Après la conférence nationale souveraine, les Accords-cadres de Lomé, entre autres, l’hôtel 2 février qui avait abrité la signature en 2006 de l’Accord politique global (Apg), aujourd’hui, dans sa version rénovée, a servi de cadre à l’atelier du Haut-commissariat à la réconciliation et au renforcement de l’unité nationale (Hcrrun). Ouverte le 11 juillet dernier, la grande messe de la « pagaille Unir » s’est achevée vendredi dernier.

Awa Nana-Daboya, la présidente du machin-truc HCRRUN | Photo : icilome
Awa Nana-Daboya, la présidente du machin-truc HCRRUN | Photo : icilome

« Je suis à l’atelier sur les réformes organisé par le Hcrrun. En dehors des partis regroupés au sein du CAP2015 et le Parti des Togolais, tous les autres partis politiques sont là. Même si les réformes ne vont pas immédiatement être faites au lendemain de ces rencontres, il faut un début à quelque chose. L’absence de l’Anc me désole. On va encore se retrouver dans une sorte de CPDC. Ceux qui ne sont pas là contestent les décisions de ceux qui sont là, et ceux qui sont là ne veulent pas faire le travail de ceux qui ne sont pas là. Le Togo est un éternel recommencement », postait sur sa page facebook Gerry Tamma du Net. Cette rencontre boycottée par les poids lourds de l’opposition a été une belle occasion pour certains partis politiques de l’opposition, à l’instar du Mrc, du Mcd, du Net, de la CPP, de l’Ufc, de l’Obuts, de sortir de leur sommeil dogmatique pour se refaire une santé politique et retrouver leur existence.

« Atelier de réflexion sur le concept de réforme et les réformes politiques et institutionnelles telles que préconisées par la Commission Vérité, Justice et Réconciliation (CVJR) », c’est autour de cette thématique d’actualité qui fait débat dans le pays que plusieurs personnalités se sont réunies. Au sein de l’opinion, cette initiative de Mme Awa Nana-Daboya et son institution n’a pas (tellement) inspiré confiance aux esprits avisés. L’Alliance nationale pour le changement (Anc), tout comme les autres partis politiques regroupés au sein du Combat pour l’alternance politique en 2015 (Cap 2015), ont décliné l’invitation du Hcrrun. Et à plus forte raison.

« Au Togo, on a tout essayé », a pesté tout récemment, Magloire Kuakuvi, enseignant-chercheur et professeur de philosophie, sur une radio de la place. « Au Togo, les réformes politiques sont indissociables de l’Accord Politique Global (APG) signé par les protagonistes de la crise togolaise, le 20 août 2006. Car, c’est l’APG qui, pour le règlement de cette crise, prescrit des « réformes constitutionnelles et institutionnelles » clairement identifiées et listées dans son titre III consacré aux réformes. La CVJR, qui a en charge la lutte contre l’impunité et la réparation des crimes de la dictature afin de favoriser la réconciliation nationale, s’est vue obligée, dans son rapport remis au Chef de l’Etat en avril 2012, de formuler des recommandations sur les « réformes politiques et institutionnelles » parce qu’elle a constaté, six ans après la signature de l’APG, que le refus par le pouvoir de procéder aux réformes, constitue l’une des causes de la persistance voire de l’amplification de la crise et un obstacle à la réconciliation nationale.

Est-il besoin de rappeler que le décret 2009-46/PR du 25 février 2009, portant création de la CVJR, ne confie à cette dernière aucun mandat relatif aux réformes politiques prescrites par l’APG ? Est-il besoin de rappeler que le décret 2013-040/PR du 24 mai 2013, portant création du HCRRUN, ne lui confie non plus aucun mandat relatif à la mise en œuvre des réformes politiques ? C’est dire que la CVJR aussi bien que le HCRRUN, dont la création et les missions procèdent du titre II de l’APG, n’ont aucune habilitation légale à traiter des réformes politiques, lesquelles relèvent du titre III de l’APG et sont du ressort des parties à l’Accord Politique Global, notamment, le pouvoir en place et l’opposition.Si le régime RPT/UNIR ne s’était pas livré au dilatoire pendant toutes ces années, comme il tente de le faire aujourd’hui en se servant du HCRRUN, l’APG aurait pu être exécuté avant le démarrage des travaux de la CVJR. Si tel avait été le cas, la CVJR n’aurait pas « préconisé » des réformes politiques et institutionnelles. Il est donc évident que, nonobstant leur importance dans l’histoire de notre pays pour la guérison du mal togolais, les recommandations de la CVJR, en ce qui concerne les réformes politiques, ne peuvent supplanter et encore moins remplacer les dispositions pertinentes de l’APG », a écrit Jean-Pierre Fabre à Hcrrun en réponse à une invitation à prendre part à cet atelier.

