« Tout le monde aime la flatterie, chacun se méfie de la franchise » – Proverbe chinois

Pendant longtemps, l’Allemagne a été pointilleuse sur les questions de démocratie, des droits de l’homme et de la bonne gouvernance au Togo. La persistance des violations des droits de l’Homme sous la dictature de Gnassingbé Eyadema avait poussé l’ancienne métropole à rompre pendant une vingtaine d’années sa coopération avec notre pays. Le dégel n’est intervenu que tout récemment en 2012.

La Chancelière allemande Angel Merkel et le président togolais Faure Essozimna Gnassingbé à Berlin, Allemagne, juin 2016 | Photo : RT
La Chancelière allemande Angel Merkel et le président togolais Faure Essozimna Gnassingbé à Berlin, Allemagne, juin 2016 | Photo : RT

Mais depuis que quelques marchés au Togo ont été concédés aux entreprises allemandes, un nouveau chapitre a été ouvert dans les relations germano-togolaises où les intérêts économiques semblent primer sur les questions de droits de l’homme et de démocratie.

Lors de sa visite en Allemagne, la délégation togolaise conduite par Faure Gnassingbé a signé avec le ministre allemand de la Coopération économique et du développement Gerd Müller, un protocole d’accord relatif aux négociations intergouvernementales. C’est le chef de la diplomatie togolaise, Robert Dussey qui a paraphé le document. Il porte sur un montant de 40 millions d’euros et couvre les secteurs de la santé, de l’énergie, de la décentration, de la promotion de l’emploi, etc.

Le premier fait marquant, ou disons ubuesque de cette cérémonie, c’est le rôle de garde rapprochée dans lequel a été confiné Faure Gnassingbé. Sur les images publiées en effet, on le voit se planter comme garde du corps derrière son ministre Robert Dussey pendant que celui-ci paraphait le document avec son collègue allemand.

Une image pas très catholique où Faure Gnassingbé est présenté comme monsieur tout le monde. C’est le président de la République tout de même ! Mais Faure Gnassingbé devrait-il forcément assister à la signature ? Si tel était le cas, le protocole aurait pu lui trouver un siège au lieu de le laisser en position garde-à-vous derrière son ministre.

L’autre fait de la cérémonie, ce sont les déclarations fracassantes du ministre allemand Gerd Müller. A l’en croire, le Togo serait un Etat sérieux. « Je demande à nos partenaires de l’Union Européenne, principalement la France et le Royaume Uni de considérer le Togo comme un Etat sérieux aux institutions stables qui mérite d’être prioritaire dans leurs programmes d’aide publique au développement », s’est-il enthousiasmé.

Ce ministre est-il sérieux ou c’est une mauvaise blague ? Comment peut-il expliquer qu’une seule et même famille puisse régenter un « Etat sérieux », une République pendant un demi-siècle sans offrir aucune possibilité d’alternance démocratique ? Quel est cet « Etat sérieux » où toutes les institutions de la République sont inféodées au pouvoir, où toutes élections sont systématiquement truquées ? Quel est cet « Etat sérieux » où la minorité au pouvoir fait main basse sur toutes les richesses du pays comme le reconnaît Faure Gnassingbé lui-même ?

Gerd Müller n’est pas le premier responsable politique allemand à se laisser aller à des envolées dithyrambiques sur le Togo. Il y a quelques mois, le Représentant personnel de la Chancelière pour l’Afrique, M. Günter Nooke, en visite à Lomé, avait choqué les Togolais en citant le Togo comme « un modèle pour la démocratisation en Afrique ». Il est allé encore loin en affirmant qu’il n’y a aucun pays en Afrique qui fait mieux que le Togo. Des propos qui avaient profondément scandalisé l’opinion. Une délégation de l’opposition avait vigoureusement protesté auprès de l’Ambassadeur de l’Allemagne au Togo.

Aujourd’hui, c’est le ministre allemand de la Coopération qui en remet une couche. Certains pensent qu’aussi longtemps que Faure Gnassingbé et les siens assureront les intérêts de l’Allemagne, elle fermera les yeux sur les travers du régime.

Source : Médard Amétépé, Liberté