La Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication (HAAC) est en passe de disposer d’un nouvel effectif pour les cinq prochaines années.

Vice Président sortant de la HAAC, Djagou Balogou Donko | Capture d'écran : Togovisions
Vice Président sortant de la HAAC, Djagou Balogou Donko | Capture d’écran : Togovisions

Mais s’il est vrai que la HAAC est une institution constitutionnelle, faisant d’elle une institution régalienne dont la légalité et les pouvoirs restent incontestables, il n’en demeure pas moins vrai qu’elle doit aussi se plier au respect des textes sur la base desquels elle fonctionne. Or, au vu des récentes prises de décisions du reste des membres en pleine période transitoire, il apparaît que certains, non assurés de demeurer dans la prochaine équipe, tentent de tirer leur épingle du jeu. L’âme de son défunt président doit se retourner là où elle se trouve en ce moment.

Nécessité d’une redéfinition des critères de nomination des membres

En juin prochain, neuf nouveaux membres devront présider aux destinées de la Haute autorité de l’audiovisuel et de la communication (HAAC). On dit souvent que l’obéissance à la loi qu’on s’est prescrite est liberté, mais si des membres de cette institution, pour on ne sait quelles raisons, outrepassent les textes qui régissent son fonctionnement, comment peuvent-ils amener les acteurs des médias à respecter les prérogatives de la HAAC ?

Le 3 juin 2011, les neuf membres de la HAAC ont prêté serment devant la Cour constitutionnelle et pris fonction le 25 juin. Et en vertu de l’article 18 de la Loi organique du 15 décembre 2004, le règlement intérieur existant a été signé depuis le 19 septembre 2005, lequel règlement organise et définit le fonctionnement de la HAAC. Mais lorsqu’on s’est amusés à retrouver l’intégralité de ce règlement intérieur, pas moyen d’accéder aux règles de fonctionnement de l’institution. Le lien renvoyant à l’intégralité des textes est inactif, ce qui rend quasi impossible toute possibilité de suivre les actes posés par les membres de ladite institution. Comme ceux pris le 12 avril 2016 par le Vice-président, Djagou Balogou Donko.

En effet, il a été signé un dossier d’appel d’offres pour l’autorisation d’installation et d’exploitation de sociétés de distribution de bouquets de programmes audiovisuels en mode numérique terrestre à Lomé et à l’intérieur du pays. L’appel d’offres se base sur l’article 24 de la loi organique n°2004-021 du 15 décembre 2004 et ses modifications et envisage d’étendre l’espace médiatique audiovisuel par l’autorisation d’installation et d’exploitation de sociétés privées commerciales de distribution de bouquets de programmes audiovisuels en mode numérique terrestre. Et dans ce dossier, aucune offre financière ne doit être inférieure à 40 millions de FCFA. L’avis d’appel d’offres est visible dans la parution n°9772 du 19 avril dernier de Togo Presse.

Bien que n’ayant pas trouvé tout le contenu du règlement intérieur de la HAAC, nous avons approché des membres qui, sans savoir les raisons pour lesquelles nous nous intéressions au fonctionnement de l’institution, nous ont confié qu’à trois mois de la fin de mandat d’un bureau sortant, aucune décision engageant l’institution ne pourrait être prise, sauf par le nouveau bureau.

Actuellement, le corps de l’actuel président de la HAAC n’a pas encore trouvé de jour pour le repos éternel et gît toujours dans une morgue. Et bizarrement, c’est après le décès du premier responsable qu’une telle décision qui engagera la HAAC certainement pour des décennies, se prend. Qu’est-ce qui presse avec la direction intérimaire ? Peut-on confondre cette importante décision à une « affaire courante à évacuer » ?

L’Autorité de réglementation des secteurs des postes et télécommunications (ART&P) a l’obligation de veiller aux conditions de lancement desdits marchés, étant entendu que ce sont les fréquences de l’Etat qui seront utilisées. Elle pourrait peut-être prétexter la méconnaissance du règlement intérieur qui interdit à la HAAC de poser des actes similaires à celui du 12 avril par le Vice-président. Mais restera-t-elle inactive et autorisera-t-elle ce marché à se poursuivre ? On attend de voir.

Qu’une seule personne se permette d’outrepasser les textes existants est une chose, mais que les autres membres réagissent par un silence assourdissant, relève d’une complicité tacite qui ne dit pas son nom. Ce qui pose le problème de la représentativité au sein de la HAAC.

La HAAC a pour mission entre autres de garantir et assurer la liberté et la protection de la presse et de tous moyens de communication de masse dans le respect de la loi ; de veiller au respect de la déontologie en matière d’information et à l’accès équitable des partis politiques, des associations et des citoyens aux moyens officiels d’information et de communication ; de garantir l’utilisation équitable et appropriée des organismes publics de presse et de communication audiovisuelle par les institutions de la République, chacune en fonction de ses missions constitutionnelles et d’assurer le cas échéant, les arbitrages nécessaires ; de garantir l’éveil juridique en période électorale. Autant de bonnes intentions qui ne pourront se traduire que dans un univers qui tende vers l’équité. Mais savez-vous que sur les neuf membres, seuls deux ont le droit de penser autrement ?

Sur les neuf membres, il se trouve qu’hormis celui coopté par l’opposition et le journaliste soutenu par celle-ci, tous les autres sont issus de la majorité. Comment l’accès équitable peut-il être assuré avec pareil déséquilibre ? Aujourd’hui, par rapport au paysage sociopolitique, un remodelage des textes devant concéder au moins un siège en plus à l’opposition s’impose pour une HAAC plus représentative. Car rien ne dit que le parti au pouvoir aujourd’hui ne se retrouvera jamais dans la position actuelle d’opposition. Et à ce sujet, un compromis du chef de l’Etat avec le chef de file actuel de l’opposition ne serait point de la compromission, mais une réponse à l’urgence d’une redéfinition des quotas au sein de l’institution.

Dans quelques semaines une nouvelle équipe prendra fonction. Le dépôt des candidatures a été clôturé et on apprend qu’ils seront plus de la quarantaine à briguer les postes de membres. Que pensent les futurs candidats de cette pratique qui fait qu’une ancienne équipe prenne encore des largesses pour poser des actes qui engagent l’institution à quelques semaines de la fin de sa mission ? Volonté de « tisser l’ancienne corde au bout de la nouvelle » et non le contraire comme cela se fait dans les conditions normales de pressions et de températures, ou envie de se lécher les doigts par une dernière prise de décision antiréglementaire?

Source : Abbé Faria, Liberté