Ugo Chukwudi se tourne les pouces et s’ennuie à mort dans son restaurant à Abuja. Depuis le début du Ramadan, il n’a presque plus de client. La baisse de son chiffre d’affaires est telle que Ugo Chukwudi a été obligé de réduire d’au moins 75 pour cent le nombre de repas qu’il servait quotidiennement à ses nombreux clients.

Même désarroi pour Ijjé Alabi, gérante d’un espace de loisirs. Son établissement n’attire presque plus de clients, depuis qu’une bonne partie de ses compatriotes musulmans ont entamé le jeûne. On ne peut plus déçue, elle lâche :  »C’est d’autant plus difficile que même les chrétiens ne viennent plus au jardin. Beaucoup d’entre eux ont des amis musulmans et avaient l’habitude de venir passer du bon temps ensemble ».

Loin d’être des cas isolés, les infortunes de Ugo et de Ijjé sont actuellement le lot quotidien de tous les gérants de bars et lieux de loisirs au Nigeria qui subissent de plein fouet les dommages collatéraux de l’abstinence des musulmans à boire et à manger, du lever au coucher du soleil, pendant un mois.

Et à entendre d’autres Nigérians, les plaintes sont loin de s’estomper. En effet, les non musulmans renâclent au sujet du renchérissement des produits de première nécessité, une situation qu’ils mettent sur le dos des jeûneurs qui, en s’approvisionnant fortement, ont provoqué la flambée des prix.

Quelques jours avant le début du Ramadan, de nombreux musulmans avaient pris d’assaut les marchés pour faire leurs provisions en nourriture. D’où la montée en flèche dans la plupart des marchés de Lagos des prix de certains produits comme la tomate, le poivron et le piment.

Ainsi, le grand panier de tomates qui se vendait habituellement à 15.000 nairas dans les marchés d’Iddo et de Whitesand, s’échange actuellement à 28.000 nairas. Le panier moyen de poivre frais ( tatashe ) coûte maintenant 16.000 nairas contre 10.000 nairas avant le début du Ramadan. Dans le même temps, le baril de 20 litres d’huile végétale est passé de 6.200 nairas à 9.300 nairas et le sac de 50 kilogramme de riz  »Caprice » de 8500 nairas à au moins 12.000 nairas, dans la plupart des marchés à Abuja.

Le prix du sac de 120 kg de haricots est passé de 24.500 nairas à 36.000 naira là où, au marché Wuse d’Abuja, le prix du seau de grains blancs a doublé en passant de 6.000 à 12.000 nairas. Il en est même jusqu’aux boissons qui ont été majorées entre 35 et 50 pour cent de leur prix habituel.

Selon Mohammed Tijani, commerçant, la flambée des prix du haricot est due à la demande accrue de ce produit très prisé pendant le mois de Ramadan.

 »Les prix des marchandises ne cessent de monter en flèche en raison de la forte demande en période d jeune », dit-il ajoutant que beaucoup de familles achètent du haricot pour faire du  »moi-moi ou akara » avec lequel elles rompent leur jeûne le soir.

Selon Mme Tina Nzeribe qui est venue faire ses provisions, le poivre est trop cher.  »Le plantain et l’igname sont maintenant des produits hors de ma bourse. Trois petits morceaux de banane plantain à 200 nairas c’est inacceptable ! », s’emporte-t-elle.

Interrogé, Alfred Omoregie, pasteur d’une Eglise à Abuja, s’est tout simplement demandé pourquoi les musulmans stockent autant de nourriture pendant le mois de Ramadan.

Stephen Ukabiala, un travailleur à Abuja, dénonce cette accumulation et souligne que les non musulmans comme lui en sont les principales victimes du fait qu’ils ont de la peine à se nourrir convenablement..

L’Imam Rauf Adelabu estime, lui, que cette forte demande pour les denrées alimentaires est due au fait que beaucoup de musulmans veulent avoir des repas copieux pendant ce mois de jeûne.

Par ailleurs, il met l’augmentation des prix sur le compte de la cupidité des commerçants qui profitent de la situation, convaincus qu’ils sont que les musulmans s’approvisionneront à n’importe quel prix.

Anticipant la flambée habituelle des prix des denrées alimentaires, les gouvernements de nombreux Etats notamment ceux du nord majoritairement musulman ont acheté d’importantes quantités d’aliments en vue de les offrir aux populations démunies.

Source : [30-06-2015]   Apanews