Le pouvoir de Faure Gnassingbé lance une curieuse cabale judiciaire contre Alberto Olympio | Archives
Le pouvoir de Faure Gnassingbé lance une curieuse cabale judiciaire contre Alberto Olympio | Archives

Alberto Olympio mis en examen par la justice togolaise suite à une plainte déposée par le fils d’un ancien baron du RPT. Présenté au juge mercredi 25 février dernier, il est de nouveau devant le juge le 12 mars

Il y a plusieurs mois que « Liberté » avait l’information selon laquelle le pouvoir préparait une cabale judiciaire contre Alberto Olympio, Président du Parti des Togolais et candidat à l’élection présidentielle. Une information que nous avons mise dans la corbeille des rumeurs surtout qu’aucune source ne l’a confirmée dans l’entourage du candidat. Mais depuis le mercredi 25 février dernier, les choses se sont accélérées et M. Olympio a été mis en examen avec pour interdiction de quitter le pays.

Dès le début du processus démocratique au Togo, il y avait Gilchrist Olympio, président de l’Union des forces de changement (UFC) et « opposant historique » au régime du Général Gnassingbé Eyadema. Vient Harry Octavianus Oympio, ministre avec Eyadema qui lui avait appel après le hold-up électoral de 1998, puis président du Rassemblement pour le Soutien à la Démocratie et au Développement (RSDD). Depuis 2006, il vit en exil après avoir été accusé d’avoir jeté quelques fleurs de cocktails Molotov dans l’enceinte de la Gendarmerie nationale. Entre-temps, l’impavide opposant, Gilchrist Olympio, s’est fait apprivoiser par Faure Gnassingbé. C’est la réconciliation du siècle. Et le fils de Sylvanus Olympio peut se targuer d’être « the second man of the power » (la deuxième personnalité du pouvoir). La vie coule désormais comme du miel, le vin abonde dans la cave. Il y a aussi de la chair fraîche au nom du droit de cuissage reconnu par la Constitution naturelle.

Pendant que Faure Gnassingbé se frotte les mains pour en avoir fini avec les Olympio, surgit Alberto, frère de Harry et cousin de Gilchrist. Très rapidement, il annonce sa candidature à l’élection présidentielle de cette année et décide de faire sa rentrée politique avec un concert géant le 27 avril 2014 au stade de Kégué. Il met les moyens. Le pouvoir de Faure Gnassingbé tremble et fait interdire le concert par le truchement du Contre-amiral Fogan Adegnon, Chef de la Délégation spéciale de la ville de Lomé. Premier et grand obstacle.

Alberto Olympio se rend compte que le Togo c’est le Léviathan où la raison du plus fort reste la meilleure. Pour donner corps à son ambition, il crée le Parti des Togolais le 2 août 2014 afin d’éviter le périlleux exercice de la collecte des signatures. Mais le concert prévu pour lancer les activités du parti a été saboté par le pouvoir qui a organisé un concert parallèle avec King Mensah et consorts. Sans oublier la multitude de pannes d’électricité.

Diplômé de Harvard Business School aux États-Unis et de l’Ecole Supérieure d’Informatique de Montreuil en France, Alberto Olympio cumule 22 années d’expérience dans l’industrie des technologies des Systèmes d’Information. Il a travaillé pour plusieurs groupes dans le monde, tant publics que privés, comme Consultant et Architecte des Systèmes d’Information, mais aussi comme Ingénieur Concepteur de Logiciels avec les Editeurs de Logiciels Hatier et Borland France, puis avec l’Aérospatiale et le CNES (Centre national d’études spatiales) sur la qualité des applications embarquées dans le cadre du programme Ariane 5. Il a mis en place des solutions de sécurité, de collaboration, de messagerie d’entreprise, de cryptage de données, d’e-gouv, des applications métiers (ERP) notamment pour British Petroleum et Abbey National Bank en Angleterre, France Telecom et ses filiales Orange en Afrique, plusieurs sociétés et gouvernement d’Etats aux Etats-Unis. Il a travaillé pour Microsoft Afrique Centrale et Afrique de l’Ouest où il couvrait 19 pays.

En novembre 2009, il crée le Groupe Axxend, société dédiée à l’ingénierie informatique et aux télécommunications. Le Groupe est présent dans 8 pays avec des clients dans plus de 15 pays en Afrique et employant plus de cent cinquante personnes. Depuis sa création, Axxend a reçu chaque année des distinctions décernées par Microsoft, traduisant le niveau de compétence et les performances de l’entreprise selon les standards internationaux. Le Groupe a conçu un logiciel de suivi et de comptabilisation des résultats d’élections, notamment présidentielles. Dans ce cadre il a apporté une assistance technique et a mis en œuvre ce logiciel au Mali pour le compte du candidat Ibrahim Boubacar Keita (IBK). Et pour mettre en action ses convictions de solidarité, il crée en juin 2013 la Fondation Axxend qui ambitionne de venir en aide aux plus démunis en apportant un soutien dans les domaines de la santé et de l’éducation essentiellement. La Fondation Axxend est présente dans 9 pays : le Ghana, la Côte d’Ivoire, le Mali, le Bénin, le Togo, le Tchad, le Congo-Brazzaville, le Niger.

Aujourd’hui, c’est cette société Axxend qui fait le malheur du président du Parti des Togolais. Avec les moyens engagés par Alberto et ce qu’il annonçait faire, Faure Gnassingbé perd sa sérénité. Il décide de chercher ceux qui sont cachés derrière cette société. Parmi les actionnaires, il y a un certain Noel Eklo, fils de l’ancien ministre et aède du RPT, Yao Kunalé Eklo. Celui-ci est invité à Lomé et reçu par le Prince. « Tu finances un candidat contre moi ? », aurait demandé le successeur d’Eyadema qui a mis en avant les bonnes relations que leurs pères avaient entretenues. Assiste à ce conciliabule Gilbert Bawara, ministre de l’Administration territoriale, de la Décentralisation et des Collectivités locales. Le sort d’Albert Olympio est scellé. Le fils de l’ancien baron du RPT doit faire la misère à son associé et réclamer le paiement de sa part. L’affaire est bien ficelée. Et Gilchrist Olympio est informé de tout. Mais il ne peut rien faire pour son cousin, car la bouche qui mange ne parle pas. Le pouvoir n’attendait que le meilleur moment pour donner le coup de grâce.

Effectivement, le fils de l’ancien baron du RPT, Noel Eklo met à exécution le plan et entame une procédure judiciaire à Lomé contre Alberto Olympio qui est accusé d’utiliser les fonds de la société Axxend à son seul compte. Une curieuse démarche surtout que la société n’est pas de droit togolais et dont Alberto Olympio n’est plus DG depuis quelque temps. Mais la justice togolaise managée depuis le palais présidentiel est en marche et rien ne peut l’arrêter.

Le mercredi 25 février dernier, Alberto Olympio est mis en examen. Il était même question de le mettre immédiatement aux arrêts. En revanche, après avoir été longuement entendu par le juge, il est laissé libre mais interdit de quitter le pays. Le jeudi 12 mars prochain, il a de nouveau rendez-vous avec le juge.

Y a-t-il un lien entre ces tribulations judiciaires et le retrait de sa candidature à la prochaine élection présidentielle ? La question reste posée. Mais selon le Parti des Togolais, ce retrait est motivé par le souci de ne pas s’associer au coup de force en préparation.

Source : [04/03/2015] R. Kédjagni, Liberté N°1896

Titre : 27avril.com