Aussitôt admise à la retraite, l’ex présidente de la Cour de Justice de la CEDEAO, Awa Nana-Daboya est remise en selle dans son pays par Faure Gnassingbé qui en a fait « Médiateur de la République et présidente du Haut Commissariat à la réconciliation et au renforcement de l’Unité nationale ». Le HCRRUN, sigle long et compliqué, contenu vide et trompeur. Pour échapper aux réformes, Faure Gnassingbé, en bon dribbleur, a recours à une magistrate de course et fait d’elle la présidente d’une nouvelle commission appelée cette fois-ci à plancher sur la faisabilité des réformes constitutionnelles et institutionnelles. Bienvenue dans le Labyrinthe du Prince!

Gnassingbé Eyadéma (g), Awa Nana Daboya (c) et Faure Gnassingbé | Photo ; Archives / 27avril.com
Gnassingbé Eyadéma (g), Awa Nana Daboya (c) et Faure Gnassingbé | Photo ; Archives / 27avril.com

Derrière ce micmac indicible, on découvre encore une fois la roublardise légendaire du RPT/UNIR visant à flouer les Togolais. Dame Awa Nana, brillante magistrate? Peut-être. Politiquement, elle n’inspire rien de bon et de sérieux chez bon nombre de nos compatriotes, Awa Nana est en effet le symbole de la lâcheté et du népotisme. Elle provoque, lorsqu’on fouille dans ses records, du dégout et de la répugnance. Les chances de succès de cette dame dans la nouvelle mission qui lui est confiée sont quasiment nulles en raison de sa propre personnalité. Elle n’est pas crédible. Elle a des comptes à rendre aux Togolais. Que s’est-il réellement passé le 23 juin 1998, deux jours après l’élection présidentielle qui avait connu une forte mobilisation de la population décidée à faire partir le satrape qui régentait la vie des Togolais depuis déjà trois décennies.

Bref rappel : Awa Nana, à l’époque, occupait la fonction de Présidente de la Cour d’appel, et présidait la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) ès-qualité. Elle était donc tenue de proclamer les résultats de l’élection présidentielle au cours de laquelle, Gnassingbé Eyadéma, laminé dans les urnes, est battu à plate couture par son rival Gilchrist Olympio. Aux vues des chiffres et devant l’ampleur de l’échec de son bienfaiteur, l’ubuesque Gnassingbé Eyadéma, dame Awa Nana-Daboya prit peur. On ne sait par quelle alchimie, elle décida de démissionner de la présidence de la CENI, laissant libre cours, illégalement, à Séyi Mèmène, ministre de l’Intérieur du satrape, de proclamer son patron vainqueur. On se souvient que les chiffres proclamé dans une première mouture avaient même dépassé les 100%. Les Togolais ont tout vu, tout entendu et tout subi dans leur odyssée démocratique! Difficile d’en oublier les douloureuses péripéties : Il a fallu que le général “sak-o-dos”, Mémène, rectifie ses chiffres le lendemain pour attribuer 52,13% à Gnassingbé Eyadéma et 34,10% a Gilchrist Olympio.

A ce jour, la juge Awa Nana n’a jamais dit, ni dans une interview ni dans une tribune de presse, moins encore dans un livre, la réalité des faits aux Togolais qui ont dû se contenter d’une petite phrase diffuse qu’elle avait laissée avant de disparaître.  »Je suis, avait-elle marmonné, dans l’impossibilité de remplir ma mission dans la sérénité et de déclarer officiellement les résultats dans les delais pévus par le Code. » On n’en saura pas plus. Dame Awa Nana-Daboya a disparu pour réapparaître plus tard à la Cour de Justice de la CEDEAO, un poste douillet déniché pour elle par son parrain, le dictateur Gnassingbé Eyadéma.

De sa démission devant l’ampleur de la débâcle électorale du satrape togolais, il était murmuré que la présidente de la CENI aurait subi d’énormes pressions et intimidations sur sa personne et ses proches provenant de membres influents de l’armée et des barons du RPT. Craignant pour sa vie, elle se serait refugiée momentanément dans son village natal.

