Tikpi Salifou Atchadam était l’invité politique du jeudi dernier sur Taxi FM. Toutes oreilles, les Loméens ont suivis avec attention le président du PNP au micro du confrère Eric Gato. C’est religieusement que l’auditoire a suivi les différents développements de l’orateur. Tant vaut le présentateur, tant vaut l’invité, les sujets étaient si pertinents que votre rédaction a jugé bon de transcrire cette interview-radio pour vous. (NDLR)

Tikpi Atchadam PNP | Photo : DR

Taxi FM. Tikpi Atchadam, bonjour. Comment se porte le PNP depuis quelques semaines ?

TSA : Le PNP se porte bien, j’en suis ravi et je pense qu’on peut le constater, il se porte très bien d’ailleurs.

Vous continuez à tenir vos meetings hebdomadaires?

Oui, les réunions hebdomadaires continuent, il y a même plus de monde qu’avant et chaque samedi, nous continuons à réunir un public énorme et désormais, il y a des journalistes qui font le tour pour voir ce qui ce passe réellement pour en parler dans leurs journaux.

Comment avez- vous fait pour construire tout ça dans si peu de temps?

J’ai toujours rappelé que si le PNP est une nouvelle formation politique, ceux-qui l’ont fondé sont loin d’être des nouveaux acteurs politiques dans ce pays. Il y a longtemps que ceux qui ont fondé ce parti ont pour la plupart été des acteurs de la vie politique togolaise depuis 1987. C’est suite à une analyse très précise, une évaluation de la situation et du contexte dans lequel on se trouvait, que nous avions lancé le PNP et nous en avons tenu compte pour la stratégie qui nous a amené d’abord à commencer par des salles de conférence à réunir, une vingtaine, une trentaine de personnes et après à l’arrière coup, une centaine de personnes. Maintenant nous sommes dehors, ce n’est plus possible de tenir dehors. Je pense que les formations que nous avons organisées à notre siège à Lomé et à l’intérieur du pays ont payé. Nous avons essayé de sortir certaines thématiques des amphithéâtres, des grandes salles de conférence pour les mettre dans le bas quartier. Des questions sur la Constitution, sur l’histoire politique du Togo, sur le budget par exemple, sur l’attribution des marchés publics, sur le système sanitaire etc.

Ce sont des questions concrètes qui s’adressent aux populations. Nous le faisons aussi bien en langue française que vernaculaire et nous pensons que ça a contribué à la mobilisation que nous avons aujourd’hui.

Ce n’est pas en neuf (9) mois que vous avez fait ça ?

Non, pas du tout. Depuis que nous sommes nés le 19 avril 2014, nous avons commencé ce travail ici à Lomé et à l’intérieur du pays.

Aujourd’hui vous êtes orphelin de votre Secrétaire général qui est en prison.

Oui c’est triste. En plus du SG, nos militants sont arbitrairement détenus. C’est quoi leur faute ? Ils sont sortis manifester pacifiquement, on les arrête. Vous avez vu ce qui s’est passé au tribunal de Lomé ? Le collège des avocats de nos détenus a démonté ce dossier.

Ce n’est pas pacifique ce que nous avions observé à Agoè le 19 août dernier.

Tout le monde sait que c’est le fait du pouvoir. Tout ce que l’on vous raconte n’est que mensonge. Tout le monde sait que ce régime a été bâti sur la violence, l’argent et le mensonge. Tout le monde le sait et ça ne trompe personne. Ni les Togolais, ni les Africains avisés. Eux-mêmes savent que tout ce qu’ils racontent est du faux.

Vous déclariez sur TV5 Monde au début des manifestations que votre sécurité n’est plus garantie, que vous craignez pour votre vie. Apparemment, vous n’êtes plus dans le maquis ?

Même les maquisards ne sont pas permanemment dans le maquis. De temps en temps on le quitte. Che Guevara quittait de temps en temps le maquis. Au fait, nous ne l’avions pas dit par une idée de pur esprit. La ronde autour de mon domicile est permanente, de jour comme de nuit, tous ceux qui viennent chez moi sont filés, je vois des véhicules banalisés, qui viennent jusqu’au niveau de la sécurité et quand je sors, je suis filé. C’est du concret. Ce régime on le connaît. C’est sur des éléments concrets que j’ai affirmé que ma vie était en danger. Ce n’est pas une raison pour disparaître, et c’est pour cela que je dois sortir de temps en temps pour soutenir la lutte du peuple togolais. Le peuple s’expose aussi.

