exigences que la libération des prisonniers qui sont du ressort desdits conflits. Ce principe de base chiffonné, piétiné par Faure et sa bande convainc la médiation, le peuple togolais, les partenaires au développement et l’organisation sous-régionale et ses leaders que le faux et le parjure font la résidence aux petites gens, prisonnièrs de leurs faiblesses et de leurs perversités.

Par quels vices et sous quels prétextes peut-on défendre la résistance insensée à libérer les manifestants abusivement incarcérés par un régime d’effraction, de transgression?

Comment continuer à se moquer de la vie en prêchant la réconciliation, la paix? A quoi s’expose Faure en continuant de défier les médiateurs, les leaders régionaux, la Cedeao qui n’ont cessé d’appeler à la libération des prisonniers politiques ?

1) Togo, un État de morbidité mensongère

Il est tout à fait impossible pour un régime qui se déclare prêt pour la paix, la réconciliation, la reconstruction du pays de s’obstiner à mentir, de se vautrer dans le déni et la pirouette sans jamais s’élever à la hauteur des enjeux comme si la bouffonnerie est l’escalateur politique pour construire l’espérance.

L’arme des forts pour une vision politique, c’est le courage de la vertu, la puissance de l’exemplarité qui confère à la personnalité la respectabilité. Le vivre-ensemble a besoin d’une identité qui est du ressort politique. Quand on n’est pas capable de donner une identité à un peuple, on ne peut jamais mériter la confiance de ce peuple. Le mensonge permanent, le déni éhonté, la transgression ignominieuse n’apportent aucune mutation féconde dont les peuples ont besoin pour sortir de la torpeur morne, de l’enlisement, de la fournaise qui les consume.

Les prisonniers du mensonge qui demeurent dans l’apathie de l’intelligence pour appeler à la table des négociations avec leurs habitudes vieillies n’ont que du paraître à servir dans une nullité éthique flambée de bassesse. Sans un gros bagage civique, moral, éducationnel, l’intelligence des prouesses est un leurre. L’acte sain n’est pas à la portée de n’importe qui. Le cursus des individus, leur sens de responsabilité et leur qualité morale participent de leur bravoure. Qui se rebiffe, se dédit dans la voie de la paix ne sait rien de la paix, des exigences qui posent les jalons du progrès.

Il y a des choses qui dépendent de nous, des choses qui ne dépendent pas de nous. Si nous sommes incapables de faire ce qui dépend de nous et qui relève de notre bonne volonté, de la bonne action, que pouvons-nous exiger des autres pour construire la paix ?

Le « Timoniertricule » qui quémandait la paix en appelant, dans sa ronde des palais de la région aux négociations avec l’Opposition pour résoudre la crise qui se raidit, est malade de son pouvoir, des privilèges de l’usurpation, de son rêve d’éternité au pouvoir au point qu’il veut se servir du « piège du dialogue » comme l’exutoire du feu de l’adversité sans s’engager à respecter les conditions et les gages de la bonne foi. Il ignore l’époque des peuples, leur parcours à travers les changements présents sur le continent, la sous-région.

Il n’a pas l’intelligence de l’anticipation sur son temps, la dimension sous-régionale des changements démocratiques. La médiation de la CEDEAO et les leaders sous-régionaux sont si neufs qu’ils ne peuvent se permettre de s’aligner sur le faux, la diversion de caution à la confiscation du pouvoir. L’irritation de la facilitation se lit très bien par sa demande de Faure à la table des négociations. Elle n’a plus besoin d’intermédiaire et des paravents dont il se serre pour refouler les engagements parce que : « Ce n’est pas l’impossible qui désespère le plus, mais le possible non atteint » comme l’écrit Robert MALLET dans Apostilles.

Pour être politique, il faut absolument connaître l’esprit de son époque, les données géopolitiques et géostratégiques. Le Togo ne saurait être une sale exception sous-régionale dans la normalité démocratique acquise. Si le régime veut la table des négociations, il appartient à la médiation, aux leaders sous-régionaux d’exiger la libération de tous les prisonniers politiques. En Colombie, pour aller à la table ronde, tous les prisonniers de la guérilla, tous les otages ont été libérés sans conditions jusqu’aux poseurs de bombe. Aujourd’hui, le dictateur équato-guinéen, Theodoro N’GUEMA a choisi la voie du dialogue avec l’Opposition et s’est résolu à libérer tous les prisonniers et à les amnistier.

