« Curieux auto-satisfecit de Gaperi et sa bande quelques jours après le départ d’Ayassor. L’avant OTR n’est-il pas mieux que l’après ? » – Abbé Faria

L’obligation d’informer les citoyens sur les actions des structures publiques devient de plus en plus pressante, mais s’il faut servir des informations peu crédibles et dénuées de moyens de vérification, alors la pratique s’identifiera plus à de l’intoxication.

Le Commissaire général de l'OTR, le Rwandais unilingue anglophone Henry Gapéri | Infog : 27avril.com
Le Commissaire général de l’OTR, le Rwandais unilingue anglophone Henry Gapéri | Infog : 27avril.com

Le site du gouvernement a repris des chiffres de l’Office togolais des recettes (OTR) pour ripoliner l’image de cet office dont les Togolais peinent à mesurer son efficacité. Que valent ces pourcentages publiés ? Et « les recettes fiscales en hausse de 32,5% » dont on tente de convaincre les citoyens sont-elles une réalité ? Seule une étude comparative peut le dire, exercice auquel on s’est appliqué pour permettre aux lecteurs de mieux évaluer les prétendues performances.

Afin d’être fidèle aux termes du site de l’OTR, voici repris l’article daté du 19 août et que le site du gouvernement s’est empressé de reprendre tout en tronquant la vérité.

« Aperçu general sur les performances de l’office togolais des recettes

L’Office Togolais des Recettes, né de la volonté du Gouvernement de maximiser et de sécuriser la collecte des recettes publiques, est opérationnel depuis janvier 2014. L’OTR a depuis lors engagé des réformes dans le souci d’offrir des services de qualité aux contribuables, d’une part, et de lutter efficacement contre la fraude et la corruption, d’autre part. Plus de deux ans et demie d’activités après, le bilan est plus que satisfaisant et l’OTR dans sa politique de transparence se doit de partager les informations avec le public comme il le fait périodiquement avec la presse, principal partenaire pour sa communication.

Les performances de l’Office Togolais des Recettes toujours au-delà des objectifs assignés

L’Office Togolais des Recettes, depuis son opérationnalisation en 2014, a toujours dépassé les objectifs budgétaires qui lui sont assignés par le Gouvernement. En effet, par rapport aux objectifs de 2014 et 2015, il a enregistré respectivement des taux de réalisation de 110% et 107% malgré les défis et contraintes liés à la mise en route des réformes.

Les recouvrements de l’OTR en constante augmentation d’année en année

Les recettes collectées par l’OTR sont en perpétuel accroissement avec un rythme relativement constant. Entre 2013 et 2015, les recettes fiscales ont connu une hausse de 27,9%. Si le taux d’accroissement des recettes entre 2013 et 2014 a été de 13,5%, la hausse enregistrée entre 2014 et 2015 est de 12,7%. En se référant aux recettes collectées au cours des premiers semestres, on note une hausse de 32,5% sur la période 2013-2016. En effet, après un faible accroissement entre 2013 et 2014, les recouvrements de recettes budgétaires aux premiers semestres ont connu des accroissements très significatifs en 2015 et en 2016, soit respectivement 12,4% et 17,2%.

Les recettes liquides de plus en plus importantes

Les recettes budgétaires liquides sont en nette évolution entre 2013 et 2015. Sous le vocable de recettes liquides, il faut entendre la part des  recettes recouvrées qui sont susceptibles d’être utilisées effectivement pour faire face aux dépenses de l’Etat. En d’autres termes, c’est la différence entre les recettes brutes recouvrées et les recettes non liquides. Sont considérées comme recettes non liquides, l’ensemble des recettes qui échappent aux caisses de l’Etat suite aux avantages fiscaux accordés par l’Etat à certains contribuables sous forme d’exonérations, de chèques trésor (dépenses fiscales) auxquels s’ajoutent les prélèvements opérés sur les recettes fiscales pour subventionner les produits pétroliers (Soutien à la politique pétrolière- SPP-). Entre 2013 et 2015, les recettes budgétaires liquides ont connu un taux d’accroissement substantiel de 44,1%. On note une hausse desdites recettes de 26,6% entre 2013 et 2014.

La tendance haussière des recettes liquides se confirme au cours des premiers semestres.

De 2013 à 2016, les recettes budgétaires liquides recouvrées au cours des premiers semestres dégagent un taux d’accroissement de 51,2%. A l’analyse de l’environnement des activités de l’OTR, l’on se rend à l’évidence que ces performances ont été possibles grâce :

  • à la rigueur dans le processus de collecte des recettes ;
  • aux différentes réformes visant à rendre des services de qualité aux contribuables ;
  • aux mesures prises pour sécuriser la collecte des recettes à travers notamment la collecte des recettes par les banques ;
  • le renforcement du contrôle fiscal et de l’analyse des risques ;
  • à la lutte engagée contre la fraude et la corruption ;
  • à la communication et à la sensibilisation des contribuables ;
  • à la collaboration des contribuables et des partenaires.

L’OTR saisit le créneau que lui offrent ses partenaires de la presse, pour rendre hommage au Chef de l’Etat et à son Gouvernement pour l’appui constant dont il bénéficie dans la réalisation de sa mission.

L’Office salue le sérieux et la collaboration des contribuables qui ont accepté prendre le train de la transparence et invite les autres à leur emboiter le pas.

Enfin, l’Office demeure reconnaissant à tout le public togolais qui, sans cesse, contribue à lutter contre la corruption en appelant le n° vert 8280 ».

Voilà l’article dans son intégralité.

Que peuvent inspirer ces lignes du site de l’OTR?

