S’il est vrai que l’Afrique subsaharienne (ASS) a enregistré de réelles améliorations en termes de pression fiscale parce que l’augmentation de ses ressources domestiques a été l’une des plus importantes du monde au cours des dix dernières années, il est aussi ressorti que l’évasion fiscale, la corruption et le manque de moyens des administrations fiscales de certains pays continuent de peser négativement sur les montants collectés.

Pression fiscale | Archives : Web
Pression fiscale | Archives : Web

Mais des initiatives visant à accroitre les capacités physiques et humaines de ces administrations et à renforcer la coopération fiscale internationale ont récemment été lancées et devraient permettre aux pays à faibles revenus, et notamment ceux de l’ASS, de se rapprocher de leur frontière fiscale sur le moyen terme. A condition qu’un réel frein soit mis à certaines pratiques au sein du corps des douaniers et que le monde des industries extractives soit mieux assaini, ce qui n’est pas encore le cas au Togo.

Selon une étude de BSI-Economics portant sur les performances et les objectifs de la pression fiscale dans les pays à faible revenu, les pays d’Afrique subsaharienne (ASS) ont en moyenne toujours exposé des taux de taxation inférieurs à ceux des pays à faible revenu des autres régions du monde. Cette tendance s’est confirmée sur les années 1990 et 2000. Mais aujourd’hui, bien que possédant en moyenne encore l’un des niveaux de taxation les plus faibles du monde, la région enregistre la progression la plus importante depuis 2000, notamment parmi les pays les plus pauvres. Cette amélioration traduit en partie un effet de rattrapage, les Etats de cette partie de l’Afrique partant de niveaux de taxation plus bas, l’importante marge de manœuvre permet de progresser à un rythme plus soutenu.

Néanmoins, le fait qu’à niveau de développement similaire au sein des pays à faible revenu, l’Afrique subsaharienne ait également enregistré une croissance de ses ressources domestiques plus importante, traduit un effort fiscal non-négligeable de ses autorités pour mobiliser leurs ressources domestiques. Ces progrès sont le fruit d’un effort fiscal plus important, défini comme la volonté des autorités en charge de la collecte d’impôts ou de ressources non-fiscales, à collecter ce que leur économie génère en termes de revenus. Autrement dit, un effort fiscal optimal implique que ces autorités réussissent à collecter toutes les taxes disponibles au sein du pays compte tenu des performances économiques et du cadre institutionnel courant. En d’autres termes, l’Etat parviendrait à atteindre sa « frontière fiscale ».

Dans son dernier Regional Economic Outlook, le Fonds monétaire international (FMI) estime, suivant une représentation du potentiel fiscal par pays en 2014, que les résultats montrent que le potentiel fiscal des pays d’ASS est en moyenne positif, indiquant qu’une marge de manœuvre existe encore. Néanmoins les disparités entre ces pays restent importantes. Les pays producteurs de matières premières non-renouvelables sont ceux qui, en moyenne, exposent le potentiel fiscal le plus important, démontrant ainsi qu’une réglementation fiscale spécifique à ces activités est nécessaire pour que ces richesses puissent être justement taxées et profiter pleinement à l’ensemble de la nation. Et pour y parvenir, le FMI estime que les Etats d’ASS ne pourront atteindre leur frontière fiscale qu’en présence d’autorités fiscales compétentes et efficaces. Aussi, une administration efficace implique également d’avoir un certain degré de transparence et de responsabilité. Toutes initiatives visant donc à réduire la corruption au sein des services publics contribuera à se rapprocher de la frontière fiscale selon l’institution.

Lors du sommet d’Addis Abeba en juillet dernier, « Addis Tax Initiative » a été lancé dans le but de contraindre les 30 pays signataires à doubler leur assistance technique dans le domaine de la fiscalité et de la mobilisation des autres ressources domestiques, notamment celles issues de l’exploitation des ressources naturelles. Cette charte s’engage également à lutter contre l’évasion fiscale. De plus, une attention particulière est portée à l’éradication de la corruption au sein des services publics dans le but de collecter aussi justement que possible les revenus disponibles, mais aussi d’en assurer une utilisation juste et efficace.

