Le phénomène existe depuis des décennies au Togo, mais il prend de l’ampleur depuis un moment. Tous ceux qui empruntent les grands axes de la capitale rencontrent souvent sur leur chemin des hommes et des femmes handicapés qui leur tendent la main, espérant qu’une pièce de monnaie y tombe.

Un jeune mendiant dans une rue quelque part en Afrique | Archives : DR
Un jeune mendiant dans une rue quelque part en Afrique | Archives : DR

Mais depuis un moment, ils deviennent de plus en plus nombreux, ces « mendiants », et on les retrouve un peu partout. Devant les banques, les hôpitaux, dans les gares routières et devant les feux tricolores. A ces personnes handicapées s’ajoutent des étrangers, filles et garçons, mais aussi des adultes qui squattent les rues à la recherche d’âmes charitables.

Si le phénomène de la mendicité est bien connu, beaucoup de personnes commencent à y voir une manière pour ceux qui la pratiquent de joindre les deux bouts sans avoir à travailler. Une vie de parasite, pour ainsi dire. « Cela fait un moment que je ne donne plus de l’argent aux mendiants. Un jour, je revenais d’Adidogomé, et arrivé au niveau du CHU Sylvanus Olympio, une femme m’a abordé me demandant de lui donner de l’argent. La dame m’a dit qu’elle était venue en consultation et qu’il lui manquait de l’argent pour retourner chez elle. J’ai un peu hésité et lorsque je mettais la main à la poche, un homme m’a interpellé pour me dire que la dame n’est pas venue en consultation. C’est son habitude de harceler les passants en inventant une histoire pour les apitoyer. Elle a commencé par insulter le monsieur et j’ai compris que ce dernier avait raison », raconte Yves.

Ce témoignage n’est pas isolé. Pour sa part, un jeune étudiant a vécu une situation embarrassante alors qu’il se promenait un dimanche à la plage de Lomé. « Je ne sais pas ce que ces gens voient en moi, mais j’avoue qu’ils me dérangent trop. J’étais un jour à la plage quand une petite fille est venue se pointer devant moi, les mains tendues. Je savais qu’elle demandait de l’argent, mais j’ai fait semblant de ne pas comprendre. J’avoue que j’ai eu toutes les peines de ce monde à me débarrasser d’elle. En fait, elle s’est agrippée à moi et j’ai fini par lui donner ce qui me restait pour mon transport. J’étais indisposé parce qu’elle s’est accrochée à moi comme une femme à son amant », explique-t-il.

Ces petits filles et garçons sont de plus en plus nombreux dans la capitale, surtout sur le Boulevard du 13 janvier au niveau de la place Décon. Il y a quelques jours, nous avons vécu une scène qui a ému tous ceux qui en étaient témoins. Alors que le feu rouge s’est allumé et les usagers avaient posé pieds à terre, une petite fille court vers un jeune homme qui était à moto. Elle lui tendit la main, mais le jeune homme n’avait pas répondu favorablement. Il attendait désespérément que le feu vert s’allume et le libère. Mais quelle ne fut sa surprise, la petite fille voyant le feu s’allumer s’agrippe au jeune homme, l’empêche de partir. Il s’en est suivi une pluie de klaxons pour que le jeune homme libère la voie. Malgré les multiples interpellations la fillette n’a pas lâché prise. Une autre personne est intervenue pour lui débarrasser de la fillette en lui glissant une pièce d’argent dans la main.

Cette scène est de plus en plus récurrente sur cet axe routier. Selon des recoupements auprès des vendeurs à la Place Décon, cette scène que nous avons décrite n’est pas la première et se produirait régulièrement. « Ce n’est pas la première fois que ça se passe ainsi. Les enfants-là sont ici tous les jours et importunent les passagers qui sont souvent obligés de donner quelque chose avant de partir. C’est vraiment désolant de se faire rançonner par ces enfants qui ont été impliqués dans la mendicité par leurs parents. Quand j’arrive ici chaque matin, ils sont déjà là. Ils se positionnent sur le trottoir ou sur les terre-pleins centraux et attendent que le feu rouge s’allume. Ils circulent entre les véhicules et quand certains conducteurs ne les regardent pas, ils tapent sur les vitres pour les interpeller. Chaque jour, c’est le même spectacle », relate un jeune vendeur d’accessoires de véhicules.

Si ceux qui font leurs activités à la place Décon ne réagissent pas, ce n’est pas faute d’être mécontents. Ce qui les inquiète, c’est l’acharnement avec lequel ces enfants demandent de l’argent aux passants. Aussi, un jeune homme a-t-il été littéralement renversé par une petite fille qui lui demandait de l’argent. « C’est dangereux, ce que font ces enfants parce que cela peut causer des accidents si les conducteurs ne savent pas s’y prendre. Un jeune a eu une mésaventure avec l’une de ces fillettes. Il s’est arrêté quand le feu rouge s’est allumé et un enfant est venu lui tenir le bras. Le gars était surpris et s’est retrouvé par terre. Heureusement qu’il n’a rien eu comme blessure. De la même manière, ces enfants mettent leur vie en danger en faisant la manche. Ils peuvent être victimes d’accident. Même quand on les renvoie, ils reviennent », poursuit le jeune homme.

L’autre aspect du phénomène est que les Togolais restés longtemps un peu en marge de cette activité s’y adonnent également. Ils sont de plus en plus nombreux à mendier leurs pains, à tous les coins de rues.

Source : Géraud Afangnowou, Liberté