Assis à même le sol, sur des herbes et entre deux sillons entourés de plantes de manioc ou d’autres plantes sauvages, bébés, enfants, adolescents, adolescentes, adultes, jeunes femmes et personnes âgées des deux sexes essaient de se faire une nouvelle vie dans la brousse. Ils essaient de continuer à vivre. Quelques paillotes de fortune érigées à la hâte pour protéger les plus vulnérables contre les intempéries de la nature. À d’autres endroits on n’a pas eu le temps d’improviser des huttes de fortune; on s’est contenté de s’abriter sous de gros arbres où des herbes servent de couchettes, livré à la piqûre de méchantes fourmis et surtout à la morsure de serpents venimeux.

Nous ne sommes pas en Europe, aux États-Unis ou en Australie où, fatigués par la vie moderne, certains citoyens de ces continents raffolent de ces randonnées organisées de temps en temps par certaines chaînes de télévision dans la jungle pour jauger l´endurance des participants sans le confort de leur vie quotidienne.

Nous sommes au Togo, plus précisément à Sokodé et à Bafilo, et dans certains villages environnants. Et ces hommes et femmes, accompagnés de leurs enfants dont je viens de décrire la nouvelle vie en haut, sont des citoyens togolais pourchassés par des soldats de ce qui est supposé être leur armée nationale, un corps qui devrait faire la fierté et assurer la sécurité des populations dans des pays normaux.

Au regard hagard exprimant colère, peur et chagrin, ces malheureux ont eu tort de faire confiance à leurs dirigeants politiques qui leur parlaient de fraternité, de liberté et de démocratie, mais qui , au fond jouaient la comédie, une comédie criminelle. Il a suffi d´un soulèvement populaire initié par des partis d´opposition auquel les populations, affamées et lésées dans leurs droits, prirent massivement part, pour que les masques tombent, laissant découvrir le vrai visage des loups méchants qu´ils sont en réalité.

N´oublions pas de rappeler que l´opposition togolaise était à bout de souffle, rongée par des querelles de chapelles, manquant de stratégie. Le pouvoir, méchant et sans pitié pour le peuple, croyait avoir désormais devant lui un boulevard bien large pour continuer à tricher, à voler, à mentir et à régner à vie sur le Togo. La surprise et la panique qui se sont emparées du régime de Faure Gnassingbé sont d´autant plus fortes que celui qui a su réveiller et l´opposition et le peuple, Tikpi Atchadam, était arrivé méthodiquement et intelligemment, sans clochettes ni tambours.

Et comme chacun de nous doit venir de quelque part, le hasard a voulu que le leader du PNP Tikpi Atchadam vienne d´une éthnie dispersée majoritairement entre les préfectures de Tchaoudjo et d´Assoli dont les chefs-lieux s´appellent Sokodé et Bafilo.

Le président du PNP est assez intelligent pour savoir que se limiter à son ethnie, à sa région ou à sa religion serait suicidaire pour son avenir politique. C´est pourquoi, contrairement aux calomnies de ses détracteurs, jaloux de son ascension, Tikpi Atchadam a su éduquer et former ses militants sur le sens de la nation, du bien commun et du vivre-ensemble malgré nos différences. C´est pourquoi aujourd’hui´hui le charisme et l´audience du leader du parti du cheval dépassent de loin le cadre ethnique, voire régional.

Avant l´avènement du PNP et déjà au début du processus de démocratisation au début des années ´90, les populations du Nord du Togo s´étaient massivement affiliées aux forces démocratiques pour rejeter à travers des manifestations la dictature de feu Gnassingbé Éyadéma. Donc Sokodé et Bafilo ne sont pas des nouveaux venus sur la scène de la contestation du régime cinquantenaire. De vieux partis politiques comme l’UFC, la CDPA, le CAR et aujourd’hui l’ANC sont bien représentés dans ces deux villes que le pouvoir tente vainement de considérer comme sa chasse gardée.

Si Sokodé et Bafilo sont entrés dans la danse comme beaucoup d´autres villes du pays pour réclamer le retour à la Constitution de 1992 et le départ de Faure Gnassingbé, ce n´est pas à cause du PNP ou de son leader. Certes, Tikpi Atchadam a été le catalyseur de cette nouvelle dynamique de l´opposition, mais les deux cités, connues pour leur amour pour la dignité et pour leur rejet de l´injustice, ont une longue tradition quant à la contestation du régime liberticide en place.

C´est pourquoi nous ne comprenons pas  cet acharnement du régime sur ces deux villes qui  ressemblent aujourd’hui à des cités fantômes. En effet, depuis le début des marches de protestation de l´opposition le 19 Août 2017, en dehors des gendarmes et des forces de police dont la mission première est le maintien d´ordre et l´encadrement des manifestations, les para-commandos sont mis à contribution pour mâter les manifestants. Ce corps d´élite de l´armée, formé pour des combats corps à corps en temps de guerre, n´a pas sa place en ville au  milieu de manifestants civils. Et quand leur supérieur hiérarchique leur demande de s´occuper des manifestants aux mains nues, c´est que l´autorité ne vise pas la réussite de l´encadrement des manifestations, mais cherche plutôt à faire peur pour mettre fin à la contestation. Ces  « forces de l´ordre » pas comme les autres n´ont pas appris à faire les choses à moitié.

Et comme si la terreur sur les populations provenant de ces militaires ne suffisait pas, des miliciens payés par le pouvoir et jouissant d´une totale impunité font la pluie et le beau temps ces dernières semaines à Bafilo et à  Sokodé. Bienvenue dans la République dirigée par des gangsters!

