Volker Berresheim, c’est l’Ambassadeur de la République fédérale allemande au Togo. On le sait très séduit par les mirages de Faure Gnassingbé. Mais aller jusqu’à jouer au griot, c’est impardonnable pour un diplomate. En déclarant qu’il n’y a aucun pays en Afrique qui fait mieux que le Togo, le diplomate allemand donne l’impression qu’il n’est pas de cette époque et qu’il ne maîtrise pas l’Afrique malgré son passage en 1990 à l’Ambassade d’Allemagne au Bénin en tant que Chargé d’affaires. Il en est de même pour Günter Nooke, Représentant personnel de la chancelière pour l’Afrique.

Togo, les diplomates allemands indélicats Volker Berresheim (g)  et Günter Nooke | Infog : RT / 27avril.com
Togo, les diplomates allemands indélicats Volker Berresheim (g) et Günter Nooke | Infog : RT / 27avril.com

« Le déracinement pour l’être humain est une frustration qui, d’une manière ou d’une autre, atrophie la clarté de son âme », enseigne le diplomate et écrivain chilien Pablo Neruda. Cette assertion s’harmonise avec la situation de l’Ambassadeur d’Allemagne au Togo, Volker Berresheim. Depuis qu’il a atterri à Lomé, il a l’air d’être dans un autre monde et dans une autre époque. C’est à croire qu’il a été au préalable briefé sur les personnes avec lesquelles il devrait travailler une fois arrivé dans la capitale togolaise. Les opposants au régime de Faure Gnassingbé en savent quelque chose. « De tous les diplomates du Groupe des cinq, il est le seul qui a tendance à nous voir de haut. Une fois, il a refusé de nous serrer la main après des échanges houleux. Il a souvent l’habitude de dire que lui, il est au Togo pour la coopération et le développement économiques, oubliant royalement que la politique et l’économie vont de pair », confie un opposant togolais.

Aussi les médias critiques vis-à-vis du pouvoir comme « Liberté » qui étaient régulièrement invités aux manifestations de l’ambassade, ne le sont-ils plus. N’est-ce pas curieux qu’un Allemand bien instruit par les vicissitudes causées par la discrimination, ait pris ce chemin ? La preuve, c’est devant des organes de presse triés sur le volet que Günter Nooke, le représentant personnel de la chancelière allemande pour l’Afrique, a animé dimanche sa conférence de presse. Pourtant, quand le Vice-chancelier Frank-Walter Steinmeier avait visité le Togo en février 2008, c’est toute la presse togolaise dans sa diversité qui avait été conviée à son point de presse.

Profitant justement du séjour à Lomé de Günter Nooke qui, selon les médias officiels, est « venu transmettre les félicitations de la chancelière à Faure Gnassingbé pour sa réélection à la présidentielle », l’ambassadeur Volker Berresheim s’est laissé aller. Dans son allocution lors de la réception offerte en l’honneur du Représentant personnel de la chancelière pour l’Afrique dans la soirée de dimanche, Volker Berresheim a déclamé : « Où en Afrique vous avez sur le plan politique, de la paix, du processus de démocratisation, du développement économique, un seul pays qui fait mieux que le Togo » ?

En clair, l’ancienne colonie allemande est devenue un eldorado sur le continent africain. Même l’Afrique du Sud, le Ghana, le Sénégal, le Nigeria, la Namibie, l’Île Maurice, le Cap Vert, le Bénin, etc. ne tiendraient pas la comparaison devant le Togo. Bref, tout va bien sur les 56 000km². Du griotisme version allemande quoi ! Soit dit en passant, il a mis mal à l’aise certains invités parmi lesquels des tenants de la « dictature héréditaire » qui étouffe les Togolais depuis 1967. « Est-il obligé de faire cette malheureuse comparaison ? », se sont-ils demandé.

Par cette sortie, Volker Berresheim prouve qu’il est d’une autre époque. Pour être poli, nous dirons qu’il ne connaît pas grand-chose des différents pays africains. A l’ère de l’Internet où il est facile d’apprendre des autres, il continue de croire que les « Bororos sont des Araras ». Dommage !

Si l’ambassadeur Volker Berresheim a pu servir ces légèretés en présence de Günter Nooke, c’est que les deux personnalités sont du même acabit. Les enfants togolais diront « Nooke et Berresheim, c’est même pipe, même tabac ». Interrogé par le site gouvernemental « republictogo.xxx » sur son appréciation de l’évolution politique au Togo, le Représentant personnel de la chancelière pour l’Afrique a répondu sans ambages : « De notre point de vue, le pays est sur le point de devenir un modèle pour la démocratisation en Afrique, et on ne peut qu’encourager ce processus qui est conduit sous l’impulsion du chef de l’Etat ».

Hum ! Pourquoi le Togo ne deviendra-t-il pas un modèle pour l’Allemagne elle-même ? Pourquoi l’Allemagne n’optera-t-elle pas pour la « dictature héréditaire » avec une seule famille aux affaires durant un demi-siècle ? Pourquoi l’Allemagne ne nommera-t-elle pas à la place des Bürgermeister (maires) élus, des chefs de délégation spéciale comme au Togo ? Pourquoi l’Allemagne n’aura-t-elle pas des chefs traditionnels qui, sur financement de l’Ambassadeur du Togo en Allemagne, seront formés à la neutralité lors des prochaines élections ?

Depuis que certaines sociétés allemandes ont commencé à s’installer au Togo – la société Heidelberg gère par exemple une cimenterie à Sika-Kondji dans la préfecture de Yoto et personne ne sait les conditions dans lesquelles ce marché lui a été offert -, les diplomates allemands font le jeu du pouvoir. Pour paraphraser Charles de Gaule, on dira que « l’Allemagne n’a pas d’ami, elle n’a que des intérêts ». Et quand les intérêts sont en jeu, on ferme les yeux sur les droits de l’homme, le bien-être des Togolais et on joue au griot sous les tropiques. Court, l’embellie entre les autorités togolaises et les diplomates allemands nous rappelle Faust, ce héros des contes populaires allemands, qui a fini par pactiser avec le diable.

Source : [02/06/2015] R. Kédjagni, Liberté N°1955