Faure Gnassingbé et son rêve de la présidence à vie au Togo | Infog : 27avril.com
Faure Gnassingbé et son rêve de la présidence à vie au Togo | Infog : 27avril.com

Présidence à vie, une vieille pratique connue des anciennes dictatures monolithiques. Elle se verra obligée de s’accommoder au vent de l’Est des années 90. On la croyait un vieux rêve déjà étouffé par les règles universelles et sacrosaintes de la démocratie. Mais c’est sans compter avec la présence, désormais visible, des faucons parmi les colombes qui adoubent la démocratie à travers leurs discours.

Le vieux rêve des pères de l’indépendance, la présidence à vie, s’est placé désormais en travers du trajet de la démocratie. Cette dernière, heureusement, a déjà atteint le point de non-retour. La volonté désormais palpable des dirigeants limités dans leur lecture de la nouvelle donne mondiale est, certes, une difficulté à résoudre, mais juste un coup isolé qui ne pourra, en aucun cas, arrêter le combat. Sur le plan sous régionale, la démocratie reste encore, en effet, malade des chefs d’Etats du Togo et de la Gambie.

La grande révélation est faite à Accra lors du 46ème sommet de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest CEDEAO. Cette situation insolite ne servira pas ses défendeurs, tout au plus, elle pourra les isoler et s’apparenter à un coup d’épée dans l’eau contre eux. Elle crée quand même un débat, il faut bien en parler et puisque chacun gratte là où ça le gratte, nous allons nous appesantir sur la particularité togolaise.

La démocratie, si elle doit être redevable à quoi que ce soit au monde, ce n’est pas aux états d’âme de quelques ambitions isolées, mais au bien-être de l’humanité, à la justice sociale, à la paix mondiale, voici des champs d’action où la démocratie doit encore s’investir. Quelques réfractaires qu’ils soient à la démocratie, celle-ci est déjà trop avancée pour se réadapter aux désidératas de quelques mecs. Elle doit prospérer avec tous les principes connus d’elle depuis ses origines. Aucun héritier, aucun marabout, soient-ils des chefs d’Etat, ne pourront forcer le reste du monde à réinventer une démocratie sans limitation de mandat.

La démocratie et ses principes sont un corps indissociable. Si la vieille génération de dirigeants, qui ont rayonné, soit par leur génie politique avéré, soit par leurs références intellectuelles, n’ont pas pu amputer la démocratie de certains de ses membres à sa naissance, ce n’est pas des présidents effacés comme le marabout gambien moins encore le prince togolais qui la rendront infirme de quelque manière que ce soit. Ou ils s’y accommodent, ou les autres s’associent pour leur trouver une porte de sortie. Leur absence, ne pourra d’ailleurs être qu’une œuvre de salubrité publique pour la sous région. Désormais on comprend le pourquoi la démocratie rame dans certains pays comme le Togo.

Il vous souvient, dans un passé encore récent que, le régime en place a payé des opposants togolais frelatés pour qu’ils soutiennent sur les médias et dans toutes leurs sorties que si les reformes n’ont pas eu lieu, c’est la faute à un certain Fabre Jean Pierre. Pour eux, leur utilisateur est un guide éclairé ouvert aux négociations et qui veut bien faire les reformes politiques mais que c’est le leader de l’opposition qui s’y oppose. L’argument était assez gros, de quoi troubler l’opinion et semer la confusion. Mais le prince vient de prouver aux yeux du monde que les leaders des molécules de partis politiques en voie de disparition, qui passaient leur temps à brayer sur les antennes, ont tord. La limitation de mandats, leur bienfaiteur n’en veut pas. Peut-être que, bientôt, si l’on ne s’arrange pas pour défaire la démocratie de cette disposition indésirable, le Togo franchira l’étape supérieur en rejoignant les monarchies du golfe où le père meurt et se fait remplacer par le fils.

Ce n’est certainement pas un hasard si le prince a commencé l’apprentissage. ‘’Wait and see’’. Les autres chefs d’Etat éberlués se sont vus obligés de retirer le projet de lois sur la limitation de mandants à deux. Le refus de monsieur Faure Gnassingbé de signer un tel protocole ne pourra tout de même pas changer de physionomie à l’élan mondiale.

Les Togolais avertis savaient, en effet, que le prince avait annoncé les couleurs.

Il ne surprend pas son peuple, si ce n’est que tous les actes qu’il pose le présentent comme une anomalie, pour ne pas dire une curiosité pour le bon sens. Bref, un argument pour tourner en dérision le Togolais où qu’il se présente. On croyait la démocratie à un stade où l’alternance est devenue un acquis. C’est sans compter avec cette espèce rare dans la famille des dirigeants africains.

