Caricature : Donisen Donald / Liberté
Caricature : Donisen Donald / Liberté

La vie humaine est sacrée et les juges togolais ne peuvent pas continuer à s’amuser avec la vie de l’ancien ministre de l’Administration territoriale, Pascal Bodjona, détenu depuis plus d’un an à la prison civile de Tsévié dans l’affaire dite d’escroquerie internationale. Il est impérieux que le président de la Cour suprême, Akakpovi Gamatho, mette fin à cette situation en constatant la violation de la loi organique de cette juridiction et en disant une fois pour de bon le droit.

Inutile de revenir sur tout le tralala politico-judiciaire qui entoure la trouvaille togolaise appelée « escroquerie internationale ». Mieux, il faut dorénavant parler de l’affaire Bodjona, puisque les présumés cerveaux de l’affaire d’escroquerie sont libres de leurs mouvements. C’est le témoin qui est en détention depuis plus d’un an et ce, sur la base de plusieurs procédures bancales. Des incongruités que les avocats de l’ancien porte-parole du gouvernement ont voulu corriger en introduisant devant la plus haute juridiction en matière judiciaire, une requête en vue de contester trois juges de la Cour qui avaient connu le dossier dans les premières juridictions. Une démarche normale qui devrait induire une réponse normale. Mais à l’audience du 19 novembre dernier, la Cour suprême a surpris tout le monde en déclarant la requête irrecevable. C’est-à-dire que les juges qui avaient péché contre les règles élémentaires du droit dans les premières instances, peuvent à nouveau statuer sur cette affaire. Doit-on dans ce cas s’attendre à quelque chose de nouveau ? Les juges qui avaient déjà connu cette affaire, reviendront-ils à de meilleurs sentiments ?

En attendant d’avoir des réponses à ces questions, il sied de rappeler que quelque chose d’inédit s’est produit à l’audience du 19 novembre dernier. C’est en pleine audience que les avocats de Pascal Bodjona ont pris connaissance d’un prétendu mémoire lu par le cabinet de Me Martial Akakpo, avocat de l’Emirati Abass Al Youssef, las de ces balourdises judiciaires à la togolaise. Une curieuse démarche donc !

Des juges de la Cour suprême qui reste le dernier rempart contre l’injustice, ont activement participé à la violation de leur propre loi : loi organique N°97-05 portant organisation et fonctionnement de la Cour suprême. Les articles 23, 25 et 26 de cette loi organique ont été violés. Par exemple, l’article 25 prévoit : « Le Conseiller rapporteur, par lettre recommandée avec accusé de réception, met en demeure le demandeur au pourvoi ou son mandataire de produire, à peine de déchéance de son pourvoi, dans un délai d’un mois, une requête contenant ses moyens de cassation. Le délai pour produire cette requête court du jour de la réception de la lettre recommandée ». « Dès réception de la requête, le conseiller rapporteur le fait notifier à la partie défenderesse au pourvoir et l’avise qu’elle dispose d’un délai d’un mois pour déposer un mémoire en défense. Tout mémoire doit être déposé en autant d’exemplaires que de parties en cause plus un. Le greffier de la chambre notifie le mémoire aux autres parties dans les quarante-huit (48) heures de leur dépôt », précise l’article 26.

Comme on le voit, les avocats de l’ancien ministre qui ont introduit une requête en vue de corriger des anomalies relevées dans les juridictions inférieures, font face aujourd’hui à d’autres étrangetés rendues possibles par la Cour suprême. En principe, ce mémoire introduit subrepticement dans le dossier et qui viole des dispositions de la loi organique, ne devra pas être pris en compte. Et c’est là où le président de la Cour suprême, Akakpovi Gamatho, est interpellé. Le 17 décembre prochain, il doit traduire dans les faits ses vœux pour une justice indépendante. Cette situation de non droit et de détention arbitraire a trop duré et il faut y mettre fin en surfant sur la décision de la Cour de justice de la CEDEAO et l’appel d’Amnesty International. « Malheur à ceux qui prononcent des ordonnances iniques, Et à ceux qui transcrivent des arrêts injustes,/Pour refuser justice aux pauvres, Et ravir leur droit aux malheureux de mon peuple,/Pour faire des veuves leur proie, Et des orphelins leur butin ! Que ferez-vous au jour du châtiment, Et de la ruine qui, du lointain, fondra sur vous? Vers qui fuirez-vous, pour avoir du secours, Et où laisserez-vous votre gloire? » (Esaïe 10 : 1-3).

Source : [25/11/2015] R. Kédjagni, Liberté