Le FMI, tout en reconnaissant le besoin d’élargissement de l’assiette fiscale des pays, préconise également l’abandon progressif des exonérations fiscales non-justifiées économiquement ou socialement qui sont accordées dans de nombreux pays de la région à d’importantes entreprises et qui entretiennent la corruption et l’opacité au sein des services publics. Dans un troisième temps, le FMI ainsi que les pays signataires de l’Initiative d’Addis Abeba sur les taxes proposent la définition d’une taxation spécifique au secteur des ressources naturelles et notamment aux énergies fossiles compte tenu de leur caractère tarissable. Ces propositions, à en croire le rapport sur la pression fiscale, s’inscrivent pleinement dans l’Initiative pour la Transparence dans les Industries Extractives (ITIE) et permettraient ainsi d’augmenter significativement le montant d’impôts collectés pour les pays possédant d’importantes réserves d’énergies fossiles. Enfin, et non le moins important, il est essentiel que l’utilisation des ressources domestiques permettent d’améliorer les conditions de vie des plus pauvres de façon durable sans quoi il sera difficile, pour ne pas dire impossible, d’entretenir un civisme fiscal, qui représente (en partie) la clé d’une fiscalité efficace et pérenne.

Le Togo faisant partie des Etats fragiles, est concerné à plus d’un titre par les performances et les objectifs de la pression fiscale, mais le pays est loin d’avoir adhéré à Addis Tax Initiative par exemple.

OTR : Office Togolais des Recettes rebaptisé « Office Togo du Racket » pour sa propension à inventer toute sorte d'entourloupe pour accroire la répression et la pression fiscales sur le démuni contribuable togolais. En insertion, le très corrompu ministre des Finances et ministre de tutelle de l'OTR, Adji Otèth Ayassor (h) et son « Chiwawa » de Commissaire général le Rwandais unilingue anglophone Henry Gapéri | Infog : 27avril.com
OTR : Office Togolais des Recettes rebaptisé « Office Togo du Racket » pour sa propension à inventer toute sorte d’entourloupe pour accroire la répression et la pression fiscales sur le démuni contribuable togolais. En insertion, le très corrompu ministre des Finances et ministre de tutelle de l’OTR, Adji Otèth Ayassor (h) et son « Chiwawa » de Commissaire général le Rwandais unilingue anglophone Henry Gapéri | Infog : 27avril.com

La faiblesse des recettes fiscales a conduit les autorités togolaises à mettre sur pied une fusion jamais encore réalisée au sein de l’espace UEMOA des impôts et des douanes. Cette réforme qui devrait permettre de booster les recettes fiscales, semble plutôt lester l’avancée de l’Office togolais des recettes (OTR). Conseil d’administration inexistant jusqu’à ce jour, mais surtout le développement parallèle de réseaux de corruption qui sont de nature à acter le décès de l’économie togolaise. Il y a deux semaines, nous révélions les actes dont la douane au port autonome de Lomé (PAL) se rend coupable.

Depuis l’entrée en vigueur du règlement 14 de l’UEMOA qui exige le respect de la charge à l’essieu, des douaniers trouvent le moyen d’autoriser des camions en partance pour l’hinterland à charger au-delà de la charge requise des containers tout en payant moins que nécessaire. D’autres s’entendent pour signer les demandes de dépotage en ville contre des billets de 10.000 FCFA par demande, ce qui permet à des douaniers de rentrer certains soirs les poches pleines. Il en est de même de ceux qui sont chargés de lire sur les scanners, mais qui, contre des sommes de 20.000 FCFA pour les containers de 20 pieds et 30.000 ou 40.000 FCFA pour les 40 pieds, apposent sur la fiche « contenu illisible ». Des manœuvres qui confèrent un caractère désaffecté à l’aire de dépotage du PAL. Voilà comment une réforme mal conduite devient mortelle à l’économie togolaise.