En même temps que vous savez ceux à qui vous avez affaire, il nous revient de temps en temps que vos militants ont le sentiment que vous les abandonnez?

S’ils avaient le sentiment que je les avais abandonnés, ils ne continueraient pas à affluer à la réunion de samedi, donc ce n’est pas exact. Deuxième élément, à la veille de chaque manifestation, je sors une déclaration. Je continue à parler aux Togolais et aux militants du PNP. Je suis là, la preuve, je vous parle encore.

Ces dernières semaines, les autorités taxent le PNP de parti intégriste, islamiste etc. Que répondez-vous ?

Je n’ai pas à répondre aux niaiseries, c’est de la niaiserie intellectuelle. Le problème est simple. Le RPT-UNIR veut avoir des ennemis en face. Quand ils regardent le PNP, ils trouvent en face des adversaires politiques qui les attendent sur le terrain du débat intellectuel et ça les met mal à l’aise. Ils veulent coûte que coûte un ennemi à abattre. Voilà pourquoi ils passent par tous les moyens pour nous armer. Ils nous remettent des armes, mais nous n’en voulons pas. Le RPT-UNIR veut armer le PNP et c’est pour cela qu’ils brandissent les armes, soi-disant armes arrêtées, récupérées etc. Nous avons croisé les bras pour une lutte pacifique et ils veulent nous tendre une arme que nous n’accepterons pas. Nous avons mis deux ans et plus à former nos militants au pacifisme.

Si vous parlez d’intégrisme, il faut avoir lu sur l’histoire des religions et sur la guerre des religions, il faut s’instruire sur l’islam négro-africain pour savoir de quoi on parle. On ne devient pas intégriste du jour au lendemain. L’islam togolais n’est pas intégriste. Je l’ai toujours rappelé, j’ai grandi dans un milieu Tem où vous avez côte à côte des églises et des mosquées et cela n’offusque personne. […], alors d’où vient aujourd’hui le fait qu’on taxe l’islam togolais d’intégriste ? […] le RPT-UNIR veut une guerre et quand nous nous présentons en pacifiste devant eux, cela déjoue leur plan, parce que c’est leur terrain, la violence.

Mais il y a eu aussi des messages audio qui ont circulé sur les réseaux sociaux des gens se réclamant du PNP appelant à la violence ?

J’ai démenti, j’ai démonté ce montage macabre, rigolo que l’on a exploité. Faux et usage de faux. J’ai démontré image à l’appui à la presse nationale et internationale. Qu’est-ce qui a englouti les ressources de ce pays pour qu’on n’arrive pas au développement ? Ce sont les renseignements, le coup de la manipulation politique. Mais pourquoi si on veut faire de la politique on n’a pas en face le RPT-UNIR mais le ministre de la sécurité, les gendarmes, la police et l’armée ? […], ça n’a pas de sens. […]. Nous avons en face tout l’arsenal étatique. Ils savent que tout ça, c’est du montage, si vous les prenez en aparté, ils le reconnaissent.

Cela fait six semaines ou plus que vous mettez cette pression sur le pouvoir togolais. Que recherchez-vous exactement ?

Ce qui a commencé le 19 août 2017 est tombé dans le domaine public de l’opposition. Aujourd’hui, on peut même parler d’un éveil national. Tous les Togolais sont debout aujourd’hui. De Cinkassé à Aného et dans la diaspora pour réclamer le retour à la Constitution de 1992, le vote de la Diaspora et si le pouvoir n’accepte pas, il doit partir. Voilà ce qu’on demande et c’est très clair. Aujourd’hui Faure Gnassingbé n’est pas accessible à la demande du peuple qui demande son départ. Quand nous parlions de réforme, il n’a pas réagi, il est allé nous proposer une nouvelle Constitution qui instaure une monarchie. Mais qui est prêt à accepter une monarchie en ce moment ?

Pourquoi vous parlez de monarchie ?