La démocratie n’a pas encore eu totalement raison du vieux rêve, la présidence à vie reste encore une peste à combattre au Togo et en Gambie. La preuve est que les deux pays font bloc pour dire « non » à l’initiative sous-régionale, visant justement la limitation des mandats présidentiels. Plus de deux décennies après, les vieux démons continuent encore de hanter les esprits de certains dirigeants. Leurs populations de se demander si la démocratie dont se réclament leur bien aimé dirigeants n’est pas la même que celle universellement reconnues qui symbolise la possibilité d’une alternance au pouvoir par une limitation du nombre de mandats présidentiels.

A ce sommet communautaire, le président du Togo a démontré que malgré les 38 ans de son père et ses trois mandats de cinq ans, la présidence, il en veut encore. On n’abandonne pas les bonnes choses en si bonne route, les belles créatures, les boîtes de nuit, se faire évacuer pour un petit mal de tête, les paradis fiscaux, être le seul maître à bord et faire main basse sur toute une économie nationale, il faut être trisomique pour accepter partir alors que l’on est à la fleur de l’âge. Il s’est ouvertement opposé à ce projet de limitation de mandat désormais classé dans les archives. Gnassingbé II peut se frotter les mains, mais ce n’est que le temps pour les autres de s’organiser afin de rebondir. A moins que ses frères de la sous région soient otages de compromissions qui les limitent vis-à-vis du Togo. Malgré qu’il est connu que les longs règnes finissent toujours par des catastrophes, Lomé n’est pas prêt à s’en débarrasser, du moins pas de si tôt. La capitale togolaise vient de s’opposer à une initiative louable visant à guérir la démocratie de sa teigne, la présidence à vie.

Quoique utile qu’elle soit à l’ancrage de la bonne gouvernance en Afrique de l’ouest, cette initiative, Faure Gnassingbé n’en veut pas. Le locataire du palais de la Marina amorce son 3ème mandat de cinq. Le pire est que, pour un héritage aussi précieux que la gestion d’un pays, et eu égard à ses comportements précédents et à son projet de société profondément basé sur une certaine vision 2030, rien ne laisse envisager que M. Essozimna Gnassingbé compte laisser la chance à l’alternance.

Fraîchement « réélu » par un processus frauduleux inachevé, pour la 3ème fois à la tête de son pays, Faure Gnassingbé soutenu par l’armée a ramassé le pouvoir pour la première fois dans le sang d’au moins 500 togolais en 2005. Ceci suite à la mort de son père le Général Eyadéma.

Faure Gnassingbé doit beaucoup à une armée désormais prise en otage par ses méthodes, une armée minée par la précarité avec sa plus grande majorité obligée de raser les mûrs avec un salaire de misère pendant qu’un petit nombre de hauts gradés entretient des réseaux d’enrichissement frauduleux. Aussi longtemps que celle-ci s’accommodera aux humeurs de la minorité, qu’elle restera fidèle à la dynastie installée, Faure Gnassingbé va continuer par caresser son rêve. Il est arrivé au pouvoir en novice qui avait tout à apprendre avant de s’imposer finalement en jetant par déçu bord ceux qui ont fait de lui un roi et qui l’ont initié aux premiers pas.

L’Afrique de l’Ouest est perçue sur le continent comme un espace où les avancées démocratiques sont indéniables, ce n’est pas le dernier scrutin au Nigeria qui dira le contraire. Mais la région doit encore faire face aux bastions d’instabilité.

Les derniers bastions d’une instabilité

L’instabilité est d’abord institutionnelle, le fait de refuser les limitations de mandat ; elle est ensuite politique, les régimes trop vieux au pouvoir. Pendant longtemps, Gnassingbé père a utilisé la menace d’une guerre civile pour dissuader ceux qui réclamaient de lui une alternance à tout prix. Au Togo, le débat régional et ethnico-politique étaient encore une recette qui marchait très bien. Mais depuis un temps, l’ethnie a cessé d’être une menace à la stabilité nationale togolaise.

Tout le monde est conscient d’un échec national dont toutes les ethnies, au-delà des apparences, sont victimes. Il est plutôt question d’une poche de résistance qui s’appuie sur la grande muette pour assouvir ses ambitions politiques et faire main basse sur la richesse nationale. Il est question d’une bande qui régente, à l’allure d’une mafia, toute une république, aucune ethnie n’est plus une menace pour l’autre. Pour y parvenir sans compte à rendre, s’éterniser au pouvoir est la recette magique. Sauf que, cette ambition se heurte à une levée de bouclier qui refuse le tapis rouge aux présidents qui comptent végéter au pouvoir. Le 3ème mandat ou la présidence à vie, est désormais l’une des dernières barrières à faire tomber pour une meilleure gouvernance politique en Afrique.

Dans tous les pays, opposition, société civile et parfois les religieux, voire même dans certains cas, des voix à l’intérieur des cercles dirigeants, se font entendre pour manifester leur refus.

