Lorsque submergée par les conditions déplorables et inhumaines dans lesquelles elle vit, une composante de la société togolaise poussée dans ses derniers retranchements, se voit obligée de se faire entendre à travers des manifestations publiques, les autorités togolaises trouvent toujours des « manipulations politiques » derrière.

Policiers et gendarmes envahissent le campus de l’Université de Lomé, Togo, pour réprimer une manifestation pacifique des étudiants qui réclament de meilleures conditions | Archives
Policiers et gendarmes envahissent le campus de l’Université de Lomé, Togo, pour réprimer une manifestation pacifique des étudiants qui réclament de meilleures conditions | Archives

C’est le même discours qu’a servi Octave Nicoué Broohm, ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche vendredi dernier, après les violentes manifestations sur le campus universitaire de Lomé qui ont fait de nombreux dégâts matériels et des blessés.

D’aucuns étaient surpris en début de week-end dernier lorsque le ministre a traité les revendications des étudiants, surtout celles portées par le Mouvement pour l’épanouissement de l’étudiant togolais (MEET) d’alibis. Une déclaration qui discrédite ce membre du gouvernement, puisque ces mêmes autorités parmi lesquelles Octave Nicoué Broohm, ont toujours reconnu la nécessité de trouver des solutions à ces revendications.

« Les autorités togolaises ont toujours dit que nos revendications sont légitimes. Et nous les posons depuis quelques années. Mais pourquoi elles ne veulent pas nous satisfaire ? Il y a certainement un manque de volonté de leur part », a indiqué hier Komlanvi Kondo, président du MEET.

Ce dernier a tout dit. Il faut alors comprendre que, dans ses tentatives de justifier le dilatoire du gouvernement face aux revendications « légitimes » des étudiants, le ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche était perdu dans ses frasques, avec des arguments qui tiennent à peine la route.

Des observateurs sont allés jusqu’à dire qu’il a manqué de sérénité dans ses interventions, vu que les événements ont pris une tournure à laquelle il ne s’attendait pas. Lui qui, il y a quelques mois encore, disait à tous ceux qui voulaient l’entendre qu’il a réussi à calmer les étudiants. C’est donc pourquoi il y a du calme dans les Universités du Togo.

Les responsables d’associations estudiantines, à l’unanimité, reconnaissent aujourd’hui que le gouvernement fait du dilatoire, en ne prenant pas au sérieux leurs problèmes. « Nous avons eu plusieurs rencontres avec les autorités universitaires et gouvernementales. Elles ont accepté prendre en compte nos problèmes. Par exemple, le problème du bus a été posé depuis, mais on ne trouve toujours pas de solution.

Depuis notre dernière rencontre, le gouvernement n’a pas réagi pour résoudre ce problème. C’est déplorable », a déclaré le délégué général de l’Université de Lomé. Et lorsque les associations des étudiants, en l’occurrence le MEET veulent faire le point à leurs camarades en assemblée générale, on leur envoie des forces de l’ordre, violant ainsi la franchise universitaire.

« Lorsque nous avons fait notre assemblée générale le 9 décembre dernier et que les forces de l’ordre n’étaient pas venues, on n’a pas eu de problème. Tout s’est passé dans le calme. Les étudiants sont repartis chez eux tranquillement. Pourquoi mercredi et jeudi derniers, on envoie des forces de l’ordre sur le campus, lors de notre AG ?

Pourquoi ils veulent nous empêcher de faire notre réunion et expliquer la situation aux camarades? Nous, nous ne provoquons personne. Ce sont eux qui nous provoquent », a souligné Komlanvi Kondo qui, aujourd’hui, se retrouve dans le maquis, puisqu’accusé d’être à l’origine des troubles sur le campus.

Plusieurs étudiants, arrêtés sur le campus mercredi dernier sont envoyés à la prison civile de Lomé. Une situation qui déplait aux associations estudiantines qui demandent leur libération immédiate et sans condition. A les en croire, les autorités togolaises ont promis accéder à cette demande puisque cela crée une autre tension entre les parties prenantes à cette crise. Certains responsables de ces associations, en plus du délégué général ont fait le déplacement de la prison civile hier pour voir les conditions dans lesquelles leurs camarades se trouvent dans ce lieu de détention.

Et comme le gouvernement a toujours préféré de violentes manifestations avant de réagir, on apprend depuis hier que des bus de Sotral sont mis à la disposition des étudiants pour faciliter leur déplacement vers le campus. Un point contenu dans les revendications des étudiants depuis quelques années.

Ainsi, il a fallu que le pick-up de la Police soit brûlé, que des policiers et étudiants soient blessés, que même le doyen de la faculté de Droit soit gazé et des étudiants emprisonnés pour avoir réclamé leurs droits, pour que le gouvernement se réveille de son sommeil. C’est à croire qu’ici, on aime que le sang soit versé avant de prendre certaines décisions salutaires.

Dans tous les cas, les points, notamment l’électrification du campus, le bitumage des voies traversant le campus, l’eau, la construction des amphis, les bourses et allocations, etc. restent à l’ordre du jour. « Nous avons constaté que des bus de Sotral sont mis en circulation ce matin (NDLR, hier lundi). C’est un début de solution. Nous encourageons le gouvernement à continuer », a indiqué le délégué général. Dans ce cas, la fuite en avant des autorités togolaises ne ferait qu’empirer la situation.

Source : [26/01/2016] Kokou Mitimi, L’ALTERNATIVE – N°492