Le Bénin connaissait un incendie le 31 octobre dernier. Le marché de Dantokpa décrit comme le plus grand à ciel ouvert de la sous-région ouest africaine et à vocation internationale, a été ravagé par un sinistre causé par le carburant illicite. Mais à peine deux semaines après, les travaux de reconstruction sont déjà lancés par Boni Yayi. Et si seulement cette sollicitude du président béninois pouvait faire école chez son frère et ami du Togo où les commerçants attendent depuis bientôt trois ans la reconstruction du grand-marché de Lomé ?

Différents types de gouvernance au Bénin et au Togo | Caricature : Donisen Donald / Liberté
Différents types de gouvernance au Bénin et au Togo | Caricature : Donisen Donald / Liberté

Bénin : Boni Yayi lance (déjà) la reconstruction du marché de Dantokpa

C’est une scène de désolation qu’avaient vécue les commerçants du marché de Dantokpa et les populations de Cotonou ou du Bénin en général le 31 octobre dernier. Ce marché d’envergure internationale créé en 1963 qui s’étend sur une superficie de 18 hectares et qui fait la renommée du pays, était ravagé par un incendie causé par le carburant de contrebande. Selon les informations, c’est la poursuite par les policiers d’un trafiquant qui transportait une cargaison qui aurait entrainé l’incendie. Selon les informations, c’est l’explosion créée par la percussion du camion contraint à l’arrêt par un véhicule au niveau de la Pharmacie « Les 4 thérapies » jouxtant la zone de pièces détachées qui a créé l’incendie. De là, le sinistre s’est propagé, ravageant tout le marché. C’était la désolation chez les commerçants, majoritairement des femmes. Mais, peu importe, le marché sera reconstruit.

Les travaux ont été officiellement lancés le samedi 14 novembre dernier par Boni Yayi lui-même. Le président béninois a en effet procédé à la pose de la première pierre de la reconstruction de l’infrastructure, à travers une cérémonie solennelle. C’était en quelque sorte une façon d’honorer sa parole donnée lors de sa descente sur les lieux du sinistre où il promettait aux victimes une reconstruction du marché dans les deux mois qui vont suivre. Et pour ce faire, le gouvernement a mis en place deux comités, l’un pour la mobilisation des fonds, et l’autre pour la reconstruction proprement dite. On retiendra que ce sont les partenaires qui ont été le plus mis à contribution. Ces derniers auraient donné trois milliards (3 000 000 000) FCFA pour cette reconstruction. Mais l’Exécutif a aussi pu dégager du budget national un demi-milliard de FCFA comme son apport pour la réalisation des travaux.

Par ailleurs, une souscription a été lancée au niveau du gouvernement pour solliciter la participation de chacun à l’effort de solidarité nationale à l’endroit des sinistrés. Ainsi, au-delà de ce geste du gouvernement, les officiels ont aussi mis la main à la poche, le président de la République en premier. Boni Yayi a offert dans un premier temps une somme de 20 millions de FCFA pour aider les sinistrés, ensuite 10 millions de FCFA au titre de Chef du gouvernement. Le Premier ministre et le Vice-premier ministre ont donné 5 millions chacun, les trois ministres d’Etat 3 millions de FCFA chacun, et tous les autres ministres ont cotisé individuellement un million de FCFA. Ce qui fait au total 54 millions offerts par les membres du gouvernement.

La reconstruction est censée commencer par le site ravagé par l’incendie pour ensuite atteindre tout le reste de l’espace disponible, soit environ quinze hectares. Les travaux sont censés durer deux mois et le Directeur du génie militaire, le colonel Bonaventure Mèdji Vigan a rassuré l’assistance quant au respect du délai d’exécution.

Togo : La reconstruction du grand-marché de Lomé toujours attendue

Le Togo avait précédé le Bénin en matière d’incendie des marchés. Cette période noire était connue par notre pays en janvier 2013. Tout a commencé avec le grand-marché de Kara, parti en fumée dans la nuit du 09 au 10 janvier 2013. Le grand-marché d’Adawlato tombera sous l’emprise des pyromanes à peine 48 heures plus tard, malgré les promesses des autorités chargées de sa gestion, notamment la Directrice de l’Etablissement public autonome de gestion des marchés de Lomé (Epam), Mme Seshie Ayélégan qui s’enorgueillissait sur la TVT que des mesures de sécurité ont été prises. Il sera consumé dans la nuit du 11 au 12 janvier. Comme une trainée de poudre, plein de petits marchés connaitront aussi le même sort. Les commerçants des deux grands-marchés du Togo ont vu leurs marchandises, argent et autres biens se consumer sans aucune réaction. Les dégâts étaient énormes, évalués à près de 6 milliards de FCFA.

