Affaires pénales transformées en business, phénomène des démarcheurs. La justice fait souffrir les populations. Rançon de 50.000 FCFA avant toute libération de détenu

La ville de Vogan est le chef-lieux de la préfecture de Vo, un des 5 préfectures de la région maritime (avant le frauduleux découpage actuellement en cours )  | Carte / Archives : 27avril.com
La ville de Vogan est le chef-lieu de la préfecture de Vo, une des 5 préfectures de la région maritime (avant le découpage frauduleux actuellement en cours ) | Carte / Archives : 27avril.com

« Le peuple au nom duquel la justice est rendue », telle est la formule consacrée souvent prononcée par les magistrats lors du prononcé de sentences. Dans la préfecture de Vo, la population ne se retrouve malheureusement plus dans les décisions de justice. Légèretés dans les décisions et procédures, Abus de toutes sortes, surtout avec le phénomène des « démarcheurs » à la solde des hommes en toge, banalisation des affaires pénales qui constituent des fonds de commerce pour ceux qui sont censés dire le droit.

Que ce soit Akoumapé, Amegnran, Hahotoé, Togoville ou Vogan, les populations vivent dans la peur du fait de la prolifération des actes délictueux et criminels, et à cause de ce qu’est devenue « leur justice ». Ceci est un cri de cœur des justiciables qui ne veulent plus souffrir dans leur chair.

S’il est un magistrat que les populations de la préfecture de Vogan doivent regretter, selon les témoignages recueillis, c’est bien M. Aba Julien, actuellement en poste à Atakpamé. Car avant lui, que ce soit Sela Polo, Letaba Cyrille ou le juge Folly, aucun de ces hommes en toge n’a laissé de souvenirs impérissables aux administrés. Pendant que l’un rançonnait les justiciables avec des chèvres et autres présents en nature l’autre utiliserait l’interprète pour collectionner des enveloppes auprès des parties en conflit.

Un parent d’une victime nous a rapportés que dans une affaire où le juge Folly avait procédé à un double rançonnage et dans laquelle une partie a versé 50.000 FCFA, mais a découvert la roublardise du juge, il a fallu un harcèlement de l’interprète qui ne dormait plus, parce qu’ayant aussi le feu aux trousses, avant que ce juge, bien qu’ayant été affecté, ne concède à rembourser la somme indûment perçue.

Après le départ du juge Aba Julien, la situation de la justice à Vogan a évolué. Mais malheureusement dans le mauvais sens du droit. Les magistrats exercent-ils des fonctions libérales qui leur procurent quotidiennement de quoi survivre, ou bien sont-ils rétribués mensuellement ? A Vogan, il se déroule un défilé quotidien des percepteurs de structures de microfinance. Les magistrats sont abonnés aux tontines. Des citoyens se demandent si ce ne sont pas les produits des rançons de tous genres qui leur permettent ces genres d’épargne. Il nous est rapporté qu’un greffier avait l’habitude d’épargner 2.000 ou 3.000 FCFA par jour. Or chacun connaît le traitement salarial d’un greffier.

La gestion des affaires pénales, couplée au phénomène des « démarcheurs » constituent des plaies dont les populations souffrent, et les magistrats ont du mal à guérir dans la préfecture. Les démarcheurs ne sont point ceux dont on entend parler. Eux, ce sont ces citoyens qui jouent aux entremetteurs au tribunal, dans les commissariats et les brigades. Ils ont pour « mission », d’approcher les parties en conflit et de leur proposer leurs « services » afin que le droit soit de leur côté. Mais les témoins et victimes abordés nous ont expliqué que le plaignant est moins facturé, et c’est l’accusé, se sachant coupable et voulant se soustraire au droit, qui débourse le plus.

Et malheureusement, « l’argent étant le nerf de la justice à Vogan », les décisions rendues par ce tribunal et ses responsables laissent plus d’une victime sur sa faim. Des noms de démarcheurs, on en a recueillis et chaque localité avec son démarcheur :

  • Gnavo à Togoville,
  • Donou, directeur d’école à Amegnran,
  • Kpossou François à Vogan.

A en croire nos sources, ils font des allers-retours entre le tribunal, les brigades et les commissariats ; certains finissent par croire qu’ils y travaillent. Le Procureur de la République Kusiaku Agbenossi pourra-t-il dire le contraire ?

Le procureur de la république  véreux à Vogan, le sieur Kusiaku Agbenossi (d) et un couple victime d'un criminel que le procureur à relâcher dans des conditions mistérieuses | Photo : La Nouvelle
Le véreux procureur de la république  à Vogan, le sieur Kusiaku Agbenossi (d) et un couple victime d’un dangereux criminel récidiviste que le procureur à relâcher quelques jours plutôt dans des conditions mystérieuses | Photo : La Nouvelle

Dans la procédure normale de gestion des dossiers surtout pénaux, s’il est reconnu au Procureur de la République la discrétion de déposer un prévenu, il revient au juge d’instruction d’être saisi par le Procureur afin qu’il instruise le dossier. Malheureusement, qu’il s’agisse de viols, de violences, d’incendies ou de blessures volontaires, le procureur enjambe la procédure et gère ces dossiers à son seul niveau. Comment peut-on par exemple expliquer qu’un prétendu père de famille qui viole et engrosse sa propre fille, n’ait pas été déféré ? Vous avez dit « la justice selon Kusiaku Agbenossi » ? On vous le concède, car les faits parlent d’eux-mêmes.