S’agissant des propositions allant dans le sens du renforcement de l’ITIE, le rapport 2013 de l’Itie-Togo a révélé les limites de l’institution et décrit à suffisance les manquements constatés. Les contrats miniers au Togo s’identifient aux ombres des esprits, ce qui a fait recommander le respect de l’exigence 3.12 de la version de juin 2013 de l’ITIE par l’Itie-Togo. Mais en plus de ce non-respect, il y a l’absence du registre de la propriété réelle des industries, ce qui ne permet pas de déterminer « qu’est-ce qui appartient à qui et dans quelle proportion ? ». Un autre facteur qui accentue l’opacité est l’absence de contrôle adéquat pour les opérations d’exportation. Autrement dit, il n’est pas possible de déterminer dans les cahiers de l’Etat les quantités de produits exportées, sauf dans ceux des entreprises, une situation qui permet aisément à celles-ci d’inclure les quantités qu’elles veulent.

La taxation spécifique au secteur des ressources naturelles semble plus que d’actualité au Togo, au regard des salaires payés aux employés dans les entreprises exerçant dans le domaine et au vu des dégradations causées à l’environnement des zones exploitées. Il est prescrit qu’une partie des taxes prélevées aillent aux collectivités locales pour leur développement, mais lorsqu’on prend le seule exemple de l’exploitation du phosphate à Hahotoe et ses environs, on comprend mieux l’état dans lequel ces zones sont abandonnées. Et donc si une taxe spécifique peut permettre un mieux-être de l’économie dont pourront profiter les populations lésées, l’initiative ne peut être que louée.

L’exonération excessive sans contrepartie accordée à des entreprises qui veulent s’implanter dans le pays, ne profite qu’à celles-ci. Ailleurs, cette exonération est assortie de contraintes allant d’une obligation d’investissement d’une partie des bénéfices dans le pays d’implantation, à l’obligation d’ouvrir l’actionnariat aux employés afin de leur garantir un avenir. L’exemple le plus édifiant est encore frais dans les mémoires ; il s’agit de la fermeture de l’usine Nina spécialisée dans la confection de mèches. Après avoir bénéficié d’exonérations fiscales d’envergure sur plusieurs années et réalisé des profits conséquents, les responsables de la société ont déclaré la faillite en prenant soin d’ouvrir la même entreprise, mais en plus grand à Lagos, jetant au chômage plus de 1500 employés togolais. Les autorités viennent d’ouvrir les portes à une autre entreprise chinoise d’assemblage de motos à l’occasion de la fête de l’indépendance, sans que les citoyens aient pu prendre connaissance des termes du contrat qui la lie au Togo et des clauses qui garantissent la pérennité de l’emploi. Mais pour combien de temps et contre quelles garanties ?

Le traitement des voleurs en Afrique. Le Togo n'y échappe pas. | Caricature : FB
Le traitement des voleurs en Afrique. Le Togo n’y échappe pas. | Caricature : FB

La corruption a malheureusement de beaux jours devant elle du fait du billetage qui soustrait d’énormes sommes aux contrôles bancaires et autres suivis d’institutions de lutte contre la corruption, et les autorités togolaises passent plus de temps à crier à l’auto-satisfecit qu’à rendre véritablement efficaces les réformes censées booster les recettes du pays. Et plus tôt la qualité des ressources humaines prendra le pas sur le népotisme et le clientélisme, plus vite l’Itié-Togo mettra au pas les entreprises indélicates, mieux l’économie togolaise se portera.

Pour rappel, BSI-Economics est une association à but non lucratif qui regroupe docteurs, doctorants et actifs soucieux de partager leurs expertises et leurs analyses en matière économique et financière.

Source : [02/05/2016] Abbé Faria, Liberté