L’exploitation des phosphates carbonatés a été récemment confiée (encore) à un Israélien. L’acte passerait inaperçu si l’ancienne corde au bout de laquelle la présidence du Togo veut tisser la nouvelle avec les phosphates carbonatés n’était pas pourrie. Après le rapport de l’ITIE qui devrait établir la transparence dont font preuve les autorités en charge des ressources minières du pays, des anomalies sont apparues, surtout dans la gestion de la Société nouvelle des phosphates du Togo ( SNPT ).

Mine de phosphate de Hahotoe au Togo, contrôlée par l'Israelien Raphy Edery et son SNPT | Photo : Britanica
Mine de phosphate de Hahotoe au Togo, contrôlée par l’Israelien Raphy Edery et son SNPT | Photo : Britanica

L’Etat refuse de déclarer les volumes exportés ainsi que les montants encaissés sans que le cabinet ayant procédé à l’audit et le Directeur national de l’ITIE ne s’en offusquent. Et lorsqu’on établit une comparaison avec le rapport 2012, on réalise que les chiffres pondus convaincront difficilement les esprits avertis. La conformité du Togo à l’ITIE ne serait-elle que de la poudre jetée aux yeux des citoyens ? Tout porte à le croire.

Voici ce que dit le rapport 2013 sur les phosphates de la SNPT. Pays de destination : plusieurs ; volume reporté par la société : 1.142.692 tonnes ; volume reporté par l’Etat : Non Communiqué ; écart sur volume d’exportation : 1.142.692 tonnes ; valeur des exportations reportée par la société : 137.702.370 FCFA ; valeur des exportations reportée par l’Etat : non communiquée. Et en guise d’argument pour justifier le refus délibéré de communiquer sur les chiffres, le rapport déclare : « le CDDI ne dispose pas des chiffres relatifs aux exportations de la SNPT. En effet, la société procède à l’exportation du phosphate directement à partir du Terminal qu’elle exploite et le bureau des douanes sur place n’est pas informatisé et ne dispose pas des moyens nécessaires permettant le suivi des exportations en quantités et en valeur. Les valeurs déclarées par les sociétés minières aux services des douanes sont approximatives puisque les opérations d’exportation ne sont pas imposables ». Balivernes, mensonges croyons-nous. Puisque dans le même temps, les chiffres du calcaire qui est aussi exporté, sont bien visibles dans le rapport. La SNPT serait-elle maraboutée par la présidence du Togo pour qu’elle soit une société entièrement à part au Togo ?

Lorsqu’on établit une petite comparaison avec le rapport 2012 au sujet des phosphates, des incompréhensions se font jour.

Tableau comparatif entre les volumes et les valeurs entre 2012 et 2013

Volume exporté selon la Société Volume exporté selon l’Etat Valeur exportée selon la Société Valeur exportée selon l’Etat
Rapport 2013 1.142.692 Non communiqué 137.702.370 Non communiquée
Rapport 2012 1.032.834 Non communiqué 68.663.255.314 Non communiquée

Mais, fait remarquable, les autres ressources du pays comme le fer ou le calcaire n’ont pas connu ces « largesses ». Et pourtant, des investissements colossaux avaient été réalisés pour que le secteur retrouve son lustre d’antan. Car pour ceux qui ne le savent pas, les équipements d’extraction et de chargement des minerais ont été réhabilités pour une valeur de 50 milliards contre 28 milliards dans le budget initial selon Insiders Mining du 26 juin 2014. Et pourquoi donc la production peine-t-elle toujours à repartir en hausse? A en croire ce journal en ligne, la production de 2013 est identique à celle des années 90. Est-il possible qu’il n’y ait pas eu de saut qualitatif en 23 ans de production ? A moins que toute la production ne soit pas déclarée ou qu’elle soit frappée du sceau de confidentialité comme c’est de coutume dans la maison Togo. Mais ne dit-on pas que le mensonge est très difficile à gérer ? Lorsque la SNPT entamait la réhabilitation des équipements, il était prévu qu’en 2014, la production atteindrait 3 millions de tonnes. Obligation de résultat faisant, cette société et son Directeur général se doivent d’atteindre cet objectif, puisqu’à en croire toujours Insiders Mining, au temps de l’ex Office togolais des phosphates, le point d’équilibre était de 1,8 million de tonnes. Déduction mathématique, si en 2013, ce point d’équilibre n’est pas encore atteint, c’est qu’il y a anguille sous roche et qu’il faille se tourner vers la direction et surtout le premier responsable de l’Itie-Togo, Didier Agbémadon.