Parlant de déferrement à la prison civile de Vogan, savez-vous que tout prisonnier qui finit de purger sa peine, doit verser ou faire verser dans le bureau du Procureur une « caution » de…50.000 FCFA avant de recouvrer sa liberté ? Il nous a été rapportés qu’en 2014, dans une affaire En cas de doute sur ces révélations, les gardiens de la prison de Vogan qui seraient aigris contre cette façon de « rendre la justice au nom du peuple », mais sont tenus par on ne sait quel secret, en savent plus que quiconque.

En 2014, le Procureur, suite à une affaire dans le village de Houlokoé opposant des frères d’une même famille à une de leurs sœurs et pour laquelle ceux-ci auraient pris la clé des champs, a fait arrêter un autre frère des fugitifs revenu du Ghana s’enquérir de ce qui se passait ; le Procureur ne l’aurait relaxé qu’après que celui-ci a pris en charge tous les frais de médicaments et lui a versé 150.000 FCFA. On apprendra plus tard que cette façon de faire était préméditée.

Puisque dans le même temps, à Anyrokopé, des auteurs reconnus d’avoir agressé mortellement sept personnes, ont été relaxés quelques mois plus tard sans que ceux-ci se soient occupés des blessés dont certains sont toujours sans soins à ce jour. Vous avez dit deux poids deux mesures ? Des investigations du ministre ou de l’inspecteur général des services judiciaires et pénitentiaires édifieraient tout le monde.

Des dossiers en souffrance du fait des humeurs du Procureur de la République de la ville de Vogan ou de son bon vouloir, il en existe à profusion.

En juin 2013, suite à un litige foncier à Kponou Attissogbé, des menaces de mort avaient été proférées contre un fermier et bien que le préfet eût été informé, les auteurs n’avaient pas été inquiétés, et le mois suivant, toute la ferme avec les animaux qui s’y trouvaient avait été volontairement incendiée. Comment ce dossier d’incendie volontaire a été géré par la justice ? A en croire des témoins, les auteurs dont le nommé Kpoézou Kokouvi ont été arrêtés puis libérés huit mois plus tard, sans que les dommages causés à la victime ne soient pris en compte. Et depuis le procès qui devrait aurait dû se tenir en avril 2014, rien n’a bougé et les auteurs sont libres. Pour le Procureur Kusiaku Agbenossi, la liberté est la règle et la détention, l’exception. Comment alors les malfaiteurs ne se sentiraient-ils pas encouragés dans cette localité où se multiplient des actes criminels ?

Des auteurs ragaillardis ? Oui, c’est le cas du nommé Kpoézou Kokouvi dont le nom est revenu dans une autre affaire.

Le 26 septembre 2014, soit cinq mois après que le procès prévu dans l’affaire de l’incendie criminel à Kponou Attissogbé ne s’est pas tenu, revoilà le malfrat en liberté dans une autre affaire de vol à mains armées. A Klologo Kpodji, un groupe armé de pistolet artisanal et autres armes blanches ont attaqué la famille Tamessé Atoukouvi dans leur sommeil. Le mari a eu la tête fracassée à coups de machettes et sa femme aussi, en plus d’avoir un bras cassé à coups de barre de fer. Voulait-on en finir avec eux ? Bien que trois des malfrats reconnus par les victimes aient été arrêtés après l’intervention du ministre Yark Damehame, du président de la Cour constitutionnelle et de l’inspecteur général qui ont reçu la visite des victimes alors que les blessures étaient encore vivaces, figurez-vous que le Procureur et le juge d’instruction ont procédé à la relaxe des trois prévenus identifiés après 4 mois, 6 mois et 1 an de prison. Sans que les frais de médicaments aient été pris en charge, sans qu’il y ait eu procès. Le comble, c’est lorsqu’on a appris que le Procureur Kusiaku Agbenossi a convoqué les victimes pour savoir celui qui a amené cette affaire à Lomé.

Dans une affaire plus récente de vol avec menaces intervenue en octobre 2015 à Attissogbé dans le canton de Vo-Koutimé, il nous a été rapporté que la victime qui est directeur d’école a retrouvé la menace laissée par les voleurs : « préparez-vous à mourir, M. le directeur ». Un des voleur reconnu et interpellé a reconnu les faits et cité les noms de ses acolytes. Mais au tribunal, le prévenu a prétexté la surdité-mutité. Et du haut de sa personne, un juge a prononcé sa relaxe alors que c’est lorsqu’il a appris son déferrement prochain, qu’il a commencé à développer « sa maladie ». Vendredi dernier, l’affaire devrait connaître sa suite, mais comme on pourrait le deviner, aucun membre de la partie accusée ne s’est présenté à l’audience.

Voilà comment dans une préfecture qu’on est tenté de qualifier de « spéciale », des magistrats disent le droit et laissent en circulation des malfrats aux côtés des victimes. Cherche-t-on à faire de cette localité un vivier du grand banditisme ? « Jamais nomination de ministre de la Justice n’a suscité tant d’enthousiasme et tant d’espoir de par vos qualités indéniables. Que le très haut vous arme de courage pour réformer, pour le plus grand bien de la justice et des justiciables », tels étaient les propos de Me Lawson-Banku Rustico, bâtonnier lors de la rentrée solennelle du barreau togolais.

On veut croire, et on doit avoir toutes les raisons de croire que ces propos ne sont pas que des phraséologies pour distraire les citoyens de ce que doit être une justice dans un pays. Plus tôt le ministre Pius Agbetomey nettoiera les écuries d’Augias, mieux la justice togolaise se portera.

Bon à suivre.

Source : [30/03/2016] Abbé Faria, Liberté