Des retro-commission de 10 milliards FCFA perçus par les ministres Ayassor et Gnofam à même le budget de 26 milliards FCFA du projet de construction de la voie Lomé-Vogan-Anfoin paralysent les travaux. Le chantier est à l'abandon avec ses corolaires de risques pour les riverains et les usagers | Infog : Liberté
Des retro-commission de 10 milliards FCFA perçus par les ministres Ayassor et Gnofam à même le budget de 26 milliards FCFA du projet de construction de la voie Lomé-Vogan-Anfoin paralysent les travaux. Le chantier est à l’abandon avec ses corolaires de risques pour les riverains et les usagers | Infog : Liberté

Notre parution N°259 a publié un article intitulé « CECOGROUP, la victime-coupable de l’impossible bitumage de la route Lomé-Vogan-Anfoin : Pour un chantier de 26 milliards, les Ministres AYASSOR et GNOFAM ont encaissé une retro-commission de 10 milliards ». Il n’en fallait pas plus pour que notre Rédaction reçoive une pluie de plaintes. L’information étant publiée le jeudi 17 septembre 2015 et reprise le lundi 21 septembre dans le quotidien « Liberté », notre Directeur et son confrère de « Liberté » se sont retrouvés nez-à-nez avec les membres de la HAAC, Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication.

D’abord, c’est le ministre Niansao Gnofam qui, individuellement, avait porté plainte contre notre Directeur de Publication, M. Abi-Alfa Izotou. Alors que la convocation de la HAAC ne lui était pas encore signifiée, une deuxième plainte, cette fois signée des ministres Adji Otèth Ayassor des Finances et Gnofam du Transport, lui est brandit. C’est alors qu’il a répondu avec le confrère Zeus Aziadouvo de « Liberté » devant les neuf membres de la Haute Autorité, le mercredi 23 septembre à 10H 30.

La HAAC, après avoir donné lecture de notre article, a présenté la plainte des ministres. Une plainte qui annonçait que pendant que cette affaire est en instance à la HAAC, elle l’était aussi devant la justice. La parole est donnée à notre directeur pour défendre ses écrits et apporter les preuves. Celui-ci a humblement estimé qu’à partir du moment où la même affaire est à la fois à la HAAC et à la justice, il n’est pas question qu’il avance quelques preuves que ce soit avant de suggérer qu’il soit demandé aux plaignants de choisir entre l’option du règlement à la HAAC et celle de la poursuite à la justice. A son tour, le DP de « Liberté » a martelé qu’après publication de l’information au journal le « Rendez-vous », il a mené ses contre-investigations qui ont confirmé l’information avant de la reprendre. Ainsi, le confrère conclut qu’il sera plus à l’aise devant le juge que devant la HAAC. Par la voix de son président, la HAAC a donc promis écrire aux deux Ministres pour leur signifier qu’ils se sont mépris. La séance est donc levée.

Mais le même jour au soir, une convocation est tendue à chacun des deux journalistes pour le vendredi 25 septembre à la DCPJ, Direction Centrale de la Police Judiciaire. Devant le DG Dédji Messan Awoh, les confrères se sont inquiétés de ce qu’ils soient écoutés par le commissaire plutôt que le juge. Le commissaire de répondre que sa démarche rentrait dans le cadre d’une plainte à la justice qui lui a demandé ce travail. L’un après l’autre, les deux convoqués se sont donc soumis à l’exercice devant le DG de la DCPJ. Toutefois, ils ont préféré garder l’essentiel, c’est-à-dire les preuves, pour le tribunal d’autant que l’affaire y est déjà. Pendant qu’une mobilisation des confrères se déroulait dehors, sans aucune contrainte et d’une façon professionnelle, le DG et son assistante ont écouté les deux convoqués. L’audition s’est terminée par la signature des dépositions. Après 3 heures d’horloge, les confrères sont rentrés libres de leurs mouvements.