Le DG de la SNPT Michel Kézié (g) et Didier Agbémadon, Directeur national Itie-Togo | Photos : Liberté / 27avril.com
Le DG de la SNPT Michel Kézié (g) et Didier Agbémadon, Directeur national Itie-Togo | Photos : Liberté / 27avril.com

Et si l’Itie-Togo n’était qu’un artifice vis-à-vis de l’extérieur pour mieux cacher le pillage des phosphates du Togo ? Toujours dans le numéro d’Insiders Mining de juin 2014, le Directeur national d’Itié-Togo est qualifié de « caution bonne gouvernance du secteur ». « L’initiative pour la transparence dans les industries extractives  (ITIE) a joué un rôle clé dans l’ouverture du secteur minier togolais aux investisseurs internationaux. Longtemps limitée à la seule exploitation des phosphates, la filière compte désormais des compagnies juniors spécialisées dans l’exploration comme Premier African Minerais Ltd, dirigée par Georges Roach, cofondateur d’UraMin Inc., qui dispose de permis d’exploration aurifère dans la région de Dapaong, mais aussi de titres de recherche de l’uranium (Kara-Niamtougou), le nickel (Haïto) et le zinc (Pagala). Ancien ministre des Mines, de l’Energie et de l’Eau (2005-2006) et membre du comité central de l’Union pour la République (Unir, au pouvoir) pour la préfecture de Yoto depuis décembre 2006, Didier Vincent Kokou Agbemadon est au cœur du dispositif de l’Itie dans le pays. Il s’y est impliqué dès 2010 en tant que président du comité de pilotage national, assisté de Marie-Ange Kalenga, directrice régionale pour l’Afrique de l’Ouest francophone au secrétariat général de l’Itie… ».

Caution « bonne gouvernance » du secteur, c’est ainsi que Didier Agbemadon est qualifié. Mais c’est surtout son manteau de membre actif d’Unir qui expliquerait son silence coupable devant les irrégularités contenues dans les rapports. Appartenir à un parti est un droit reconnu à tout citoyen, mais s’illustrer en cautionnant des situations malsaines créées par d’autres membres du parti, est très dévalorisant, surtout si l’on tient à une certaine respectabilité. Si le Directeur national n’arrive pas à appeler un chat un chat à la SNPT, ce n’est certainement pas lorsque l’exploitation des phosphates carbonatés commencera très bientôt qu’il pourra le faire. Jusqu’à présent, les récents contrats ne sont pas encore rendus publics alors que la nouvelle norme d’Itié le recommande. Si le sceau de confidentialité qui a de tout temps entouré les contrats miniers perdure, c’est aussi en partie à cause du silence de Didier Agbemadon.

Un autre Israélien s’est vu confier l’exploitation des phosphates carbonatés et les travaux devront commencer incessamment. Mais comment est-on arrivé à décanter la situation qui prévalait du temps du ministre Noupokou Dammipi ? Puisqu’il n’y a pas longtemps encore, celui-ci avait proposé que le marché ô combien juteux soit réparti entre les trois soumissionnaires. Le conseiller israélien officieux Raphy Edery aurait-il joué de son influence pour positionner Elenilto, au vu de la mainmise qu’il a sur le secteur des phosphates ? La réponse très prochainement.

Source : [01/10/2015] Abbé Faria, Liberté