Les éléments caractéristiques d’une monarchie c’est quoi ? C’est le pouvoir de père en fils et dans la durée. […] on nous parle de compteur à Zéro. Faure a été président en 2005 parce que, simplement il était le fils d’Eyadema. Légitimité par simple filiation. Il veut diriger à vie. Nul n’est dupe. Ils ne veulent pas de l’alternance. Tout ce qu’ils avancent n’est qu’argutie.

Voilà un régime qui ne respecte pas les accords signés, la parole donnée, qui viole les accords signés. Le peuple ne croit plus. Faure Gnassingbé disait plus de mort pour des causes politiques, mais on continue à tuer. Le PNP a enterré des militants. Aujourd’hui, des gens sont arrêtés et détenus arbitrairement. Mais qu’est-ce que ce régime faisait depuis 11 ans ?

L’opposition a mis beaucoup de personnes dans les rues, mais à côté, le pouvoir aussi a fait autant. Chacun a son peuple. Alors pourquoi vous parlez de tout le Togo finalement ?

J’estime qu’une minorité qui accapare les richesses du pays ne peut pas avoir un peuple. C’est logique. Il y a une différence entre les manifestations. D’un côté on vient en bus, on reçoit 5000F CFA et puis on ne craint pas la police ni la répression. De l’autre côté les gens viennent volontairement, et c’est là même qu’ils sont plus nombreux. L’opposition a manifesté à l’intérieur du pays (…) et dans la diaspora. Où est ce que le RPT-UNIR a manifesté ? Seulement dans un coin de Lomé et à coup de millions. N’oubliez pas, le travail que nous faisons, contribue aussi à libérer les candidatures au niveau d’UNIR. […] Nous travaillons à les libérer. Si Faure Gnassingbé se met de côté, vous allez voir le nombre de candidatures qu’il y aura au niveau d’UNIR. Pourquoi ils nous empêchent de faire un travail d’intérêt général ? Pour eux et pour nous ? Pourquoi ils nous tuent ? Pourquoi ils nous emprisonnent ?

C’est quoi cette histoire ? Quand je sors pour manifester pour UNIR, je ne crains rien, mais quand je sors pour manifester pour l’opposition, je ne suis pas sûr de revenir à la maison. Deux poids deux mesures !

Tikpi Atchadam, vous voulez organiser de l’insurrection au Togo ?

Le mot insurrection, je le connais, mais je ne l’ai jamais utilisé. Je connais le mot insurrection. Je ne viens pas de l’entendre pour la première fois. Il est dans le vocabulaire depuis très longtemps, mais je ne l’ai jamais utilisé. Pourquoi des gens me prêtent des mots ? Si j’ai envie d’utiliser le mot insurrection, je l’utiliserai. Depuis que le PNP est né, le mot insurrection n’est jamais sorti de ma bouche. Pourquoi aurais-je peur de sortir ce mot-là ? Je choisis mes mots. Si je veux utiliser un mot, je le sors. Qu’on ne me fasse pas dire ce que je n’ai pas dis. C’est vrai, je parle rapidement mais je m’écoute. J’ai deux oreilles et une bouche, donc je m’écoute largement.

Est-ce que ce ne sont pas vos propos assez durs, qui font croire ou font dire finalement que vous n’êtes pas loin de l’intégrisme ?

La vérité a besoin de précisions. Elle n’est pas quelque chose de vague. C’est quelque chose qui a des contours précis. Et c’est pour cela que lorsqu’on s’attache à la vérité, il faut être précis. Mais en 2017 on veut nous imposer une monarchie, un pouvoir à vie. Qu’est-ce que cela veut dire ? Regardez dans la région Ouest-africaine, quel pays est gouverné de la sorte ? Vous connaissez un pays où tout ceci se passe depuis le 19 août et le chef de l’Etat ne dit rien. Qu’il parle au moins à la minorité. J’estime que même un père de famille, lorsqu’il y a quelque chose d’anormal qui se passe dans la famille, il doit dire un mot. S’il ne dit rien, c’est peut-être qu’il s’en fout. Si ce qui se passe au Togo ne l’intéresse pas, pourquoi il s’intéresse au pouvoir ?

Le 5 septembre dernier, le gouvernement en Conseil des ministres a adopté un avant- projet de loi qui a été voté à l’Assemblée nationale, en l’absence de l’opposition qui a claqué la porte. Est-ce que les absents n’ont pas tort ?

