Le DG de WACEM, Prasad Motaparti (gauche) et son D. Adm Pankaj-N. Ces indiens se agissent au Togo comme bon leur semble sans se faire inquiéter le plus petitement au monde. | Photos : Liberte-Togo
Le DG de WACEM, Prasad Motaparti (gauche) et son D. Adm Pankaj-N. Ces indiens se agissent au Togo comme bon leur semble sans se faire inquiéter le plus petitement au monde. | Photos : Liberte-Togo

Repreneurs en 1996 de la Cimenterie de l’Afrique de l’Ouest (CIMAO) à Tabligbo à 80 km au Nord-est de Lomé, les Indiens qui gèrent WACEM, FORTIA et Diamond Cement Togo (DCT) basée à Dalavé dans la préfecture du Zio, donnent l’impression qu’ils sont en territoire conquis. Ce sont eux qui décident de ce qu’ils doivent verser aux populations autochtones expropriées. Aussi s’enrichissent-ils de façon illicite. Quant aux employés, ils sont traités comme des esclaves des temps modernes et ce, devant le silence pesant des autorités togolaises.

Expropriation des terres de Yoto : les Indiens décident

« Depuis plus de 18 ans, nos terres sont exploitées pour son calcaire pour la fabrication du clinker et du ciment sans contrepartie comme si elles ne devraient pas profiter à leurs propriétaires. On dirait que nos terres ont été tout simplement confisquées par les Indiens qui en disposent dorénavant pour leur seul profit. Nous nous sentons exclus de la terre de nos aïeux. Notre hospitalité se retourne contre nous, nous privant de nos champs sans la moindre compensation. La richesse de notre terre fait notre malheur à Yoto. Elle aurait été sans ressources minières et nous l’aurons du moins pour les travaux champêtres afin de subvenir aux besoins de nos familles et du développement de notre communauté », raconte plein d’amertume un paysan.

La cimenterie WACEM exploitée par des Indiens à Tabligbo fait parti de ces compagnies « esclavagistes », mauvais employeurs, installées dans la zone franche du Togo | Photo : Pa-lunion
La cimenterie WACEM exploitée par des Indiens à Tabligbo fait parti de ces compagnies « esclavagistes », mauvais employeurs, installées dans la zone franche du Togo | Photo : Pa-lunion

Une situation qui a amené les propriétaires terriens à se constituer en 2011 en un Collectif afin de mieux se faire entendre. Mais il aura fallu plusieurs mois avant que les Indiens ne décident de reconnaître l’existence de ce Collectif. « Ce qui nous a surpris, c’est que, sans tenir compte de nos revendications, les responsables de WACEM arrêteront unilatéralement les sommes de 35 000F, 40 000F puis de 50 000F par hectare et par an, rappelle un membre du Collectif. Des propositions que nous avons trouvées injurieuses par rapport aux réalités du milieu ».

En effet, le prix de vente du lot de 20/30m sans valeur minière dans les parages est fixé à 750 000F, tout en rappelant qu’un hectare compte 16 lots. Aussi, le revenu annuel de la culture traditionnelle du maïs et du manioc s’élève-t-il à plus de 500 000FCFA par hectare dans les environs. Mais, les terres pour lesquelles les Indiens dictent le prix de 50 000F au plus, prennent d’autres valeurs beaucoup plus intéressantes quand il s’agit pour eux de les relouer à d’autres exploitants. C’est le cas de près 4 hectares que WACEM a reloués à FORTIA CEMENT SA à plus de 26 millions de FCFA par année. Il en ressort donc que le prix de l’hectare à la relocation est égal à 100 fois le prix de la location, soit une augmentation de 10000% sans parler des autres détails. Et pourtant, les tout-puissants Indiens de WACEM s’étonnent de ce que le Collectif proteste contre eux et refuse les 50 000F/an et par hectare.

« Pour qui nous prennent-ils pour nous proposer des trucs qu’on ne trouvera nulle part dans le monde entier ? La réponse est claire : les Indiens de WACEM/PPBAG/FORTIA/DCT prennent les Togolais pour des moins que rien. Notre indignation en tant que Togolais vient du fait que ce sont encore les Indiens qui se plaignent auprès de nos autorités par rapport à cette affaire. Pour qui prennent-ils nos autorités ? Pour des complices ou pour des moins que rien comme le reste de la population ? Qu’attendent-ils des autorités ? D’où leur vient cette audace ? Nos autorités leur doivent-elles quelque chose ? », s’emporte un des propriétaires terrains.