Il y avait aussi besoin de reconstruire les deux grands-marchés, et le gouvernement avait lancé un processus dans ce sens. Il était annoncé de nouvelles infrastructures plus grandes, plus modernes et mieux adaptées aux activités commerciales. Les activités de reconstruction étaient logées dans le Projet d’appui à la reconstruction des marchés et aux commerçants de Lomé et de Kara (Parmco), un concours d’architecture fut lancé et a retenu les projets de deux cabinets d’architecture togolais.

Le processus a été lancé le 17 novembre 2014 par la ministre du Commerce et de la Promotion du Secteur privé, Mme Bernadette Legzim-Balouki qui l’a conduit, en collaboration avec l’Ordre national des architectes du Togo (Onat). Au terme d’un appel d’offres, le marché de la reconstruction du grand marché de Lomé a été confié à l’architecte Sani et celui de Kara à son collègue Limazié. Le coût des travaux est évalué à près de 11 milliards FCFA, avec un apport de 3 milliards de la Banque africaine de développement (Bad) et 7 milliards 700 millions du Togo. « Avec le Parmco, le secteur du commerce repart sur de nouvelles bases afin de contribuer à la réduction de la pauvreté ainsi qu’à la création d’emplois dans notre pays », avait vanté Bernadette Légzim-Balouki, avant d’inviter tous les acteurs à s’impliquer davantage dans la mise en œuvre du projet. Faut-il le rappeler, la Banque ouest africaine pour le développement (Boad) a également apporté son appui au projet.

Deux pays voisins, deux modes de gouvernance

Deux semaines, quatorze jours, c’est exactement le temps qu’il a fallu au Bénin pour démarrer les travaux de reconstruction du marché de Dantokpa après la survenue du sinistre. Le processus était lancé au Togo, nous le disions, le 17 novembre 2014. Mardi dernier, cela faisait exactement un an qu’il l’était. En janvier prochain, cela fera trois ans que le sinistre se produisait à Kara et à Lomé. Mais les travaux de construction n’ont pas encore démarré. Faure Gnassingbé n’a que faire du sort des victimes qui sont abandonnées à leur triste sort, là où son homologue béninois qui n’a même plus de bilan à défendre ou n’aura plus besoin de solliciter les suffrages de ces bonnes femmes ou des populations en général se démène pour aider les victimes à se relever. L’heureux élu « frauduleux » du 25 avril 2015, lui, n’a même pas cru devoir descendre sur les lieux du sinistre à Lomé depuis lors pour constater les dégâts ou en signe de compassion aux victimes. Son gouvernement n’a non plus enclenché un processus de solidarité, comme Boni Yayi l’a initié au Bénin avec la participation de tous les officiels de l’Etat.

On se rappelle, c’est toute une agitation qui avait été organisée par le pouvoir après la survenue du sinistre en janvier 2013. De l’argent a été décaissé par le gouvernement à titre de contribution pour aider les victimes à se remettre ; mais la distribution a créé plus d’amertume que de soulagement attendu. Un téléthon fut organisé par une curieuse association proche du pouvoir, mais les fonds ne sont jamais parvenus aux victimes. Bientôt trois ans après la survenue des incendies, les commerçantes victimes sont abandonnées à leur triste sort, notamment celles du marché d’Adawlato, après avoir été parquées sur le site d’Agbadahonou réaménagé où la clientèle est rare. Nombre d’entre elles sont mortes de soucis. Quant aux vrais auteurs des incendies bien connus, et non les leaders et militants de l’opposition arbitrairement inculpés dans cette affaire, ils courent toujours les rues. Depuis bientôt trois ans, les victimes attendent toujours justice, mais aussi la reconstruction du marché…

Source : [ 19/11/2015] Tino Kossi, Liberté