C’est trop simpliste. L’opposition a raison de partir. Ce n’est pas ce qu’elle a demandé. Elle a demandé le retour à la Constitution de 1992, on lui remet la Constitution dans les détails et à rediscuter. Et l’opposition a l’expérience dans les discussions avec le pouvoir. Elle sait clairement que le pouvoir veut gagner du temps. Je reviens encore une fois. Ils ne veulent pas de l’alternance. Ils sont réfractaires à l’idée d’alternance. Ce n’est pas autre chose.

Sincèrement, est-ce que le pouvoir de Faure Gnassingbé n’a pas fait des efforts ?

J’ai déjà dit que si le RPT-UNIR est en difficultés, il provoque un dialogue, il se bloque, il rejette tout de l’opposition, au cas contraire il accepte et signe un accord qu’il n’applique pas et après on revient à la discussion. Ils savent que le Togo entier demande la Constitution de 1992. Même quand ils parlent de référendum, ce que Mme Awa Nana et consorts ont écouté lors de leur tournée n’est pas suffisant pour servir de référendum ? Les manifestations dans le pays, depuis Dapaong jusqu’à Lomé, les Togolais ne sont jamais sortis aussi nombreux ! C’est déjà suffisant non ?

Mais les manifestations baissent en intensité.

C’est vous qui le dites et je ne suis pas d’avis. Vous savez, les manifestations vont continuer. Les 4 et 5 octobre il y aura marche sur l’ensemble du territoire et à l’extérieur.

On dirait que vous choisissez vos dates ?

Vous pensez à une autre date ? […] C’est ensemble qu’on a choisi les dates du 4 et 5 alors que le 19 août, c’était le PNP seul qui avait choisi cette date. Vous ne pouvez pas dire que le PNP a choisi les dates d’une coalition qui n’existaient pas encore. Non, les dates sont ce qu’elles sont.

[…] Oui ! Le 5 octobre fait partie d’une date historique pour le Togo. Ce n’est pas une date maléfique. Mais le 5 octobre 1990 est rentré dans l’histoire du Togo. Maintenant il n’y a pas de mal à manifester à cette date.

Au début vous étiez seul à lancer votre mouvement, avec des réunions, des meetings un peu partout puis des manifestations. Vous vous êtes essoufflé et vous avez appelé Jean-Pierre Fabre en renfort c’est ça ?

Non, c’est une cause nationale. Il était hors de question que le PNP mène seul ce combat jusqu’au bout. Rappelez-vous de la stratégie du PNP. Nous nous sommes dit que chaque parti doit se construise individuellement et faire une démonstration de mobilisation et un jour, on se met ensemble dans la rue. C’est ça le schéma du PNP. Et donc, puisque nous avons fini de faire la démonstration d’une vie active au niveau du PNP, nous sommes allés vers les autres pour travailler ensemble et sortir ce pays de là où il est. C’est un processus que nous avons conduit de bout en bout. Aujourd’hui nous sommes très heureux que le peuple s’est approprié cette lutte. Maintenant ce n’est plus une affaire du PNP. Je profite pour remercier tous les partis de la coalition qui sont aujourd’hui debout pour offrir l’alternance à notre pays.

Certains parlent d’une récupération du mouvement par J-P Fabre.

Je ne vois pas ça de la part de Jean-Pierre Fabre. Je n’ai jamais lu, quand je le regarde, quand je l’écoute, lorsque j’échange avec lui, je n’ai jamais eu le sentiment qu’il est en train de récupérer quoi que ce soit.

Vous vous entendez très bien dans votre coalition ?

On s’entend très bien. Personne n’impose rien de l’intérieur puisque c’est de là que nous décidons.

On a eu des informations que parfois vous imposez des choses au groupe.

Ce sont les gens du groupe qui vous le disent ou bien des gens de l’extérieur ? Imposer quoi et pourquoi ? Le PNP n’a pas vocation à jouer un quelconque leadership. Notre adversaire est très clair. Nous ne sommes pas en train de chercher qui est le premier de l’opposition. C’est inutile. Notre objectif est clair. Le retour à la Constitution de 1992, l’effectivité du vote des Togolais de la diaspora ou bien ce système part. Nous discutons, on débat et on se met d’accord.