C’est le lieu de rappeler que, contrairement à la rumeur, aucun des deux journalistes n’a été arrêté. Tous deux ont reçu régulièrement des convocations et c’est d’eux-mêmes qu’ils se sont rendus à la DCPJ où tout s’est déroulé dans les règles de l’art. Ils en sont repartis libres après une audition de 10H 23 à 14 heures, dans l’attente de l’évolution de l’affaire.

Qu’est-ce qui fait courir les ministres ?

De la HAAC à la DCPJ en transitant par la justice, on se demande ce qui agite tant les plaignants. Au soir de la publication de l’article incriminé, il s’est tenu un conseil des ministres. A ce conseil, il a été examiné 9 projets de loi dont 8 ont été adoptés. Parmi les projets adoptés, figurait en première position le projet de loi sur « la liberté d’accès à l’information et à la documentation publique. Ce projet de loi vise à améliorer le cadre juridique et institutionnel régissant l’accès aux sources d’informations publiques pour les journalistes et pour toutes autres personnes intéressées. Cette mesure permettra de lever les obstacles qui entravent l’accès à l’information dans les administrations publiques. Elle contribuera à renforcer les exigences de la bonne gouvernance que sont la transparence ainsi que la culture de la reddition des comptes…», Togo-Presse N° 9624 du 18 Septembre 2015. Hasard de calendrier ?

De la HAAC et à la police, que cache la démarche des plaignants?

Étant donné que dans les deux instances on demandait aux confrères de prouver leurs écrits, est-ce une façon d’avoir les preuves et éventuellement les sources d’information au fin de les brouiller avant de trainer les journalistes devant le juge ? Si le commissaire, sans aucune pression sur les confrères, a insisté à faire ce qu’on lui a demandé, la HAAC a compris qu’elle ne peut pas livrer ses partenaires dans une affaire ouverte sur deux fronts. Pourquoi cette affaire doit-elle connaître une forme d’enquête préliminaire par la DCPJ, alors qu’il y a eu des cas où, suite à la plainte du chef de l’État lui-même, des confrères étaient directement écoutés par le juge ? Que cache cette démarche fébrile qui tort le coup à la loi et sème une mauvaise jurisprudence ?

A l’étape actuelle d’une affaire qui ne vient que de commencer, plutôt que de mettre la pression sur les journalistes auxquels on demande à la hussarde de fournir des preuves, que les gens cherchent d’abord à savoir si le bitumage de la route Lomé-Vogan-Anfoin est effectivement arrêté au moment où nous publions nos informations. Si oui, qu’est-ce que messieurs les ministres ont dit ? Pourquoi cette route est arrêtée alors qu’après l’ouverture des canalisations le travail devait s’accélérer pour limiter les dégâts pour les riverains ? Inutile de rappeler que les caniveaux, non seulement causent d’énormes désagréments aux riverains avec l’arrêt des activités économiques sur la route, l’impossibilité à accéder aux garages, le risque d’endommagement des maisons avec les pluies à venir car certaines ouvertures sont trop proches des fondations, mais ils sont devenus un véritable danger public.

Entre autres, un opérateur économique gambien du nom de SAKHO alias « Top lait », propriétaire de plusieurs unités de production de nattes et produits alimentaires dans la zone portuaire, est présentement immobilisé à la maison suite à une fracture après avoir chuté en voulant traverser les caniveaux. Les accidents mortels en voitures et à moto sont fréquents et des riverains impatients, commencent même à remblayer les trous ouverts à leur devanture. Si l’arrêt de ces travaux doit prendre du temps, le jour ou il faille reprendre, il faudra donc recreuser les canalisations car tout le monde aurait remblayé à sa devanture.

Les faits parlent d’eux-mêmes et il ne nous appartient pas de démontrer comment l’axe est devenu un cercueil ouvert surtout entre Lomé et Vogan. Que dit l’autorité devant cette situation même si depuis nos écrits on constate une timide reprise du travail par endroit? Ce bitumage est, en effet, un projet budgétisé et attribué à CECO-BTP sous le ministre Andjo Tchamdja. D’après nos informations, sur sept lots attribués, CECO-BTP s’est retrouvé avec deux lots, notamment le bitumage du boulevard Todman-Lagune de Nyékonakpoè et la route Lomé-Vogan-Anfoin. Entre temps, le ministre Ninsao Gnofam remplace Andjo Tchamdja. Sur les deux lots qui lui sont attribués, Gnofam retire le bitumage de l’axe Todman-Lagune à CECO.

