Faure Gnassingbé, sans pitié pour son demi-frère qui croupit en prison | Caricature : Donisen Donald / Liberte-Togo
Faure Gnassingbé, sans pitié pour son demi-frère qui croupit en prison | Caricature : Donisen Donald / Liberte-Togo

Signe d’une inévitable fin. Le pouvoir n’arrête de manger ses enfants. Tout est sens dessus-dessous. Depuis la mort programmée du Gal Tidjani Assani en France à la détention continue de Kpatcha Gnassingbé et dans la moindre mesure de Pascal Bodjona malgré leur état de santé au jour le jour alarmant, il y a de quoi s’inquiéter. Le chant du Cygne, la mort lente en prison est devenue le mode opératoire du régime de Faure Gnassingbé pour se débarrasser de ses adversaires. Tous les ingrédients sont réunis pour une inévitable fin d’un régime épuisée par l’âge et les divisions intestines.

Au RPT-UNIR, les détenus se relaient, mais ne se ressemblent pas. Après la libération des uns suite au procès, l’évacuation sanitaire d’un autre officier, il reste toujours détenu dans le dossier, les sieurs :

  • Kpatcha Gnassingbé et Seydou Ougbakiti (prison de Lomé);
  • Gnassingbé Essozimna dit Esso (prison de Tsévié);
  • Atti Abi et Virgile Tchinguilou (prison d’Atakpamé);
  • Sassouvi Sassou et Casimir Dontema (prison de Sokodé).

C’est ainsi que la situation quelque peu inquiétante de Pascal Bodjona est cachée par une autre de plus en plus alarmante, celle de Kpatcha Gnassingbé, le demi frère de Faure Gnassingbé.

C’est en pleine capitale, à quelques coudées de la présidence de la République du Togo que kpatcha Gnassingbé est attaché au poteau dans l’attente d’une heure fatidique. Dans son cas, c’est le groupe de travail sur la détention arbitraire des Nations Unies qui a demandé sa libération pour cause de détention illégale après que la CEDEAO ait reconnu le caractère inéquitable du procès qui le maintient présentement en prison.

Outre les avis et arrêts internationaux, Kpatcha Gnassingbé introduit une vaine demande de grâce présidentielle. C’est aussi vainement qu’il a exploré les couloirs de la médiation et de la famille pour toucher le cœur de son grand frère. En désespoir de cause, entrecoupé par quelques visites de ceux qui refusent de le considérer comme un paria dont il faut s’éloigner, il partageait son quotidien entre sa cellule au premier étage et les allées d’une prison infestée dans l’espoir d’un jour nouveau. C’est sans compter avec la maladie qui frappe au mauvais moment.

Alors qu’il gardait encore l’espoir d’un miracle venant soit de la famille, soit des instances internationales, l’homme est réveillé au petit matin du vendredi 17 juillet 2015 par une douleur propageante aux pieds qui s’enflent au fuir à mesure. Finalement, avec une canne, puis à un moment donné, sur une chaise, l’homme se pousse vers la toilette pour se doucher. Alors qu’il n’a connu aucun déboîtement ni accident, entre les plâtrages de racines et la prise composée d’une bonne douzaine de produits pharmaceutiques, ses pieds, principalement le pied gauche, s’enfle et retombe puis reprend ensuite le tout sur fond d’une douleur que rien n’explique.

Depuis deux semaines, contrairement à ses habitudes, Kpatcha Gnassingbé n’arrive plus à se poser sur sa chaise à masser, moins encore s’adonner à ses exercices de gymnase. Il est réduit à la petite cellule et le demi-couloir. Les spécialistes estiment que si rien n’est fait et que ce mal récurant touche les reins, le détenu sera irrécupérable. Depuis, son conseil demande une évacuation sanitaire. Mais leur demande n’a pas encore rencontrée une oreille clémente. Les missives introduites à qui de droit par le conseil n’ont pas de suite. Quand il plaira aux autorités de répondre, diront-ils peut-être, que Kpatcha se porte comme le soleil au firmament, ou encore que l’ONU et la CEDEAO n’ont jamais demandé sa libération. Il y a donc de quoi se demander si l’histoire veut se répéter.

Toujours dans le même dossier, il vous souvient le triste et fatal « épisode Tidjani ». La famille de cet autre détenu dans la même fameuse affaire « d’atteinte à la sureté de l’État » a ameuté terre et ciel demandant une autorisation au fin d’une évacuation sanitaire du défunt général. Mais d’un rapport médical à l’autre, c’est seulement quand le rapport d’un médecin militaire a confirmé que le détenu général Assani Tidjani était dans un état clinique irréversible qu’il a été relâché pour aller subir les soins. Une façon de l’envoyer mourir loin des regards et de la responsabilité du régime en place. Evacué du pavillon militaire sous les regards attentionnés des agents de la sinistre Agence Nationale de Renseignement ( ANR )  déguisés qui l’on suivi du pavillon à son avion et son lieu de soin, l’homme finira par s’éteindre quelques mois après la ronflante grâce présidentielle malheureusement inutile. Tellement touché dans son amour propre, conscient d’avoir été tué par le régime qu’il a participé à construire de son « arme », le Gén. Assani Tidjani, dans son testament, a tout simplement demandé à être enterré partout sauf au Togo.