Comment comprenez-vous que malgré tout ce tapage, le pouvoir ne réagit pas ?

Je ne comprends pas. Un pouvoir sourd, muet et aveugle. Lorsqu’on gouverne au mépris des aspirations du peuple, on n’est plus digne de gouverner ce pays.

Pourrez-vous vous mettre à table pour discuter avec ceux qui gouvernent aujourd’hui le pays ?

Tout dépendra de la thématique autour de laquelle on va discuter. Moi je ne serai pas autour d’une table pour discuter des détails de la Constitution de 1992. Et pour l’instant, je ne vois pas l’ordre du jour qui garantit la participation de l’opposition. Au niveau de la coalition, nous n’avons pas une idée précise. […] Nous n’avons pas enclenché les mouvements pour obtenir un dialogue. Notre objectif est très clair. Maintenant si le pouvoir trouve qu’il faille discuter pour y arriver, il n’y a pas de problème.

Aujourd’hui, est-ce qu’il y a des passerelles que vous empruntez pour des discussions de couloir ?

Moi je ne sais pas comment on discute dans l’ombre. Je ne sais pas le faire. Ces discussions ouvrent sur des suspicions et des compromissions. […] Je ne suis pas un homme de couloir lugubre et je ne suis pas sûr qu’un des nôtres soit dans cette logique. Nous avons posé un problème clair. Qu’on en discute dans la clarté.

Le Secrétaire général de l’ONU appelle les acteurs à un dialogue constructif en vue d’une sortie de crise. Aujourd’hui, allez-vous accepter un dialogue si on vous donne les sujets de discussions ?

Ce serait illogique, pacifiques que nous sommes, de rejeter une proposition de dialogue pacifique. Ce serait incohérent de notre part. Depuis le début jusqu’à maintenant, nous avons fait l’effort de rester cohérents. […]. C’est pour cela que nous voulons avoir une idée précise et claire sur les sujets sur lesquels nous allons discuter. Le dialogue permet au dictateur de gagner du temps. Maintenant, la communauté internationale propose un dialogue. Qu’on nous donne l’ordre du jour pour qu’on sache à quoi s’en tenir. S’il faut le rejeter, on le rejette.

La constitution de 1992 est le produit d’un référendum. […] On obtient une Constitution par référendum, on la met dans la poubelle et on veut aller à un autre référendum pour une autre loi fondamentale ? Pourquoi on nous tourne en rond ? […] N’oublions pas, un référendum est un vote. Voilà un système qui n’a jamais gagné des élections. Je l’ai déjà dit. Ceux qui gagnent les élections au Togo ne gouvernent pas, mais ce sont ceux qui le perdent qui gouvernent. […] Finalement, c’est une question de margouillat, puisque lorsqu’un margouillat te dit qu’il va se faire coudre un pantalon, c’est parce qu’il a trouvé une solution pour sa queue. Comment un parti qui n’a jamais gagné des élections le propose ? Je ne comprends pas. Un coq qui propose à un poisson d’aller le défier dans l’eau, le poisson doit réfléchir. Il y a trop de problèmes à ce niveau et ils en sont conscients. On va aller à un référendum où les gens vont couper la connexion internet pour empêcher qu’on s’envoie les résultats. Nous n’allons pas aller dans les détails. On veut la Constitution de 1992. Ils ne veulent pas de l’alternance. Ils fatiguent le peuple Togolais. Ils tuent les jeunes pour rien, ils emprisonnent les militants pour rien.

Les Togolais ne sont pas violents. Ils ne sont pas ce que le pouvoir tente de faire croire à la communauté internationale. Allez à Sokodé, ces militaires qui martyrisent les populations demandent à manger et on leur en donne. Allez demander.

Vous avez écouté le Président du groupe parlementaire UNIR, qu’est-ce que cela vous inspire ?

Il se défendait difficilement. Il est mal à l’aise dans sa posture de défenseur d’UNIR.

Vous demandez que le Chef de l’Etat quitte le pouvoir. N’est-ce pas un coup d’Etat?

