L’organisation du voyage pour le cinquième pilier de l’Islam a du mal à sortir de sentiers battus. Le cinquième pilier de l’islam, bien que devenu une affaire nationale, demeure un business au dos du pauvre pèlerin. Pire, malgré son caractère onéreux, l’organisation du hadj ne tranche toujours pas avec l’approximation, l’amateurisme voire l’improvisation. Des logements au transport aérien pour aboutir aux différents rubriques qui définissent les frais du hadj, on peut affirmer que le décret présidentiel responsabilisant une commission nationale pour s’occuper de cette organisation n’apporte rien de positif. Tel est le constant, du moins au regard des dernières évolutions.

Hadj : Des pèlerins Togolais prêts pour a Mecque | Photo : iinanews
Hadj : Des pèlerins Togolais prêts pour a Mecque | Photo : iinanews

Certes, dès sa mise en place, des efforts ont été faits pour corriger les dérives qui ont justifiée la mise en place de la Commission Nationale du Hadj, CNH. Mais plus le temps passe, plus certains maillons de l’organisation deviennent une aire de business. De 1.850.000 FCFA depuis trois ans, les frais du hadj, cette année, ont fléché à 2.150.000 FCFA, soit 300 milles franc de plus. Pour justifier cette flambée, voici comment ont été repartis les différents volets organisationnels. Et la question qui se dégage est celle de savoir si les différents ministères chargés de l’organisation sont complices ou victimes de ces dérives qui rendent le voyage de plus en plus onéreux.

Voici ce qui est prélevé en terme de frais sur chaque candidat au hadj cette année :

  • Billet d’avion aller-retour, 1950 dollars. Un dollars est calculé sur la base de 635 FCFA.
  • Logement à la Mecque et à Médine, 2600 Riyals soit 442 000FCFA.
  • Taxes aéroportuaires sont de 1079 Riyals, le Riyal est à 170 FCFA. Le séjour à Mina 450 Riyals Soit 76 500 FCFA.
  • Santé, 5000 FCFA.
  • Confection du badge, 1500 FCFA.
  • Frais de transfert de la banque, 5000 CFA.
  • Agios bancaires, 5000 F CFA.
  • Ristourne au profit de l’UMT, 5000 F CFA.
  • Roulement de la Commission Nationale du Hadj, 40 000 FCFA.
  • Retenus pour la maison du hadj afin de la location des bus et autres petites dépenses, 1500 FCFA.
  • Prise en charge des encadreurs 7 000 FCFA.
  • Confection du carnet de voyage valable pour un an, 30 000 FCFA.
  • Retenus pour les agences de voyage, 90.000 FCFA.
  • Frais de fonctionnement de l’ENAVOTH 1500 FCFA.

Sur la base de ces différentes rubriques, le hadj a été fixé à 2.150.000 FCFA avec aux dernières nouvelles les frais sont revus en baisse de 100 000 FCFA, soit donc 2.050.000 FCFA au final.

Comparativement au autres pays, il faut dire qu’au :

  • Bénin, le hadj coûte cette année 2.075.000 FCFA, le transport 1775 dollars.
  • Niger, le hadj est de 2.300.000 FCFA en raison de 950.000 CFA pour le billet.
  • Sénégal, il est de 2. 650.000 en raison de 1 150.000 FCFA pour le transport.
  • Burkina-Faso, 2.330.000 en raison de 2030 dollars pour le transport.
  • Côte d’Ivoire, le voyage coûte 3.300.000 FCFA, le pèlerin donne 2.000.000 et l’Etat ivoirien subventionne à hauteur de 1.300.000 FCFA.

Apparemment, les frais de certains pays sont élevés, mais il faut se rendre sur le terrain pour comprendre que, de leur proximité avec les lieux saints au confort dont ils jouissent, leur organisation vaut le coût. Mieux, il faut ajouter que le niveau de vie très élevé des populations de ces pays est sans commune mesure avec celui des Togolais.

Le hadj est retiré aux agences de voyage et à l’UMT parce qu’elles tâtonnaient faute de frais de fonctionnement adéquats et d’une discipline intérieure pour coordonner efficacement le hadj. Quand l’activité est passée aux mains de l’Etat, nous nous sommes dit que les moyens conséquents seront mis à la disposition de l’organisation.

Mais quelle n’est pas notre surprise de constater présentement que chaque pèlerin doit payer 40.000 FCFA à la CNH pour que celle-ci puisse avoir les fonds de roulement. Le passeport 30 000 FCFA ; la santé 5000 FCFA ; la confection du badge, 1500 FCFA ; les frais de transfert de la banque, 5000 CFA ; les agios bancaires, 5000 FCFA ; voici ce que paie chaque pèlerins pour ces différents services qui, pourtant, sont des services rendus aux pèlerins par des structures de l’Etat.