De toutes les façons, ceux-ci n’entendent plus se laisser faire. En décembre dernier, ils ont pacifiquement manifesté leur mécontentement et leur amertume à la carrière de WACEM pendant des jours, avec l’espoir que l’Etat intervienne pour rappeler à l’ordre les Indiens. Il a fallu cette intervention pour éviter que la population ne soit amenée à se faire elle-même justice. Mais le problème est loin d’être réglé.

Enrichissement illicite avec la vente du gas-oil et extorsion au niveau du loyer

Pour les propriétaires de WACEM, FORTIA et DCT, le Togo est une chasse gardée. Et ils ne manquent pas de s’enrichir de façon illicite en plus de la ressource minière qu’ils exploitent.

D’entrée, rappelons que WACEM n’est pas une station d’essence pour se livrer à la commercialisation du carburant. Elle n’a ni l’agrément ni les autorisations nécessaires pour le faire. Cependant, elle livre une concurrence déloyale à toutes les stations d’essence au Togo, plus précisément celles de la ville de Tabligbo qui ont dû payer cher leurs agréments et les diverses autorisations avant de se livrer au commerce du carburant. Sans oublier les différentes taxes et impôts sur leur bénéfice. WACEM, non soumis à aucune de ces exigences en matière de taxes et d’impôts, commercialise le carburant comme les stations d’essence. Si les vendeurs de carburant de contrebande font perdre au Togo des milliards de francs CFA chaque année, le groupe WACEM à lui seul n’en fait pas moins comme on peut le constater dans le tableau ci-dessous portant sur la période 2007 – 2014.

Récapitulatif de la vente illégalement de gas-oil par la société indienne Wacem sur la période de 2007 - 2014
Récapitulatif de la vente illégalement de gas-oil par la société indienne Wacem sur la période de 2007 – 2014

Il en ressort clairement que, durant cette période, WACEM a reçu largement plus qu’il en a besoin, soit près de 74 millions de litres de gas-oil au lieu d’environ 31 millions seulement. La différence de près de 43 millions de litres ne peut pas être une erreur de commande. Le gas-oil lui étant vendu hors taxe, il a tout simplement tiré un malhonnête profit de la situation puisque les 43 millions de litres ont été vendus au fur et à mesure que WACEM les achetait. De cette vente illicite, les Indiens de WACEM ont gratuitement empoché un bénéfice de près de 4,0415 milliards de FCFA contre un manque à gagner de près de 5,933 milliards de taxes pour le pays. Etant donné que ce manque à gagner ne concerne qu’une partie de la quantité totale reçue et que WACEM est là depuis 1996, on ne peut que considérer ces chiffres comme la partie visible de l’iceberg. Soit dit en passant, ce carburant est revendu aux transporteurs qui viennent charger le clinker.

Une situation contre laquelle s’érige un ancien cadre de la société : « Pourquoi vend-on le carburant en hors taxe à des entreprises qui exploitent nos ressources minières ? N’est ce pas le monde à l’envers par hasard ? Ne sommes-nous pas en train d’apporter gratuitement et sans intérêt les capitaux à l’investisseur pour qu’il exploite nos ressources ? N’est-ce pas plutôt aux investisseurs d’apporter les capitaux pour mettre en valeur nos ressources afin de tirer eux aussi profit du gâteau ? Je suis peiné quand je vois régulièrement des diplômés de nos universités, sans emplois si ce n’est le commerce du carburant de contrebande, se faire tuer après des courses-poursuites avec nos propres forces de l’ordre. Ils sont poursuivis et chassés comme des indésirables et meurent pour quelques litres d’essence alors que WACEM qui dispose déjà de nos terres, est tout tranquille dans le même trafic voire pire, avec des millions de litres de gas-oil vendus de façon illicite chaque année ».