Alors qu’ils débattaient sur notre écrit à la radio Kanal FM le lundi 21 septembre 2015, cherchant à défendre les ministres, certains confères soutenaient qu’il est impossible de bitumer cette voie à 26 milliards FCFA. Mais un autre qui disait avoir approché les ministres renchérit en ces termes,

c’est certaines sociétés BTP qui induisent les confrères en erreur. Ils auraient pu partir peut-être à la source qu’ils auraient pu avoir la réalité des faits. En fait, le lot dont on parle là, c’était un lot qui coûtait en réalité 36 milliards FCFA, et avec le cout trop élevé, le ministre et ensemble avec le chef de l’État, ils ont tout fait pour pouvoir étudier les choses et ramener cela à 26 milliards. Et donc, c’est la différence entre 36 milliards préalablement prévu et les 26 milliards après étude du dossier qui fait dire aux autres que c’est les ministres qui ont encaissé les 10 milliards….

Nous n’aurions pas dû vous servir ces écrits, car le dossier étant en instance à la justice nous devons en faire économie. Mais après son passage à Kanal FM, le confrère cité plus haut s’est fait depuis un temps le porte-voix des ministres. Il a commencé à sortir dans son journal, ce que nous aurions pu considérer comme secrets de l’instruction. Il s’est donc lancé dans une série de publications avec des pièces, dites justificatives, pour aider les ministres à prouver leur innocence.

En ces moments où nos Rédactions traversent la dèche, si cette façon de faire le journalisme permet au confrère de se faire une petite santé, bon vent à lui. Sauf que, les arguments qu’il avance pour disculper ses bienfaiteurs renforcent notre position. Pour défendre ce qu’il a désigné par « un crime qui relève de l’impossible », le confrère et ses « clients » ont trouvé des arguments impossibles. C’est ainsi que, après une longue masturbation dans ses colonnes, il explique l’arrêt des travaux en ces termes :

En ce qui concerne l’arrêt des travaux sur le tronçon Lomé-Vogan, il faut dire que les raisons principales recueillies auprès du ministère des Travaux publics concernent, à part la suspension des travaux liée à la saison des pluies sollicitées et accordées à toutes les entreprises, une étude concernant la zone marécageuse de Kélégougan pour éviter que les maisons ne soient inondées après les travaux

Belle démonstration, sauf que, nous croyons savoir que la saison des pluies n’a pas empêché d’autres entreprises de continuer les travaux au nez et à la barbe des Togolais aussi bien à Lomé qu’à l’intérieur. D’ailleurs, il faut reconnaître que depuis le 10 juillet 2015, la zone côtière du Togo n’a plus connu de forte pluie pouvant empêcher les travaux. Et pour preuve, en raison de cette pénurie de pluie qui a été plus que sévère cette année, les paysans de cette zone n’ont pas pu entreprendre la deuxième saison. Mieux, le confrère doit savoir que c’est après une étude de faisabilité qu’on budgétise un chantier et c’est l’étude qui oriente l’incidence financière du projet. N’avait-on pas fait une étude sur la portion marécageuse de Kélégougan qui pourtant avait été commencé par l’entreprise EGC avant d’être remise à CECO? Quand les ministres de la République s’offrent le luxe de briser le secret de l’instruction par voie de presse, il sera impossible de nous arracher le silence.

Nous avions donné une information. S’il n’y a pas un corrupteur, il n’y aurait pas de corrompu. Le DG de CECO-BTP est encore en vie. Que cache alors son silence ? Il nous revient que dans certains milieux, des pressions se font sur lui pour qu’il démente nos écrits. Pour le moment, l’entrepreneur garde un silence de cimetière. Toutefois, étant donné que certains ministres estiment que c’est eux qui ont fabriqué le DG de CECO de leurs propres mains, beaucoup de choses ont dû déjà se produire loin de nos regards entre l’entrepreneur et ceux qui se revendiquent comme ses parrains.

