La justice togolaise est très secouée en ce moment, du fait du jusqu’auboutisme du président de la Cour suprême et président du Conseil supérieur de la magistrature, Akakpovi Gamatho.

Le président de la Cour suprême et président du Conseil supérieur de la magistrature, Akakpovi Gamatho | Photo : Archives
Le président de la Cour suprême et président du Conseil supérieur de la magistrature, Akakpovi Gamatho | Photo : Archives

Et si aucune disposition n’est prise pour arrêter l’hémorragie, ce sont les justiciables qui sauront véritablement le vrai visage de ceux qui disent incarner le droit et ne cessent de proférer le respect des règles d’éthique et de déontologie. Si hier, certains accordaient un brin de crédibilité aux actes pris par ce président dans l’affaire du navire Versina qui a servi de prétexte pour écarter un juge teigneux, les derniers rebondissements viennent indiquer qu’Akakpovi Gamatho dit tout, sauf le droit. Il revient au premier magistrat et à l’ordre des avocats du Togo de prendre la mesure du danger et d’arrêter qu’une seule personne n’écorne davantage l’image de la justice togolaise.

S’il n’en tenait qu’au bon vouloir du président de la Cour suprême, sans considération du droit et de la morale, l’avocat Dossou Kodjovi Gilbert reprendrait service et continuerait d’exercer son métier. Bien qu’il soit mouillé jusqu’aux cheveux dans l’affaire du navire Versina. Comme quoi, lorsque vous avez à vos côtés Akakpovi Gamatho, vous êtes sûr d’avoir gain de cause. A moins que l’ordre des avocats ne tape du point sur la table et s’affirme : trop c’est trop.

Beaucoup croyaient cette affaire finie. N’eut été la récente décision du président de la Cour suprême en la personne d’Akakpovi Gamatho, certainement qu’on en parlerait qu’au passé. Nous apprenons que pour une seconde fois, le président de la Cour suprême vient de prendre un sursis contre la suspension de l’avocat Dossou Kodjovi Gilbert. Comment ? Lisez plutôt.

Dans notre parution N° 2246 du 1er août 2016, nous avons relaté avec force détails les dessous de la cabale qui vaut au président de la Cour d’appel de Lomé sa suspension depuis le 10 août dernier. Dans ce dossier, l’ordre des avocats avait, après avoir écouté l’avocat indélicat, pris une décision de radiation de l’ordre. Mais des informations qui nous sont parvenues font état de ce qu’après avoir reconnu les faits retenus contre lui, l’avocat Dossou Kodjovi Gilbert s’était engagé à rembourser le reste du montant gardé par-devers lui, soit précisément 351.346.550 FCFA. C’était en juin dernier, devant des magistrats de la Cour d’appel et du barreau togolais.

Comment le président Akakpovi Gamatho peut-il encore lui permettre de formuler un pourvoi pour ensuite lui donner raison, si lui-même n’a pas un poids sur sa conscience qui l’oblige à prendre fait et cause pour cet avocat ? « On peut prendre de l’argent pour un service rendu, mais lorsque l’évidence se fait jour, il faut avoir le courage de signifier à celui qui vous a corrompu que trop c’est trop », nous a confié un avocat rencontré à la Cour d’appel hier.

Un délai de 6 mois lui a été donné pour s’en acquitter. Aussi, l’ordre avait-il tenu compte de son engagement à honorer sa parole et a requalifié la décision de radiation en suspension de 3 ans des activités d’avocat. Mais son mentor, Akakpovi Gamatho ne l’entend pas de cette oreille. C’est ainsi que suite à un pourvoi introduit auprès de lui par l’avocat, le président de la Cour suprême prend (encore) un sursis à l’exécution de la décision de suspension prise par l’ordre des avocats. En français facile, la Cour suprême autorise cet avocat indélicat à continuer d’exercer son métier !

Eh oui, lorsqu’une seule personne transforme la justice en épicerie, voilà le résultat qu’on obtient. Ceux qui connaissent le parcours de cet avocat croient dur comme fer que le président de la Cour suprême n’aurait pas agi de façon bénévole. Informé, un président de tribunal contacté nous a confié à la fin : « Que Dieu le Tout Puissant protège le juste et l’honnête. C’est bizarre, c’est à s’interroger s’il n’a pas bouffé cet argent avec ce malhonnête avocat ». Lorsqu’on se rappelle que c’est sans preuve que le président a réussi à écarter le juge Sronvie de la tête de la Cour d’appel, il est facile pour tout citoyen de l’accuser, lui aussi, d’avoir pris part au partage du gâteau. Sa dernière décision en est la preuve.

S’il est aisé au président de la Cour suprême de défaire les décisions des ordres et des cours inférieures, on comprend aisément que l’homme se soit permis de suspendre le président de la Cour d’appel pour des motifs tirés par les cheveux. Mais l’ordre des avocats assistera-t-il au feuilleton Dossou Kodjovi Gilbert sans réagir ? Ailleurs, ils ont manifesté pour se faire entendre.

Hier, l’inénarrable avocat s’est présenté à la cour d’appel, vêtu de sa toge, comme si de rien n’était, convainc que rien ni personne ne pourra rien lui dire. On se demande l’image que le président de la cour suprême voudrait que les justiciables aient de la justice togolaise, lui qui a les termes d’éthique et déontologie comme ritournelle sur les lèvres.

Rappelons que l’ordonnance qu’il accuse Olivier Sronvie de n’avoir pas rédigée avait déjà donné lieu à un sursis de sa part en 2014. Lui et son protégé pourront savoir les raisons pour lesquelles Me Dossou revient sur ça en 2016.

Pour ceux qui ignorent les tenants de cette affaire dans laquelle s’illustre tristement le président de la Cour suprême, il suffit que les lecteurs se réfèrent à ce que nous avions écrit le 1er août dans la parution N° 2246. Et si certains lecteurs arrivent à déterminer la couleuvre que l’avocat a fait avaler au président, prière nous contacter pour nous instruire. Et si la démarche pour rétractation du sursis du président n’aboutissait pas, la justice togolaise étant ce que nous connaissons, cet avocat pourra-t-il encore défendre des causes, lui qui s’est si tristement illustré ? Attendons de voir. Soit dit en passant, Dossou Kodjovi Gilbert n’a pas maille à partir qu’avec ce dossier. Sous peu, les lecteurs sauront l’étendue des démêlés du protégé d’ Akakpovi Gamatho avec la justice togolaise.

Source : Abbé Faria, Liberté N°2302 du Jeudi 20 Octobre 2016