Vous cherchez l´enfer sur terre? Il est à vos portes dans les deux chefs-lieux des préfectures d’Assoli et de Tchaoudjo.

Les bastonnades sauvages et sans raison, même dans les domiciles privés, après avoir fracassé les portes, continuent. Quand ils s´estiment satisfaits d´avoir assez affaibli ou blessé leurs victimes, nos militaires ou miliciens détruisent es biens visibles dans la chambre et dans toute la maison, emportent avec eux ce qui peut l´être: argent, bijoux, draps, rideaux, etc…. Beaucoup se demande à Bafilo et à Sokodé si nous avons à faire à des brigands de grands chemins ou à des militaires payés, habillés, armés et véhiculés par le contribuable togolais.

Les malheureux trouvés dans les maisons terrés dans leur chambre sont ceux qui n´ont pas pu fuir pour se réfugier en brousse; il s´agit d´enfants en bas âge, de vieux et de vieilles, de personnes malades. Tous sans distinction sont passés à tabac avec des crosses de fusils, des cordelettes de militaires, des coups de rangers sur toutes les parties du corps. Envoyés pour blesser et tuer, les militaires viennent jusque dans les maisons chercher leur proie, car les rues et ruelles sont désertes. À Sokodé et Bafilo on peut entendre à quelques mètres une mouche voler.

Les petits étalages de revendeuses n´existent plus, interdits par nos vaillants soldats des FAT. Les marchés sont vides.

Les habitants sont obligés de se servir des produits de fortune pour essayer de calmer les douleurs de leurs blessés après le passage des hommes de la  branche armée du RPT/UNIR. Il y a risque d´infection et d´hémorragie pour beaucoup de blessés. Interdit de mettre le nez dehors pour aller se faire soigner. Même en guerre ce n´est pas aussi pire qu´à Sokodé et Bafilo, car là, il y a au moins la Croix Rouge qui passe pour s´occuper des blessés des deux camps qui s´affrontent.

Pour ceux qui sont en brousse ou en ville terrés chez eux la faim constitue l´élément le plus terrible qui risque de commencer à faire des victimes surtout chez les nouveaux-nés, les enfants, les personnes âgées et malades.

Les expéditions punitives ne se limitent pas seulement en ville; presque tous les gros villages sur la route de Tchamba en partant de Sokodé sont concernés: Kadambara, Kparatao (village natal de Tikpi Atchadam), Yèlivo etc…sont le théâtre de visites régulières de militaires, quelquefois en pleine nuit, pour terroriser par des tirs en l´air, des bastonnades sauvages suivies de vols de biens et d´argent dans les maisons.

Au quartier Komah, avant-hier, selon des informations que nous avons eues de témoins oculaires, un ressortissant nigérien qui gagnait son pain quotidien en tant que tailleur d´ongles ambulant aurait été battu par des militaires jusqu´à ce que mort s´en ait suivi. Le corps sans vie, traîné par les tueurs, est déposé devant une maison.

Nous apprenons aujourd’hui que le nommé Akondo Moutaka, enseignant à l´EPP de Kidèoudè près de Sokodé, résidant à Koiworo non loin de La Barrière vient de rendre l´âme après avoir reçu des coup à la tête hier soir de la part des militaires.

À Kossombio, près du quartier « La Barrière », des militaires auraient suivi des jeunes jusque sur la montagne en brousse pour les déloger de leurs cachettes. Ils n’auraient dû leur salut qu’à un retour précipité en ville.

Comme on le voit nulle part en brousse, en ville, où dans les maisons les populations de Bafilo et Sokodé sont livrées aux exactions militaires sans défense.

Deux militaires qui faisaient la garde au domicile du Colonel Agadazi auraient été lynchés par une foule en colère; nous sommes tous peinés par cette disparition brutale de vies humaines et nos pensées vont aux familles des défunts. Mais est-ce une raison pour opérer des expéditions punitives aveugles sur toute la population de Tchaoudjo?

Rappelons que les tueries par balles réelles avaient commencé à Sokodé et à Bafilo bien avant la nuit de l’arrestaion de l’Imam Alassane. Donc la terreur militaire sur les villes de Sokodé et Bafilo font partie d´un plan mis à jour par les extrémistes du camp au pouvoir. Et on ne peut pas nous dire que Faure Gnassingbé n´est pas au courant de ce qui se passe. Il est le chef des Armées et de surcroît Ministre de la Défense.

Nous le tenons pour responsable comme nous tenons pour responsables tous ceux qui appartiennent à la hiérarchie militaire et sont habilités à donner des ordres.

Quelle est la suite de leur plan? Exterminer toutes les populations kotokoli pour qu´il n´y ait plus contestation?

Nous n´oublions pas les exactions commises et qui continuent d´être commises par des militaires et miliciens au quartier Bè et dans d´autres quartiers à Lomé.

C´est le moment ou jamais pour les médias nationaux et internationaux, pour les organisations de défenses des droits de l´homme de se rendre sur le terrain pour voir et dénoncer.

Les Togolais de Sokodé et de Bafilo ont besoin de l´assistance de tous pour que le pouvoir rappelle ses militaires dans les casernes. Ils ont besoin de moyens pour soigner leurs blessés, ils ont besoin de sécurité pour que les habitants reviennent chez eux et reprendre une vie normale.

Pour qu´il ne soit pas trop tard demain, agissons aujourd’hui!

Samari Tchadjobo
Allemagne