Nous connaissons le mot coup d’Etat, mais nous ne l’avons pas utilisé. Aucun membre de la coalition n’a utilisé ce mot. Quand on manifeste dans la rue, c’est légal. Qu’on ne vienne pas nous dire autre chose. S’ils ne veulent plus de manifestations… Eh bien, qu’ils abrogent la loi sur les manifestations publiques. Le chantre du retour à la Constitution de 1992 n’est plus un parti politique aujourd’hui, mais tout le peuple togolais.

Mais de quel peuple parlez-vous ?

De la majorité affamée. Du peuple spolié. Je parle du peuple qui a marché de Dapaong à Lomé et partout dans le monde, c’est de lui que je parle.

Ce peuple que vous envoyez à l’abattoir ?

Parce que c’est nous qui les tuons, c’est ça ? Le maintien d’ordre c’est avec les armes? Alors le pouvoir a dit à ses défenseurs. Nous ne voulons pas d’alternance, nous voulons d’un pouvoir à vie, d’une monarchie. On leur a dit, faites ce que vous voulez, mais nous on reste !

Au Togo, tout le monde sait que ça ne va pas et seul l’alternance va sauver ce pays. Mais, il y en a qui s’entêtent à la freiner.

Vous avez à vos côtés les évêques.

Les évêques sont des gens de Dieu qui disent qu’il faut évoluer. J’ai lu leur déclaration et au Togo la voix de l’Eglise compte. Elle n’a pas à prendre position pour un parti ou pour un autre. C’est de même pour l’armée, pour la police et l’administration d’Etat. L’Eglise a simplement pris position pour le peuple togolais. C’est tout.

Comment appréciez-vous la sortie de l’Union musulmane du Togo ?

L’Union musulmane du Togo est une aile marchande d’UNIR. Est-ce que vous trouvez logique qu’elle ne réagisse pas quand qu’on traite l’Islam togolais d’intégriste ? Quand on tue dans les villes musulmanes, elle ne dit rien. Les gaz à Bè, elle ne dit rien. Au moment où les musulmans priaient pour le pouvoir, ils étaient porteurs d’un islam normal. Aujourd’hui qu’ils ne voient plus ça, ces musulmans sont traités d’intégristes. Ils sont dans l’amalgame.

Qu’est-ce qu’il y a de si précieux ou de très précieux dans la Constitution de 1992 ?

Eh bien, s’il n’y a rien de tel, qu’on l’accepte sans problème. Si cette Constitution n’a rien de démocratique, pourquoi ils la refusent, jusqu’à aller tuer des Togolais ? […] Cette Constitution a fait rentrer le Togo dans le constitutionalisme […].

Vous dites qu’il faut en finir. Mais comment ?

Les Togolais demandent l’alternance et il faut y travailler. Le peuple togolais est très clair sur sa demande. Il faut écouter le peuple. Le référendum est déjà là. Le reste on peut en discuter entre Togolais.

Est-ce que vous êtes conscient que le débat politique au Togo s’est enlisé depuis six semaines ?

Je n’ai pas cette impression. Il y a une demande du peuple face à un pouvoir sourd, muet aveugle. C’est tout ce que moi je constate. Je vois un peuple qui s’exprime, qui exprime sa volonté et ses aspirations profondes face à un pouvoir sourd, muet aveugle. Et tout ceci se passe dans un pays, et les gens sont là, parce qu’ils veulent être là.

Supposons que Faure Gnassingbé résiste à vos demandes, qu’il est là. Vous allez faire quoi ?

Demandez au peuple qu’est-ce qu’il va faire ? C’est au peuple d’en décider. Si rien ne bouge, c’est qu’on n’a pas encore atteint le nombre qui peut faire basculer les choses. Donc nous continuerons pour arriver à un nombre critique pour faire basculer les choses.

Est-ce que le problème togolais n’est pas plus spirituel que politique ?

Je ne comprends pas la question. […], spirituel à quel niveau ? Dans les Eglises, mosquées ou dans les religions d’Osiris ? Je ne suis pas actuellement à ces endroits mais dans un studio. L’opposition était à l’Assemblée nationale. Les marches c’est dans la rue.

Est-ce que le peu qu’on vous propose aujourd’hui, vous ne pouvez pas le prendre et continuer les discussions pour avoir ce que vous voulez totalement ?