Recettes fiscales en hausse de 32,5%, voilà le titre publié par le site du gouvernement qui devrait servir des informations vraies, mais qui se plait à déformer la vérité pour maintenir le peuple dans l’obscurité. « En se référant aux recettes collectées au cours des premiers semestres, on note une hausse de 32,5% sur la période 2013-2016 » est l’article de l’OTR, mais lorsque republicoftogo.com se permet d’écrire : « Les recettes sont en hausse de 32,5% au premier semestre de cette année », tout laisse à penser que c’est par rapport au budget 2016 que la hausse de 32,5% a été réalisée, ce qui est complètement faux. Et pourtant c’est ce qu’on veut faire croire aux Togolais. Et parce que c’est le site du gouvernement, personne n’osera interpeller ceux qui écrivent au nom du gouvernement.

Maintenant, pour en venir aux pourcentages publiés, il est évident que l’OTR procède à un mensonge par omission. Car, quel citoyen peut dire aujourd’hui ce qu’étaient les recettes à fin décembre 2013, 2014 et 2015, si ces données ne peuvent pas figurer dans l’article ?

Un semestre se compose de six mois. L’OTR parle de recettes semestrielles qui auraient augmenté de 32,5%, mais personne ne connait le montant de ces recettes. Il serait temps que ceux qui pensent être plus intelligents que les sept millions de Togolais commencent à comprendre que même si les actes d’une minorité peuvent faire croire que les Togolais pourraient être intellectuellement limités, il en existe encore qui ont la tête sur les épaules et sont capables de calculer eux-mêmes les pourcentages, pour peu qu’on leur serve les chiffres exacts des recettes collectées.

Depuis l’année dernière, le chef de l’Etat a pris un décret pour permettre plus d’accès à l’information. Aussi, que l’OTR rende publiques les informations sur la situation semestrielle et annuelle des recettes du pays ne peut que confirmer la transparence à laquelle les responsables de cet office voudraient amener les citoyens à croire. A moins qu’Henri Gaperi Kanyesiime et son entourage n’aient des choses à se reprocher. Sinon, ils sont mis au défi de communiquer les chiffres exacts des recettes et pas des taux que même des écoliers du cours moyen première année peuvent réussir.

Les recettes sont-elles plus conséquentes ?

Pour répondre à cette question, nous avons repris la situation des recettes fiscales et douanières avant l’avènement de l’OTR. Ainsi avec les recettes fiscales situées entre 2008 et fin septembre 2013, il est apparu des chiffres concrets allant de 97,639 milliards en 2008 à 131,194 milliards à fin septembre 2013, en passant par 2009 avec 105,740 milliards, 2010 avec 113,461 milliards, 2011 avec 128,314 milliards et 150,779 milliards en 2012. Ce faisant, il est aisé à tout citoyen de calculer les taux d’augmentation de ces recettes selon la volonté de chacun. A titre d’exemple, lorsqu’on dira qu’entre 2008 et 2012, le taux d’accroissement des recettes fiscales est de 54,42%, il sera aisé à chacun de vérifier et de trouver qu’effectivement (150.779.193.985-97.639.713.680)/97.639.713.680 donne un taux de 54,4240% !

Situation des impôts de 2009-20012

De même, lorsqu’on voit l’évolution des recettes douanières de 2009 à 2013, les chiffres sont là pour attester la conclusion qui dit que « le taux d’accroissement des recettes douanières entre 2009 et 2012 est de 43,43% ». Il suffit pour celui qui veut vérifier ce taux, de se servir des données publiées. Ainsi, on peut vérifier par exemple qu’entre 2009 et 2010, les recettes douanières ont augmenté de 7,99% ; qu’entre 2010 et 2011, elle l’ont été de 22,31% et de 8,57% de 2011 et 2012, ce qui donne déjà un taux cumulé de 38,88% entre 2009 et 2012. Et donc lorsqu’en bas du tableau on lit que le taux d’accroissement est de 43,43% entre 2009 et 2012, il n’y a pas matière à discuter, parce que :

(176.917.828.086-123.348.831.567)/123.348.831.567 donne effectivement 43,4288%. Personne ne pourra dire que le taux avancé en bas du tableau souffre d’inexactitude !

Situation douane 2008-2013

Dans les deux cas où l’OTR n’était pas encore en service, les chiffres sont les témoins des pourcentages qui peuvent être déclarés. Mais avec la réforme ayant donné naissance à cet office, il est incompréhensible que ces données se comparent à l’urine de coq, c’est-à-dire invisible. De quoi jeter un réel discrédit sur la fiabilité des taux de l’OTR, parce n’étant basés sur aucune donnée vérifiable.

Il est tout de même bizarre que ce soit juste après le débarquage de l’ancien ministre Adji Otèth Ayassor que subitement, on retrouve des taux de recettes sur le site de l’OTR. C’est à croire que la peur qu’une évaluation des performances de cet office ne mette en lumière les insuffisances de l’institution, ne se soit saisie des responsables, ce qui les aurait poussés à être un peu plus « transparents à leur manière ». Mais une chose est évidente, l’OTR n’a pas encore fait mieux que ses ancêtres, les services des impôts et des douanes. Les données sont là pour l’attester. Les réformes ont été applaudies du fait qu’elles étaient porteuses d’espoir, mais la manière dont elles sont conduites est loin de l’orthodoxie requise.

Notre réaction aux données de l’OTR nous vaudra-t-il une fatwa ? Dans l’affirmative, on assumera et on boira le vin jusqu’à la lie, simplement parce qu’il s’agit des finances du pays, et pour cela, il requiert un minimum de sérieux et de transparence. L’OTR n’a encore rien  prouvé, mis à part le fait qu’il ait mis à la porte des centaines d’agents sans que cela ne se ressente sur les recettes.

Source : Abbé Faria, Liberté