Au Togo, la société civile si elle n’est pas embryonnaire, est assez appauvrie pour être moralement crédible devant certaines causes. Des gens pour changer les choses de l’intérieur eux se révèlent des lâches qui n’ont que le double langage pour armes, ils ventent le paradis et redoutent la mort. Les Djibril Bassolé, le Togo va attendre longtemps. En réalité, partout ailleurs sur le continent, la tentation du 3ème mandat et les tripatouillages de la Constitution sont aujourd’hui farouchement combattues par la société civile.

Le départ de Wade Abdoulaye en 2012 s’était tissé sur sa tentation à s’éterniser au pouvoir par une masturbation constitutionnelle en 2011. Avant Wade, Mamadou Tandja du Niger avait été renversé en février 2010 par des militaires après avoir en 2009 forcé la voie par une modification de la constitution qui devait lui offrir un 3ème mandat contre la volonté populaire. A lire ce qui s’est produit au Niger, on peut avancer sans risque que, « même l’eau sale éteint le feu ».

Les coups d’Etat, bien que décriés, celui du Niger était très vite devenu une sortie salutaire habillée d’un caractère républicain. Tout comme ce qui s’est passé au Niger, il y a encore de ces pays en Afrique, leur nom nous échappe, mais leurs populations applaudiront si jamais ils sont bousculés par n’importe quel criminel de militaire. La communauté internationale, comme elle l’a diplomatiquement fait au Niger, va se contenter d’une condamnation de principe de quelques heures.

Revenons à notre sujet pour dire qu’au Togo, on nous parle d’une constitution qui ne souffre de rien et qui accorde la possibilité à M. Faure de se présenter à la magistrature supérieure autant de faux qu’il le peut. Mais au même moment, le prince a pris, depuis 2006, l’engagement signé de faire des reformes institutionnelles et constitutionnelles. La crème de ses reformes devait être, entre autres, la limitation de mandats. Pour ne pas faire entorse à cette constitution taillée à la mesure de ses ambitions en 2002, le prince refuse de faire les reformes. Il est naturellement convaincu que toute reforme quelle que soit sa couleur contiendrait forcement la limitation de mandat.

Complaisants et lâchement limités devant la mauvaise volonté des chefs d’Etat réfractaires aux reformes, la CEDEAO initie une loi pour limiter le mandat et couper l’herbe sous les pieds des indélicats, Faure s’y oppose. De quoi narguer ses pairs et leur dire que je vous tiens, « certains d’entre vous se sont appuyés ou sur ma fortune ou celle de mon père pour être ici ». Celui qui se prend pour le plus intelligent des Togolais peut se frotter les mains d’une part en se réclamant de ceux qui respectent leur constitution et d’autre part en gardant ouvert une fenêtre sur les volets monarchiques, par lui introduit, dans la même constitution.

En effet, toute hypocrisie gardée, le problème n’est pas de savoir qui a modifié ou qui n’a pas modifié sa constitution, il faut se demander qui a fait combien de temps au pouvoir. Et ce n’est pas pour plaire aux velléités dictatoriales des roitelets que sur 15, 13 des chefs d’Etat ouest africains ont voté le projet d’une loi communautaire portant limitation de mandats présidentielles à deux de quatre ou deux de cinq au plus.

Le temps des vérités étant sonné, le plus rusé des jeunes monarques africains est obligé de laisser tomber le masque. Il a tout simplement refusé de poser sa signature au bas du projet de loi. Comme quoi, le jour de l’accouchement la femme n’éprouve aucune pudeur face à sa nudité. Le bon Samaritain qui a ouvert toutes ses largesses pour donner libre court à la démocratie et qui passe pour un guide éclairé soucieux de l’alternance aux yeux d’une race d’opposants togolais est obligé de se singulariser pour protéger sa précieuse présidence à vie. Pour ne pas être un cas isolé, il a rabaissé l’image de son pays au niveau de celui du marabout Gambien Yahya Jammeh. Les leçons d’une audace.

Les relations financièrement incestueuses avec certains chefs d’Etat ?

Faure Gnassingbé, ce n’est pas un Senghor pour qu’on puisse supposer qu’il « connait tellement papier » au point qu’il lui arrive d’avoir un regard politique en avance sur son monde. Il n’est non plus un leader charismatique de la trempe d’un Mubutu pour s’accorder certains coups d’éclats. Si on peut considérer son homologue Gambien depuis longtemps comme une curiosité sous les tropiques, désormais le prince togolais le rejoint. On se demande sur quoi le prince compte pour oser des prises de positions aussi impopulaires ? Il n’est donc pas trop tôt pour se demander quel type de relation entretient-il avec certains des ses frères de la sous région ? De quel maillage le prince est capable dans la sous région ?