Ainsi, se repose-t-il dans son village natal au Nigeria. Quand nous parlions de ce monsieur dans notre édition N° 187, certains croyaient que nous étions alarmistes, mais le temps finira par nous donner raison. Voici un extrait Rendez-vous N° 182 du 10 décembre 2012

Le Gal Assani Tidjani a tiré sa révérence. Nous ne croyons pas si bien dire quand, dans notre dernière parution, nous disions que le sort de cet officier a été scellé avant sa libération. Il faut préciser, sans risque de se tromper, qu’avant d’être autorisé à aller se faire soigner, un médecin militaire qui roule naturellement pour le régime en place, a étudié le dossier médical du général. C’est seulement quand le dossier a conclu que le général n’avait pas plus de trois mois à vivre que Faure Gnassingbé l’a autorisé à aller se faire soigner. L’homme vient de rendre l’âme à Paris le vendredi passé aux environs de 17h 30.

Cette mort n’a rien de naturel, plutôt elle s’apparente assez trop à un assassinat qui ne dit pas son nom. D’ailleurs, à l’allure où évolue la situation, Dieu seul sait si Tidjani sera le dernier quand on sait que, dans le cadre de l’affaire Kpatcha, beaucoup de « Tidjani » sont en train de mourir à petit feu dans les différentes prisons du pays. Les victimes de torture sont encore en détention. Mieux, elles sont en train de mourir à petit feu et tout semble conclure que ce n’est un effet de hasard. Avec le cortège de cas grave de santé qu’on ne veut pas considérer, la mort programmé des victimes de l’ANR semble amorcée sa phase exécutoire.

Des sources sérieuses nous ont laissé entendre que le Gal Assani Tidjani, par exemple, a bénéficié d’une certaine grâce présidentielle, une fois son pronostic vital atteint. Quand il décollait, nous-nous sommes demandé si ce n’était pas une façon de libérer quelqu’un qu’on a déjà achevé. Le Gal est encore vivant. Toutefois, sur le plan médical, cela ne promet pas grand-chose. Et de sources poches de la famille, le sort de ce fidèle parmi les fidèles de feu Eyadema ne relève que du miracle du Tout puissant Créateur des cieux et de la terre. L’homme ne pèserait pas plus de 45 kg. Voilà un monsieur qu’on garde en détention illégale dans un environnement de triste réputation. On fabrique un procès inique et bien que visiblement atteint tout comme certains de ses codétenus, on le condamne à une peine privative de liberté. Pendant qu’il purge sa peine, le mal dont il souffre, et qui était visible à fleur de peau pendant le procès, devient de plus en plus menaçant. Mais au lieux de le libérer immédiatement pour raison sanitaire, malgré que la famille ait remué terre et ciel, l’autorité a trainé les pas et se décide en fin de le libérer quand il est cliniquement difficile de le récupérer.

Tous les détenus de l’affaire Kpatcha sont des malades en sursis. Les uns arrivent à dominer tant bien que mal leur maux, mais pour les autres, la maladie est à fleur de peau. Ils ont développé des maladies latentes à partir de ceux dont ils ont été victimes pendant leur détention au sixième continent, l’ANR. Ils ont contracté des maladies qu’ils ne portaient pas avant leur arrestation sans oublier les séquelles vivantes de torture qu’ils trainent. Il est naturel que nous mourions un jour ou l’autre, mais si rien n’est fait, les détenus de l’affaire Kpatcha risquent sérieusement une mort programmée.

A la lecture de certaines évidences, on peut être fondé de se demander si on veut s’assurer que le sort de ces détenus est scellé avant de les libérer comme ce fut le cas pour Tidjani. Nous ne savions pas que le Gal était effectivement en face d’une mort certaine. A l’époque, vu l’état dans lequel il a quitté son lieu de détention pour prendre l’avions, nous disions qu’il a été libéré parce que les gens ne veulent pas avoir sous la main un cadavre encombrant à gérer.

Présentement, Kpatcha Gnassingbé est dans la salle d’attente où le Gal Assini Tidjani a passé ses derniers moments. Au gré des antibiotiques et des racines, son état de santé évolue en dent de scie. Ces derniers jours, il nous a fait savoir que « les médecins envoyés par l’État sont venus me voir. Un rapport, le quatrième du genre depuis ma détention, est en préparation ».

Kpatcha Gnassingbe malade derriere les barreaux de la prison de lomé | Infog : 27avril.com
Kpatcha Gnassingbe malade derriere les barreaux de la prison de lomé | Infog : 27avril.com

Ils iront faire leur rapport, mais rien depuis lors ne fait bouger l’autorité. Sans nul doute, l’on attend l’ultime rapport médical. Celui qui, comme dans le cas cité plus haut, comporterait les germes d’une mort irréversible du frère jumeaux de Toyi Gnassingbé. En ce temps, Faure Gnassingbé prendra « de toute urgence », au nom de la cohésion familiale, de la réconciliation nationale et par humanisme d’un président très croyant et sensible à la situation de ses administrés, les mesures appropriées pour évacuer Kpatcha Gnassingbé. Quand du haut de son lit de mourant, ce dernier se rendra compte qu’il n’était qu’un cercueil, peut-être, dans son testament, demanderait-t-il, à son tour, à être enterré soit au Gabon, en Lybie ou au Burkina. « Jamais deux sans trois », dit-on souvent.

En effet, Omar Bongo, Mouammar Kadhafi et Blaise Compaoré sont, entre autres, de ces présidents qui n’ont cessé de demander la libération de Kpatcha jusqu’à ce qu’ils quittent la scène.

De ce qui précède, dans un environnement tout aussi successorale où la politique et l’héritage se chevauchent sur des comptes bancaires, pour certains, Kpatcha Gnassingbé n’est-il pas plus utile mort que vivant ?

Source : [30/07/2015] Abi-Alfa, Rendez-Vous