Au Port autonome de Lomé, les activités économiques sont au ralenti. Maliens, Nigériens et certains Burkinabés ont déserté notre côte. Et l’enrichissement illicite, a-t-il baissé ?

Le Commissaire des Douanes de l'Office Togolais des Recettes Kodjo Adédzé ici au Port Autonome de Lomé septembre 2013 | Photo / Archives : Republicoftogo
Le Commissaire des Douanes de l’Office Togolais des Recettes Kodjo Adédzé ici au Port Autonome de Lomé septembre 2013 | Photo / Archives : Republicoftogo

Les informations ne sont pas bonnes. Plusieurs sources indiquent qu’au Port autonome de Lomé, les agents de l’Office Togolais des Recettes (OTR) continuent allègrement de rentrer à la maison les poches pleines, sans attendre la fin du mois.

L’une des pratiques qui permettent aux agents de s’embourgeoiser est celle de laisser passer les marchandises sans soumettre leurs propriétaires ou représentants au paiement du montant dû. C’est une pratique vieille au port. Avec l’OTR et l’introduction d’un scanner, on s’attendait à ce que la pratique disparaisse. Mais, visiblement, serait toujours courante. Selon les informations recueillies par notre Rédaction, les importateurs prennent le soin de placer des marchandises de valeur au fond des conteneurs et les couvrent avec d’autres de moindre valeur. On peut par exemple bourrer le conteneur de champagne de grande valeur, et, vers l’ouverture, mettre quelques rangées de papiers hygiéniques. La conséquence immédiate est que même si on ouvre le conteneur, l’agent des douanes ou toute autre personne qui n’aura pas fouillé le conteneur de fond en comble ne pourrait s’apercevoir de la triche. Et, parfois (souvent ?), certains agents se contentent juste d’ouvrir les conteneurs (au cas échéant) et les fouiller de façon très superficielle. Cela se passe rarement sans la complicité de l’importateur ou de son transitaire.

Cette pratique peut se révéler vaine ou très marginale si au niveau du scanner, la vigilance est totale. Seulement les réseaux semblent s’étendre jusque-là. Les témoignages recueillis indiquent qu’il arrive parfois que le scanner ne puisse identifier le contenu des conteneurs et affiche sur son écran « illisible ». Plusieurs raisons peuvent justifier cet état de chose. Par exemple si avant de disposer les marchandises dans le conteneur, la paroi interne est recouverte d’une matière pour peut-être, protéger le contenu, et que cette matière rend illisible le fond. Cet état de chose qui peut arriver en situation normale, avouent nos sources, constitue plutôt une faille dans laquelle s’engouffrent les transitaires et agents de OTR et leurs complices. Ceux-ci s’arrangent pour mettre « illisible » de façon abusive sur les rapports de scanning, même dans des situations où les contenus sont vraiment lisibles. En contrepartie, chaque partie y gagne.

Il y a une autre étape décisive, après le scanner. Où dépoter (ouvrir) le conteneur pour le vider et le retourner au consignataire ? C’est risqué de le faire dans l’enceinte portuaire si on a des choses à cacher. Pour échapper à ce risque, les uns et les autres préfèrent aller faire le dépotage en ville, même si là aussi, la présence d’un agent de l’OTR reste obligatoire. Sauf que loin des regards, à deux, beaucoup de choses peuvent se passer entre l’agent et le transitaire. Ici seule la bonne foi de l’agent fait foi. Sauf que mauvaise foi semble plutôt prévaloir dans ces genres de situations. Le rapport de l’agent est parfois, selon les investigations, rédigé par le transitaire qui se contente de le soumettre à l’agent des douanes qui, lui, ne fait qu’apposer sa signature et classer le dossier. Le deal est juteux et continue d’avoir droit de cité au port, malgré les beaux discours avec lesquels les premières autorités de l’OTR ont habitué les populations.

Cette pratique alimente tout un réseau, avec probablement l’implication de certains cadres. Mais il y a aussi des business qui ne profitent qu’à une filière plus limitée de personnes. C’est par exemple ces « petits cailloux » que les transitaires se voient obligés de déposer sur leurs dossiers de demande de dépotage à l’extérieur du port, avant de les voir signés. Une signature vaut 10.000 francs selon les transitaires. Dix mille qu’ils donnent au secrétariat de la personne signataire, sans reçu, ni vu ni connu. Le montant paraît dérisoire, mais lorsqu’on ajoute le nombre de conteneurs qui sortent par jour, allant de la centaine à plusieurs centaines, la « recette » du signataire fait des millions. Chaque jour. Et lorsqu’on fait le calcul sur un mois, on a une idée de ce que vaut cette signature. Sans oublier que le même signataire peut se retrouver dans d’autres deals juteux dans le même mois au port.

Avec l’Office Togolais des Recettes, les salaires des employés ont été sensiblement revus. Les conditions de travail aussi améliorés. Toutes choses pour, dit-on, limiter les tentations de corruption. Mais on voit bien que cela n’a pas suffi. Les premières autorités de l’OTR mettent en avant la nouvelle architecture des bureaux comme un dispositif devant limiter la fraude. Sauf que tout ne se déroule pas au bureau. Et les réseaux de corruption et d’enrichissement illicite ont plus d’un tour dans le sac. Et continuent de dealer tranquillement, malgré tout !
Nous reviendrons prochainement sur la position de l’administration de l’Office face à ces nouvelles accusations qui visent ses agents. A suivre !

Source : [19/04/2016] Maxime Domegni, L’Alternative