Ne pensant qu’à leurs intérêts, les Indiens ne s’empêchent pas de procéder au prélèvement de loyer sur le salaire des travailleurs logés. « Partout dans le monde, les entreprises engagent des dépenses pour loger et mettre à l’aise leurs employés. Elles ne cherchent pas à tirer profit de leurs loyers. Bien au contraire, ces entreprises, comme on le voit partout, payent des indemnités de logement à leurs travailleurs. Dans le cas de WACEM/FORTIA/DCT, les patrons indiens ne payent pas ces indemnités, mais prélèvent plutôt sur les maigres salaires de leurs employés des loyers pour des logements qu’ils n’ont pas construits. Les logements en question datent du temps de la CIMAO dans les années 1976 bien avant leur arrivée. CIMAO logeait ses travailleurs dans ces logements comme il convient de le faire sans prélever des loyers. Mais WACEM, quant à lui, fait des prélèvements comme suit : la pièce à 3000F par mois, une chambre salon à 7000F et deux chambres salon à 9000F », raconte un employé.

Rappelons que la chambre avec salon et les deux chambres avec salon pour lesquelles les Indiens n’ont même pas dépensé un seul franc, leur rapportent respectivement 84 000F et 108 000F chaque année, largement au-dessus des 50 000F qu’ils donnent pour tout un hectare de terrain.

Employés de WACEM, FORTIA et DCT : des esclaves des temps modernes

Avec les propriétaires de WACEM, de FORTIA et de DCT, les travailleurs togolais sont considérés comme des esclaves dans des plantations de canne à sucre du 16ème siècle. La plupart d’entre eux finissent leur carrière professionnelle dans la même catégorie où ils étaient embauchés sans le moindre avancement. Aussi assiste-t-on à la regrettable situation où les partants en retraite reviennent supplier les Indiens pour continuer à travailler sous d’autres contrats de travail jusqu’à ce que la mort n’ait raison d’eux. Leur unique souci, c’est de continuer à percevoir leur maigre salaire afin de survivre aux difficultés que leur impose l’insignifiante valeur de leur pension retraite. Plusieurs retraités se retrouvent actuellement dans cette situation dans la quasi-totalité des départements de WACEM et se font talonner par des jeunes qui, eux aussi, approchent dangereusement de leur retraite. « Nos aînés qui devaient partir à la retraite en joie avec le sentiment du devoir accompli avec toute la gratitude à eux due, explique un employé, se retrouvent redevables envers leurs postérités et envers eux-mêmes, et donc contraints à des travaux ainsi devenus forcés que seuls les esclaves peuvent faire », rapporte un employé.

Selon les informations, les Indiens affirment souvent qu’ils ne discutent pas avec les pauvres, donc leurs travailleurs, mais seulement avec des milliardaires. Ce qui se voit dans leurs comportements de tous les jours où ils s’arrangent par tous les moyens à supprimer l’institution des délégués du personnel. De plus, le dialogue social que prône ardemment le gouvernement dans les entreprises est totalement absent. Même s’il existe, il s’agit d’un dialogue de sourd où les délégués du personnel formulent des demandes d’audience et des requêtes écrites que l’employeur indien refuse de recevoir. Et s’il venait à accepter de prendre les requêtes, c’est pour les ranger dans les tiroirs.

Les réponses réservées à l’insistance des travailleurs d’avoir de meilleures conditions de travail et de vie se résument à leur licenciement pur et simple. Dans ce domaine, les chiffres sont éloquents : plus de 160 licenciements pour WACEM et sa filiale de PPBAG depuis juillet 2013 et plus de 90 licenciements à l’actif de FORTIA depuis juillet 2008. Ces chiffres quoi que portant sur les seuls cas de licenciements qui font objet de procédures judiciaires, témoignent largement de l’ampleur de la situation que vient encourager la lenteur du seul et unique tribunal du travail au grand dam des employés.

En réalité, la lenteur de la justice fait d’elle une arme dans les mains du coupable contre les victimes qui n’osent même plus porter plainte. Sept ans sans verdict par exemple comme on peut le constater dans le cas de FORTIA pour une affaire liée au salaire de surcroît misérable, laissent à désirer. De quoi le salarié abusivement licencié devra-t-il vivre pendant ce temps ? Ne préférerait-il pas se taire ? N’est-ce pas là une raison de plus pour l’Indien de se croire dans un Etat de non droit où il peut faire subir à ses employés pire qu’ils n’en subissent déjà ?