Le Hcrrun conforte visiblement les détracteurs qui croient dur comme fer que rien de sérieux n’allait sortir de ce marché, de cette kermesse. Reçue sur Nana Fm mardi dernier, la 2ème rapporteuse de l’institution, Mme Claudine Akakpo Ahianyo, a laissé entendre que les réformes politiques, notamment les réformes constitutionnelles « ne relèvent pas des prérogatives du Hcrrun », mais du ressort de l’Assemblée nationale. « Le HCRRUN va dans le sens de ce qu’a préconisé la recommandation 57 de la CVJR. Le HCRRUN, tout comme la CVJR, n’est pas l’institution accréditée pour les réformes. Le HCRRUN fera ses recommandations, tout comme la CVJR a eu à le faire », a renchéri Mgr Nicodème Barrigah, président de la Cvjr en marge de cet atelier. Selon les responsables du Hcrrun, les conclusions des travaux seraient versées à une commission sur les réformes qui sera présidée par Mme Awa Nana-Daboya.Tout ce qui laisse penser que Faure qui veut conserver le pouvoir pour ne jamais le lâcher lui échapper, veut « tuer » les réformes politiques sur l’autel des commissions. Et pourtant, à la fin de cet atelier qui s’est achevé sans la mise en place d’un cadre juridique contraignant, des leaders de la société civile, des acteurs politiques, oubliant que Faure c’est Faure, ont affiché un optimisme béat. Un optimisme forcené donc. Il suffit de savoir lire l’histoire pour se rendre à l’évidence que cet atelier n’est qu’une comédie jouée. Faut-il croire en la « proclamation de la bonne foi » (sic) du pouvoir Rpt recyclé Unir ?

Ce qu’il faut savoir

« Papa nous a dit que si nous laissons le pouvoir nous échapper, nous n’allons jamais le rattraper », avait déclaré Faure Gnassingbé au palais des Congrès de Lomé. Malgré la pression de la communauté internationale, les exhortations de la Conférence des évêques du Togo, les exigences de la classe politique togolaise, Faure Gnassingbé, arrivé en 2005 au pouvoir par le massacre des populations dénoncé dans des rapports, depuis 10 ans, refuse de mettre en œuvre les réformes constitutionnelles et institutionnelles identifiées et prévues par l’Accord politique global de 2006. De l’Apg à la CVJR en passant par le CPDC, le CPDC rénové, au dialogue Togo Télécom 1 et 2, sans oublier la lettre pastorale de la Conférence des évêques du Togo, les accords et les recommandations sont restés inappliqués.

Il vous souvient qu’il y a plus d’un an, Yahya Jammey et son compère du Togo Faure Gnassingbé s’étaient opposés à l’adoption du protocole additionnel de la CEDEAO sur la bonne gouvernance et la limitation du mandat présidentiel dans l’espace communautaire. « La question des réformes constitutionnelles et institutionnelles n’est pas une chose figée. On peut en discuter 1 an, 5 ans ou 10 ans », disait en 2014, le président du groupe parlementaire Unir, Christophe Tchao. Au même moment, le président de la Cour constitutionnelle Aboudou Assouma aussi s’était invité dans le débat de façon tonitruante, hasardeuse et scandaleuse en déclarant que la question de réformes n’est plus d’actualité et que l’Apg était désormais caduc. Des propos qui seront repris en 2016 par Florent Maganawé, pendant que son mentor fustigeait en terre allemande la question de limitation du mandat présidentiel à deux. Preuve que si Faure Gnassingbé avaitune volonté politique de faire les réformes, il n’aura pas besoin de tout ce bazar. Le reste, c’est du folklore. Au Benin, Patrice Talon, n’a pas fait de tous ces détours avant d’engager le chantier de révision constitutionnelle. La commission qu’il a mise en place dans ce sens, n’a pas trainé le pas avant de lui remettre son rapport. Mais au Togo, hum…

Source : PCK, L’Alternative