Pour parler de quelques cas, le Bénin par exemple, ne fait l’ombre d’aucun doute. Yayi Boni, s’il est trop osé d’avancer qu’il est un pure produit du Togo, il n’est pas moins vraie de reconnaître que l’homme s’est appuyé sur le régime de Lomé pour faire sa mue et gravir les marches vers son palais. C’est donc de bonne guerre que le monsieur se plie au bon vouloir du prince même s’il ne peut pas servir aux Béninois ce que son homologue sert au Togolais. C’est n’est pas un hasard si le Béninois a appuyé son parrain togolais pour marchander l’espace aérien Togolo-béninois contre le soutien du Ghana au dernier braquage électoral au Togo.

Le Ghanéen John Dramani Mahama, si à un moment donné tenait les câbles contre le pouvoir togolais, a fini par rentrer dans un silence sépulcral depuis que l’espace aérien et le clinker sont rentrés dans la balance. L’homologue anglais préfère un silence complice car sa population est toujours restée sensible au cas togolais.

Le Malien Ibrahim Boubacar Kéïta (IBK), c’est aussi un dirigeant qui n’est pas méconnu du jardin de Lomé II, il a presque élu domicile à un moment donné sous le grand baobab et ses largesses. Ses parrains dans le régime comme les Natchaba Fambaré en savent quelque chose. Même si le baobab est tombé, dans une région où la géopolitique est encore une force au chevet des dictatures, IBK a gardé les bons réflexes. Son parti est créé au Mali à l’image du RPT au Togo. Financièrement parlant, il ne nous appartient pas de dire si oui ou non Lomé a joué un rôle pour l’aider à gravir les marches. Que peut Ibrahim Boubacar Kéïta devant la volonté d’un tel bienfaiteur ?

Le Burkina, quant à lui, gardera encore pour longtemps une relation de famille avec le Togo si on sait que notre pays tout comme d’autres de la sous régions sans oublier la Françe-Afrique a joué un rôle dans l’avènement au pouvoir de Blaise Compaoré qui vient de tenir l’ancienne Haute-Volta 37 ans durant.

Même Macky Salle du Sénégal, difficile de dire si l’ombre de notre Baobab n’a pas joué un rôle dans son avènement.

La Côte d’Ivoire, les faits parlent d’eux-mêmes. Si Lomé a préféré souffler le chaud et le froid pendant la crise ivoirienne, à peine installée, les couloirs sont ouverts vers l’actuel pouvoir d’Abidjan d’Alassane Dramane Ouattara. Beaucoup d’eau coule sous les deux ponts même s’il arrive des périodes de froid.

Du moment où le pouvoir de Lomé est en perpétuelle quête de crédibilité, il se montrera disponible dans ses largesses vers certains dirigeants de la sous région. Ils sont nombreux, ces chefs d’Etat qui se sont appuyés sur le Togo tantôt pour accéder au pouvoir, tantôt pour se faire réélire. Et le retour de l’assesseur se passe de commentaires. Si ces compromissions se confirment, de quelle sursaut sont capables les chefs d’Etat pour discipliner le prince ?

Le Nigéria, peut-être une exception

Muhammadu Buhari vient de signer son retour triomphal à la tête d’un pays continent qu’il a une fois dirigé par la faveur d’un coup d’Etat contre Yacoubou Gowone dans les années 80. L’ex président Yacoubou Gowone était au cœur de ses bonnes relations avec le Togo. Pays pétrolier, le géant africain venait de signer des contrats qui accordaient à Eyadema Gnassingbé et son pays quelques gouttes de pétrole brut. Le business pétrolier s’annonçait en grand pompe. Eyadema fait installer une raffinerie à toute fin utile. La raffinerie à peine installée, Muhammadu Buhari renverse Gowone alors que celui-ci était en voyage. Devenu ancien chef, il quitte le voyage et atterrit à Lomé. Le chef déchu se fait accueillir sur tapis rouge avec tous les honneurs dus à un chef de l’Etat. De quoi créer un froid entre le Togo et le régime de Buhari pendant son passage à la tête du pays.

La brouille avec Buhari avait arrêté certains contrats au point de rendre caduque la raffinerie du pétrole. L’ancien putschiste signe son retour, de quel type de relations sont capable Buhari et le fils de son ancien ennemi ? En tout cas, les relations avec les pays continents, les présidents à vie en ont besoin. Inutile de revenir sur le rôle trouble joué par Obassandjo au Togo pour entretenir la monarchie. Faure vient de défier la CEDEAO, il confirme les tars que son opposition lui attribue, on attend de voir jusqu’où ses paires pourront le supporter dans sa nouvelle lancée.

Source : [27/05/2015] Abi-Alfa, Le Rendez-Vous No. 247