Quelles que soient ses grandes qualités de magistrate, l’argument présenté par dame Awa Nana paraît peu convainquant lorsqu’on sait qu’elle était directement nommée à la présidence de la Cour d’appel par le gouvernement et qu’elle était militante invétérée du RPT et de son UNFT. Elle avait joué le jeu de son parti pour disparaître et cautionner la fraude électorale. Par lâcheté. Quelle défense cette dame peut-elle invoquer si, maintenant qu’elle refait surface, on l’accuse d’être celle qui avait empêché le changement de se réaliser au Togo en 1998? Que dirait-elle également si on la rendait responsable, au second degré, des morts et disparus de 1998? Pour rappel, pour se venger de la vérité des urnes, Eyadéma n’avait pas hésité à faire massacrer pour  »ingratitude », disait-il, ses compatriotes dont des corps avaient été largués par hélicoptère en haute mer. Les organisations de défense des Droits de l’homme ainsi que des journaux français avaient à l’époque dénoncé, preuves à l’appui, cette enième bévue de l’ubu national togolais. Si dame Daboya avait eu le courage d’informer la communauté nationale et internationale des vrais résultats de cette élection présidentielle de 1998, elle aurait sûrement bénéficié de protection et Eyadéma n’aurait pas eu l’occasion de faire assassiner, à sa guise, des Togolais par centaines.

Le Médiateur Awa Nana-Daboya continuera de porter le sang des Togolais sur sa conscience aussi longtemps qu’elle ne leur aura pas dévoilé les secrets de ce 23 Juin 1998. Si en lieu et place de ce travail de retrospection, de la livraison au peuple du verdict du tribunal de sa conscience et d’un mea culpa, elle se laisse hisser à la tête d’une suspecte commission des réformes, elle perdra le temps à prêcher dans le désert. C’est ici, à notre sens, qu’il vaut mieux pour elle de démissionner et de rendre tablier. Il faut être crédible et de bonne foi pour réussir ce genre de mission. En se prêtant à ce jeu, Awa Nana-Daboya aura prouvé devant l’histoire qu’elle est résolument indécrottable lorsqu’il est question de la pèrennité de la dictature militaire au Togo. Elle aura mérité le statut d’une véritable et vieille béquille dont se sert le système pour asseoir la domination du peuple togolais. Comme tel, elle représente un danger pour la démocratie.

Quelle différence y a t-il entre la mission que la magistrate a acceptée de conduire et celle déjà effectuée sous la présidence de Monseigneur Nicodème Anani Barrigah-Benissan dans le cadre de la CVJR? Quelle type de régime et de mode électoral Awa Nana-Daboya va t-elle inventer et que la conférence nationale n’avait pas étudié et adopté, en connaissance de cause, avant de proposer au peuple qui l’avait massivement votée ce qui était la LOI FONDAMENTALE de 1992? Awa Nana-Daboya, complice en crimes des Gnassingbé? A elle seule de répondre cette fois-ci à cette question face à la grande opportunité qui lui est offerte pour se dédouaner aux yeux de ses compatriotes.

Mais au cas ou notre Awa Nana manquerait de repères dans l’histoire récente des femmes africaines de courage et d’intégrité morale, il lui faudra alors faire le voyage de Cotonou, pour aller prendre exemple de bravour et de dignité chez l’ancienne présidente de la cour constitutionnelle du Bénin, Mme Pognon Elisabeth, qui avait assis son indépendence et sa réputation sur la loi et le droit dans les années 95. Cette dame, Elisabeth, est rentrée dans l’histoire de son pays par la grande porte, à travers sa célèbre déclaration suivie d’action de poigne quand elle avait dit ses vérités au pouvoir et à la classe politique: “La Cour Constitutionnelle du Bénin ne saurait être un « machin » à la solde des politiciens. Elle ne peut pas être une structure de « course » pour une autorité, militaire soit-elle. Elle ne doit pas non plus rendre service à une autorité au détriment de la volonté du peuple souverain…” Madame la juge Nana-Daboya, cette fois-ci, pour votre dignité et celle de la femme togolaise, il va vous falloir apprendre à faire comme votre Consœur Pognon Elizabeth.

Source : [28/01/2015] Kodjo Epou, Washington DC, USA