Au Togo, la générosité de l’intelligence pour aller à la paix est quasi impossible. Si on veut être grand sans consentir à imiter la grandeur, on demeure un pauvre nain sautillant d’ambitions perverses à qui on doit asséner des coups de rappel à la discipline. Le scandale de maintien des manifestants jetés en prison avec l’éthique tondue de les y garder pour faire la paix est une sottise politique incommensurable qui donne des ailes à la CEDEAO pour s’imposer avec des arguments de la force dans sa feuille de route, ce qui humilie davantage l’ « homme simple qui fait les choses simplement ».

2) La question togolaise et la CEDEAO

Les hommes, poussés au piédestal de leurs ambitions, par les mêmes défauts, les mêmes cautions sans mérites, les mêmes pistons, retombent dans l’abîme par les mêmes déficits d’aval à leur forfait continu. Le secret des grandes réussites sans bavure, c’est la vertu. Ceux qui sont dans le moule de la vérité ont le sens du mérite et la générosité de l’intelligence pour la bonne action. Ils connaissent la valeur de la dignité, la dimension de la honte, la force du respect de soi et des autres, la puissance de la justice, la beauté éthique.

Quand l’intelligence se forge à l’effort, le jugement se forme sans les excentricités stériles et sans violation de l’humain-patron. Mais, les hommes sur les jachères de l’éducation n’ont que la licence comportementale. Ils ne connaissent que leurs besoins et leurs obstacles qu’ils cherchent, du reste, à n’importe quel prix à éliminer et avec tous les recours de l’immoralité, de la violence crue.

Les égarements de la CEDEAO sur la crise togolaise en 2005 ont favorisé les crimes de masse jamais connus dans notre pays. Comme rien n’est fait pour inquiéter les auteurs de ces multiples tueries, ils ont l’illusion de la puissance pour tenir tout le monde à l’écart de leurs volontés, de leurs rêves d’éternité au pouvoir. Les rebonds de ce mépris pour le genre humain sont les causes d’une insurrection nationale à laquelle se mêle à nouveau la CEDEAO pour garantir une stabilité de la région.

Le monstre engendré par l’aval et les manettes de la CEDEAO se voit plus puissant et plus grand que son géniteur, l’organisme sous-régional. Il n’a que trop de peine à se faire respecter par le super-pouvoir de Faure. Après quatre mois d’injonctions sur la base de la table ronde en faveur de la libération des manifestants arrêtés et jetés en prison, le « Timoniertricule » s’obstine à produire du superflu sur la justice et son porte-voix n’hésite pas à dévoiler la stratégie de la méchanceté et du mépris par un cantonnement ridicule sur la notion de justice qui ne peut être sacrifiée à l’autel des négociations.

Le paradoxe est si grand qu’il faut s’étonner que des criminels invertérés et incorrigibles se mettent à nous montrer leur attachement soudain à la justice. Ils ne servent que de l’absurde et la CEDEAO est bien avertie de leur entêtement aux surenchères, à la sottise. Si les leaders de la sous-région veulent donner force à l’organisme auquel ils tiennent à mettre une empreinte de crédibilité, le précédent de la Gambie doit nourrir leur choix, leur engagement envers le Togo.

La question togolaise ne peut jamais se résoudre sans l’option militaire d’accompagnement de la feuille de route. La mauvaise conscience caractérielle de la dynastie du sadisme effervescent appelle à une puissance de contrainte. L’ordonnance de libération des prisonniers n’est pas respectée, ce n’est pas un tableau de bord produit par la CEDEAO pour conduire la résolution de la crise qui marchera avec les cyniques qui veulent la paix sans rien céder. La mauvaise foi de la tyrannie est la source d’un cran des enjeux de la feuille de route de la CEDEAO. C’est à elle de comprendre que sa stratégie exige une doublure de contrainte militaire.

Source : L’Alternative No.717 du 10 juillet 2018