Bien qu’il soit plus victime que coupable, il n’est donc pas exclu qu’un de ces quatre matins, le DG de CECOGROUP, Constantin Amouzou, déclare n’avoir jamais été victime d’une quelconque retro-commission. S’il accepte le faire, c’est qu’il doit trouver une justification convaincante à l’abandon du chantier. Plus encore, son entreprise ayant pris une envergure internationale, il a sa crédibilité à jouer aussi hors du pays. Ensuite, une telle déclaration de sa part signifierait qu’il se sent capable de trouver des sous pour terminer le chantier.

Dans certains milieux, il est demandé aux ministres de prouver leur innocence. Il nous revient aussi que les gens sont disposés à restituer les sous si le DG rompt le silence à leur profit. Que le DG démente nos écrits ou pas, cela n’efface pas les éléments qui nous ont fondés à publier l’information. Autant nous n’avons rien contre CECO, autant nous n’avons rien contre les ministres incriminés. Si CECO tombe, ce n’est pas nous qui prendrons sa place. Nous n’avons non plus la prétention ou la capacité de remplacer les ministres à leur poste. Dans un premier temps, nos écrits dénonçaient l’abandon du chantier par l’entreprise. Cherchant à comprendre, nous avions découvert que l’entrepreneur est plus victime que coupable d’une situation qui ressemble à un braquage. C’est donc normal que nous nous attaquions au mal à sa racine, l’essentiel est que la route soit terminée.

Nous sommes conscients d’avoir publié des informations sensibles et cela a un prix. Nous sommes aussi conscients que les gens sont dans tous leurs états depuis la sortie de l’information, tout peut nous arriver. Mais tout comme un militaire ou un médecin, le journaliste, c’est aussi celui qui a choisi de côtoyer le risque. Toutefois, nous prenons l’opinion et les institutions compétentes à témoin. Dans un pays normal, plutôt que de laisser de pauvres journalistes, qui n’ont fait que leur boulot à la merci des intimidations, une enquête devait déjà s’ouvrir autour de ce chantier pour faire la lumière et situer les responsabilités. C’est aussi ça la culture de la bonne gouvernance. Tout en remerciant les confrères pour leur soutient, en attendant le rendez-vous avec le juge, les différentes démarches des ministres de façon à nous arracher les preuves et leur campagnes médiatiques pour se blanchir, apportent de l’eau à notre moulin.

Source : [01/10/2015] Le Rendez-vous N°260

Commentaire de 27avril.com

Si ce travail d’investigation que les journaux « Le Rendez-Vous » et « Liberté » ont réalisé pour étaler la gangrène de la corruption dans les BTP est fait au Ghana voisin par exemple, les journalistes de ces publications seraient des vrais héros. Mais au Togo, la décence a quitté nos gouvernants. Ceux-ci, habitués à instrumentaliser les institutions de la République à leur profit, se déchainent une fois encore en faisant de l’intimidation. La décence a quitté aussi certains journalistes alimentaires qui, pour se remplir la panse, sont prêts à torpiller leurs confrères. Pire, à faire de la désinformation en passant la déontologie de leur métier en perte et profit. Toute honte bue.

Ces journalistes commerçants constituent le plus grave danger de notre société. Heureusement que leurs « blablateries » ne convainquent personne. Et la roue tourne : Aujourd’hui les quelques milliers de malheureux francs CFA qu’ils empochent les encouragent à saper leurs confrères mais demain, c’est ceux qui seront au « receiving end » de ce sale jeu. Vivement que ce jour vienne, afin que nous puissions….jouir nous aussi de leur misère. Oui. C’est dit !

Aux DPs de « Le Rendez-Vous », « Liberté » et toutes les publications qui travaillent fort pour éclairer le peuple en exposant les injustices, les abus, la corruption mais aussi surtout les dérives de ceux qui nous gouvernent, nous disons ceci : Continuez votre bon boulot. Tout simplement.