«Quand aucun vent ne souffle, même les girouettes ont du caractère » – Stanislaw Jerzy Lec

« Mensah Agbéyomé Kodjo est devenu l’icône des faux bonds dans la politique togolaise. Une girouette politique capable, sans scrupules, de piocher dans tous les râteliers ». C’est ainsi qu’un observateur décrivait récemment le président de l’Organisation pour bâtir dans l’union un Togo solidaire (OBUTS).

Agbéyomé Kodjo en « Spiderman » | Archives
Agbéyomé Kodjo en « Spiderman » | Archives

Il ne semblait pas si bien le dire. Par ses positions alambiquées, Agbéyomé Kodjo donne raison à ceux qui pensent qu’il est un homme politique changeant, inconstant et versatile à souhait. Quelle crédibilité peut-on accorder à quelqu’un qui soutient une chose le matin et son contraire le soir ?

Dans une interview accordée à l’hebdo panafricain « Jeune Afrique », l’ancien Premier ministre voit d’un mauvais œil les manifestations de rue organisées par l’opposition pour exiger les réformes constitutionnelles, institutionnelles et électorales prescrites depuis 2006 par l’Accord Politique Global (APG) que Faure Gnassingbé rechigne à mettre en œuvre. « Recourir systématiquement à la rue est l’expression d’un choix politique que nous jugeons néanmoins contre-productif », a dardé Agbéyomé Kodjo. Pour lui, « d’autres moyens existent qui peuvent s’avérer plus efficaces, et c’est ce que nous tentons de faire en au niveau de notre formation politique ».

En tout cas, dans un passé très récent Agbéyomé Kodjo était un adepte des manifestations de rue ? Avant les élections législatives du 25 juillet 2013 où son parti avait subi un Waterloo électoral, l’opposant « hybride » était la super star des marches hebdomadaires du Front Républicain pour l’Alternance et le Changement (FRAC) à la plage où il haranguait la foule des militants chauffée à blanc avec son slogan fétiche : « Faurevi be agban…agbodji » (les effets de Faure dehors). Il dénonçait d’ailleurs avec véhémence les incompétences de Faure Gnassingbé et est allé jusqu’à traiter de « délinquant ».

Agbéyomé Kodjo a oublié que c’est grâce à la rue que les Togolais ont pu découvrir son talent de « Spiderman » rasant les murs de Deckon. En juin 2012, l’ancien Premier ministre n’avait pas hésité, sous le déluge de grenades lacrymogènes, à escalader les murs des maisons comme un vulgaire voleur.

« Devant un mur d’une concession, faisant le double de notre taille, je me suis retrouvé avec l’un des leaders, Kodjo Agbéyomé, tout de blanc vêtu qui voulait aussi escalader. Mais, il est retombé à plusieurs reprises comme moi. A un moment donné, j’ai enlevé mes souliers pour pouvoir mieux sauter. Je suis parti le laisser. Il est venu quelques instants après nous rejoindre dans la concession qui nous a hébergés. Son premier réflexe a été : « trouvé moi un bâton de cigarette », avait raconté à l’époque un journaliste.

Aujourd’hui que le leader d’OBUTS convole en noces politiques avec Faure Gnassingbé, il trouve inopportune la pression de la rue. A raison. Depuis quelques jours, Agbéyomé est blanchi des crimes qui lui étaient reprochés dans l’affaire des incendies des marchés. Bien avant il a recouvré ses droits liés à ses anciennes fonctions de président de l’Assemblée nationale et du Premier ministre et des avantages y afférents.

Pour toutes ces raisons et autres encore, il a pris ses distances avec ses camarades de l’opposition et fait désormais partie des nouveaux amis de Faure Gnassingbé. Jeune Afrique croit savoir qu’il est le « conseiller officieux » du chef de l’Etat. Ceci expliquerait cela.

Source : Médard Amétépé, Liberté