En outre, les conditions de travail à WACEM, FORTIA et DCT sont chaotiques. L’un des problèmes majeurs, c’est l’absence de cantine. L’endroit où les travailleurs prennent leur repas n’a rien à envier à un dépotoir. Les hangars à ciel ouvert comme une carrière, construits par les Indiens sont mis en location et à prix inaccessible, contraignant les bonnes dames à se débrouiller comme elles peuvent dans des abris de fortune en colocation avec les mouches et les rats. Le sol non cimenté s’inonde en temps de pluie et devient impraticable avec des égouts non couverts.

Les salaires en deçà du SMIG sont monnaie courante. « Plus de 1000 employés ne sont pas reconnus depuis plus de 18 ans. Ces travailleurs sont victimes d’escroquerie et de maltraitance. Indispensables au fonctionnement et à la production, ils travaillent depuis plus de 18 ans mais sont absents de tous les registres de ces entreprises. Nos patrons indiens ont ainsi fait de 1000 de nos compatriotes des fantômes : non formellement recrutés, non déclarés à la Caisse Nationale de Sécurité Sociale, jamais avancés, exemptés de toutes primes, non rémunération des heures supplémentaires, pas de congé annuel et privés de tenues de sécurité », poursuit le même employé.

Ces 1000 travailleurs, comme on peut le constater, feront les 35 ans de service sans discontinu et sans pouvoir aller à la retraite comme le prévoit la législation du travail. Même lorsqu’ils n’auront plus de force pour continuer, ils ne pourront pas se retirer puisque se retirer signifierait un arrêt total et définitif du salaire qu’ils perçoivent. Pas de garantie retraite. Pas de pension retraite. Ils seront de toutes les façons renvoyés par les Indiens qui les auront gratuitement vidés de leur force et de leur vie. Ils seront abandonnés comme une orange vidée de son jus. « Comme ils reçoivent des misères de salaire, ils n’arrivent pas à subvenir aux besoins de leurs familles. Ils ne mangent pas non plus à leur faim. Ils travaillent très souvent le ventre affamé dans des endroits les plus exposés aux risques notamment la poussière. Les décès dans leur rang devenus banals sont les plus importants, mais passent inaperçus du fait du caractère clandestin fait de leurs emplois et labeurs dans leur propre pays », ajoute-t-il.

Par ailleurs, le cas particulier des agents de sécurité interpelle. Payés à 23 000F par mois sans d’autres primes, ils sont tenus responsables pour tout vol que l’Indien déduit sans ménagement de leur salaire. Le dernier en date, c’est un câble électrique (4X240mm²) de 60m que l’Indien a évalué sinon majoré à près de 2 740 000F et déduit du salaire des agents de sécurité. Il convient de rappeler que le SMIG en vigueur au Togo est de 35.000F pour 40 heures de service par semaine. Cependant, ces agents de sécurité sont obligés de faire plus de 72 heures par semaine presque deux fois la normale contre 23 000F.

« Il s’agit ici d’une formule des Indiens de WACEM, qui consiste à « travailler plus et gagner moins ». C’est ce que nous appelons une exploitation », constate l’ancien cadre de WACEM.

De tout ce qui précède, quelques questions s’imposent : n’y a-t-il personne pour arrêter le massacre et porter secours aux travailleurs et aux propriétaires terriens? N’y a-t-il aucune autorité pour sauver l’honneur et l’image du Togo ? Quels étaient les termes du contrat avec les Indiens ? Maltraiter les Togolais et piller le pays ? Est-il prescrit dans les termes de ce contrat de faire venir au Togo où l’emploi est rare des centaines d’expatriés indiens sans la moindre qualification pour devenir des chefs des diplômés des universités togolaises ? Et quand les Indiens affirment ne discuter qu’avec des milliardaires, quels sont ces milliardaires avec qui ils ont discuté avant de s’installer au Togo ? Que pensent ces milliardaires de leurs compatriotes que les Indiens exploitent ? Des interrogations qui amènent un autre employé à lancer ce cri de détresse : « Quant à nous peuple togolais, notre tort que nous ne devrons plus commettre, c’est notre silence en tant que Togolaises et Togolais, propriétaires terriens, employés, médias et autorités. Repentons-nous pour l’intérêt supérieur de la nation togolaise ».

Affaire à suivre.

Source : [13/01/2015] Kédjagni, Liberte-Togo