La moitié des pèlerins seront transportés par la compagnie Nass-Air qui a précédemment fixé son billet aller-retour à 1.950 dollars. Les 50% restants seront transportés par Asky qui va utiliser les avions de la compagnie de voyage Ethiopian Airlines. De ce côté, le billet est de 1840 dollars. Le DG de l’aviation civile Gnama Latta s’est rendu en Arabie Saoudite pour négocier encore le billet d’avion avec Nass-Air. Bonne nouvelle, le déplacement a porté ses fruits. Le billet de la compagnie saoudienne vient d’être revu à 1840 dollars. Le logement aussi précédemment estimé à 2600 Riyals est revenu à 2200 Rials grâce au déplacement du ministre de la sécurité Yark Damehane. En quoi le pèlerin profite-t-il de cela ?

Sans vouloir aller dans les détails, nous estimons qu’à la lecture des chiffres avancés, on pouvait faire le hadj cette année sans majoration. Si toutefois, celle-ci doit se faire, 300 000 FCFA ( ou 200 000 FCFA après la dernière réduction) de plus sur les frais du hadj est trop, les organisateurs ont la marge pour revoir leur copie. C’est avec une profonde conviction de rendre service à sa confession et à défendre l’image de son pays que le ministre Yark joue un rôle depuis des années aux côtés de ses collègues ministres, qui, sans être musulmans, sont actifs dans le hadj.

Si rien n’est fait pour que l’organisation du hadj tienne compte de certaines réalités, le ministre aura aidé consciemment ou inconsciemment certains à faire de ce voyage une caverne d’Ali-Baba au grand désarroi des pauvres pèlerins. D’ailleurs, certains se sont carrément désisté faute de ces frais supplémentaires qu’il n’est pas encore tard de revoir.

Une autre réalité pas des moins tristes

L’an passé, 29 personnes n’ont pas pu effectuer le voyage du fait qu’elles n’ont pas eu de visas alors que leurs frais du hadj sont déjà versés à la CNH. Cette année, il va sans dire qu’elles vont voyager, inchaa Allah. Mais le hic est que, alors que leurs sous sont supposés être intacts, investigations faites, il se révèle que leur argent n’existe sur aucun compte de la commission. Les esprits malins s’évertuent à surfer sur les frais du hadj de cette année pour combler cette disparition d’environs 50 millions que rien ne justifie. Le ministre Yark et ses collègues ministres coorganisateurs sont-ils au courant de ces réalités ? Est-ce pour combler ce trou que le coût du hadj a flambé ?

L’absence de travail d’équipe

Aussi longtemps que cette carence de collaboration existera, la commission ne fera aucun miracle. Nous ne voudrions pour preuve que ce petit exemple. Les logements ont toujours été le terrain fertile où les agences font leur petit bénéfice dans le hadj et c’est quand le désordre a commencé dans ce domaine que le hadj est devenu une affaire au sommet de la République.

D’abord, des logements bien choisis font une grande publicité aux agences et ceci pousse même souvent les pèlerins d’autres pays à vouloir voyager par le canal d’un autre pays dont les pèlerins sont souvent bien logés. Au même moment, dans la négociation des logements, les rétrocommissions n’ont jamais manqué. Ce n’est pas une réalité propre aux organisateurs togolais, c’est le propre des arabes qui font du logement des pèlerins leur gagne-pain. Même si vous ne négociez pas, ils pensent à vous graisser les pattes sur les frais de logement afin de garder la clientèle. Ceci se passe avec les Togolais tout comme avec les organisateurs des autres pays. La différence est que, sur le plan togolais, certains exagèrent. Et nous avions eu à dénoncer cela plusieurs fois, mais les gens n’ont jamais été inquiétés. Aussi longtemps qu’il y aura de corrupteurs arabes dans la négociation du logement, il aura de corrompus togolais. Étant donner que ce vice résiste aux temps, au lieu de penser à ce que ces rétrocommissions profitent à l’organisation toute entière plutôt qu’à des individus, au Togo, on en fait un mystère.

Quand X est mis devant une négociation de logement, Y s’évertue à lui faire des coups bas en proposant autre chose. C’est ainsi que la plus grande pomme de discorde entre les organisateurs officiels et les agences de voyage a toujours été ce fameux débat sur les logements. Où trouver les logements indiqués pour satisfaire au séjour des pèlerins, qui doit négocier pour éviter les soupçons de corruption ? Question pour un champion.

L’an surpassée, souvent insatisfaites des logements choisis par les officiels de la CNH, les agences ont pris sur elle de jouer un rôle dans ce domaine. Elles sont allées même jusqu’à verser en garantie 100 millions de CFA pour mettre la main sur des logements qui ont fini par faire l’unanimité. Cette année là, les logements retenus appartenaient à un arabe proche de l’ Imam Bin Idriss Malam Tâïrou , un des responsables des agences de voyage de la place. Une fois, nous avions eu à donner des informations précises sur la corruption dans les logements au détriment de l’organisation. Mais rien n’a été fait pour corriger ou inquiéter les auteurs. Les informations sur des commissions faramineuses ont circulé, mais aucune autorité n’a pris sur elle de vérifier l’information et de punir les intéressés qui, pourtant, avaient bel et bien exagéré.