Dans le débat actuel, il y a un problème sémantique que les gens n’arrivent pas à cerner. On parle de mandat et non d’élection. Il faut lui accorder un mandat, il faut faire pour qu’il obtienne encore un mandat. Ça veut dire qu’il y a une présomption irréfragable qui suppose que s’il va aux élections, il gagne. Puisqu’à peine on annonce le débat, on parle de mandat. Maintenant c’est trop redondant. On parle trop de ça. Il y a 7 millions de Togolais quand même. Il veut gouverner à vie. 50 ans quand même ! Finalement la notion de mandat a pris la place d’élection.

Et la coalition, allez- vous toujours opter pour la contestation ?

Oui ! Nous serons dans la rue jusqu’à ce qu’on obtienne les résultats. Les stratégies vont évoluer.

C’est vous le déclic ?

Ce n’est pas tant moi qui compte. Au-delà de nos microprogrammes, il y a un méga-programme de Dieu ou de la nature qui doit s’accomplir. Quand un pouvoir arrive à sa fin, il finit, il n’y a rien à faire.

Quel bonheur, quelle prospérité le pouvoir actuel a apporté aux Togolais ? […] Moi je fais l’évaluation de la situation sur le plan politique, économique et social. Au plan politique c’est un blocage. Au plan économique c’est le pillage. Au plan social, vous avez la santé et l’école qui ne marchent pas. Il n’y a pas de liberté qui est le socle de la démocratie. Les Togolais cotisent pour acheter des armes pour les protéger et on utilise ces mêmes armes pour les tuer. Ce n’est pas normal. La balle est dans le camp de Faure Gnassingbé seul et c’est à lui seul de décider la trajectoire du futur du Togo

Est-ce que vous avez aujourd’hui des soutiens dans l’entourage du chef de l’Etat ?

Le PNP aujourd’hui n’a pas de soutien dans l’entourage du chef de l’Etat.

On évoque Séyi Mèmene

Séyi Mèmene apporte quel soutien au PNP ? Un soutien moral, financier ou quoi ? Ou parce que Séyi Mêmene et Atchadam sont du même village ? […]Tous les militaires Tem sont aujourd’hui en politique et sur le terrain pour combattre le PNP. Je parle d’Agadazi et consorts.

Qui est-ce qui vous finance ?

Est-ce que nous avons besoin de milliard pour faire ce que nous avons fait quand nous avons la volonté et l’engagement des militants ? Les militants cotisent. Nous ne vivons pas dans le luxe.

Si c’est l’argent qui fait la mobilisation, pourquoi UNIR ne mobilise pas plus que tout le monde ? Je pense qu’il y a une prise de conscience générale aujourd’hui chez tous les Togolais.

Aujourd’hui, les Togolais trouvent en vous cette personne capable d’affronter le pouvoir de Faure Gnassingbé.

Ensemble, nous avons plus de pouvoir. C’est pour cela que nous nous sommes mis au niveau de la coalition.

Mais vous n’avez pas ce discours modéré ?

C’est quoi un discours modéré ? J’utilise les mêmes que les autres, peut-être que je les martèle. Chacun a son timbre de voix.

Votre message de fin

Je répète la phrase suivante. Tout peuple debout, arrive à bout de n’importe quel dictateur. Mais avant de dire que vous êtes fatigué, soyez sûr, rassurez- vous que vous êtes capable de porter pire que ce que nous avons porté jusqu’à présent, mais pendant encore 40 ans.

Ils sont en train d’identifier les gens dans les villages, dans les villes. Au cas où ils restent au pouvoir, ils ont des listes. Pendant que nous disons que si nous parvenons à notre résultat, nous allons nous libérer ensemble, et la majorité et la minorité et on va s’asseoir pour discuter. C’est ça notre philosophie. Eux ils disent, ceux qui nous ont fatigués, ceux qui se sont levés contre nous, si nous restons au pouvoir, ils vont voir. C’est leur message. Ils le disent clairement aux gens. Le peuple togolais n’a pas droit de baisser les bras. Mais je le rappelle, le résultat doit être profitable pour tous les Togolais sans exclusion.

Source : Le Rendez-vous 316 du 03 octobre 2017; vidéo : Bill Emile Davolk