Les pèlerins Togolais pour le Hadji, Mecques | Photo / Archives : Le Rendez-Vous
Les pèlerins Togolais pour le Hadji, Mecques | Photo / Archives : Le Rendez-Vous

L’an passé, les agences ont voulu réitérer le coup. Elles ont avancé 50 millions de nos francs au même logeur dans l’espoir de garantir le logement. Mais, fort des soupçons et de méfiance réciproques, ce logeur, toujours proche de Bin Idriss, bien qu’il ait déjà encaissé 50 millions des agences à titre d’avance, a perdu le marché. L’année passée donc, plusieurs délégations se sont succédé pour trouver un logement adéquat. Finalement, les logements négociés par le ministre Yark ont été retenu malgré les murmures des agences. Le nouveau prestataire étant différent du logeur de l’année passée, les 50 millions versés en avances, ne pouvant être restitués par le logeur proche de Bin, il se fait que cette année, les agences ont souhaité loger les Togolais avec ce propriétaire afin de récupérer les 50 millions. Mais une fois encore, aux dernières informations, ce logeur a perdu le marché. Un autre est choisi pour héberger les Togolais à 2.200 Riyals par place. Quelle est la nature des logements de ce prestataire ? Est-il que ces 50 millions risquent de passer par perte et profit au détriment des agences. Voici ce que l’on perd quand on ne travail pas en équipe.

Lorsque nous écrivions pour dénoncer la corruption exagérée dans les logements des pèlerins, l’autorité nationale et même les responsables des agences auraient pu prendre sur eux de voir clair et de punir les coupables. Mais au nom des affinités, on se tait et les dérives prospèrent. On fonctionne de façon sournoise : si c’est tel qui doit proposer tel service, il faut le rejeter. Et pourtant, on a eu l’occasion de voir clair. Les 50 millions avancés sont depuis là devenus une dette pour les agences de voyage. La commission nationale de son côté ne fait rien pour les aider à récupérer ces sous qui ont d’ailleurs été versé sans l’aval de la cette dernière. Et pourtant, tous disent travailler pour le hadj togolais ? Drôle de collaboration nationale ! Ce sont les mêmes divergences qui ont obligés l’Etat à intervenir, mais dommage.

Les représentants des agences sont allés verser de l’argent au logeur sans l’aval de la CNH ; celle-ci fait semblant d’ignorer qu’il y a cette situation à résoudre. Drôle désordre ! Ceci n’est qu’un exemple parmi tant d’autres. Cette année, il faut tout de même tirer un coup de chapeau aux agences qui ont lutté pour que les frais du hadj ne soient pas revus exagérément à la hausse. Malgré elles, le prix a flambé. Les autorités officielles, sans nul doute, ne savent pas encore que ceux qui manipulent les chiffres, allant d’un certain Bandifoh, au SG Négblé pour aboutir au comptable Edoh du ministère de l’administration territoriale, des calculs intéressés ont du se faire. Ces calculs justifient la flambée du prix du hadj, le Ministre Yark et ses collègues peuvent mettre de l’ordre dans le désordre de leur comptabilité.

Les aberrations

Nous avons, par exemple, du mal à accepter que les frais de roulement de la CNH soient payés par les pèlerins. C’est dire que la commission retient pour son fonctionnement 60 000 000 FCFA sur 1500 pèlerins. Dans la rubrique ayant fixé le prix du hadj, le dollar est aussi surévalué à 635 FCFA alors qu’il tourne actuellement autour de 600 FCFA. Que ce soit le pèlerin qui paie pour les frais de transfert et les agios bancaires alors que la CNH travaille avec une banque étatique qui est la BTCI est tout simplement aberrant quand on sait qu’il existe des pays ou l’Etat subventionne une partie des frais du hadj pour les pèlerins, de grâce.

Bref, il est encore possible de faire quelque chose pour aider les candidats à ce voyage, nous avons à notre niveau une liste de pèlerins qui ont, par exemple, renoncé au voyage juste parce que le prix du voyage est majoré de 300 000 FCFA. C’est alors à juste titre que, d’après nos informations, le collectif des agences de voyage, l’ENAVOTH, a encore une fois, introduit une doléance pour demander la révision à la baisse des frais du hadj auprès de la commission nationale. Une baisse de 100 000 FCFA a finalement été octroyé alors on peut mieux faire. Mais tout de même chapeau bas à la CNHD et de grâce, que les organisateurs s’entendent pour que le pèlerin n’endosse pas les pots cassés.

Source : [20/08/20215] Le Rendez-Vous No. 256