Doit-on conclure que tant qu’aucun bruit ne se fera autour de certaines recettes du pays, les obligés traîneront les pieds à propos de leurs reversements au Trésor public ? En l’espace de quelques semaines, GVA (Groupe Vivendi Africa) et Téolis, deux FAI (Fournisseurs d’accès internet) et FSI (Fournisseurs de services internet) viennent de se lancer dans la conquête des populations togolaises. Mais des esprits avertis se posent des questions : les obligations financières des deux sociétés vont-elles se limiter aux 200 millions individuels versés représentant les frais de licence de FAI? Cina Lawson a-t-elle déjà perçu autre chose sans le déclarer ou a-t-elle bradé l’acquisition des licences de FSI ?

Cina Lawson | Infog : 27avril.com

Depuis jeudi 22 mars 2018, c’est devenu officiel : GVA a lancé ses nouveaux services internet au Togo. Après Téolis il y a quelques semaines. Avec une offre « très haut débit par fibre via Canalbox », en partenariat avec le groupe Canal+. A en croire les responsables, GVA investit dans son propre réseau et en assurera la construction et l’exploitation. En plus, l’accès s’effectuera via un réseau FTTH (Fiber to the home ou Fibre optique à domicile). On apprend que la facturation est de 45.000 FCFA pour l’installation de la box et 30.000 FCFA pour le forfait mensuel de connexion.Quant à Téolis dont la commercialisation des offres haut débit a débuté en février passé, elle s’appuie sur la technologie FH/LTE (Faisceaux hertziens/Long Term Evolution) avec la 4G. Mais à quels prix ces sociétés exploiteront-elles leurs technologies sur le territoire togolais ?

Lors de l’attribution des licences de FAI en 2017, chacune des deux sociétés avait déboursé 200 millions de FCFA. Nous nous étions offusqués dans notre parution N°2493 du 4 août 2017 sous le titre : « Privatisation de Togocel et TogoTélécom/ Qui pour arrêter Cina Lawson si ce n’est Faure Gnassingbé ? ». « Si cette ministre a unilatéralement décidé de ne faire payer à chacun des deux Fournisseurs d’accès internet (FAI) que la modique somme de 200 millions de FCFA, alors que ceux-ci disposent de cahiers de charges d’opérateurs, c’est à dessein. A l’opérateur Togocel par exemple, il aurait été exigé 20 milliards FCFA », avions-nous écrit. Parce qu’à notre connaissance, une société ne peut pas seulement débourser cette modique somme pour se prévaloir du titre de fournisseur et d’opérateur d’accès internet. Les faits semblent nous donner raison aujourd’hui.

Des spécialistes du domaine ayant requis l’anonymat que nous avons rencontrés semblent formels : « Les frais dont s’est acquitté GVA ne concernent que la licence de FAI. Parce que disposant de la fibre optique pour servir ses futurs abonnés jusque dans les maisons, cette structure devra aussi payer la licence de FSI pour faire transiter ses données via FTTH. Et dans son cas précis, le minimum à verser à l’Etat togolais est 1 milliard FCFA. Pour la société Téolis qui a aussi déjà acquis la licence FAI, il doit maintenant acquérir la licence 3 ou 4G, vu qu’il veut faire passer sa technologie par liaison hertzienne. Dans ce cas, ce sont au minimum 3 milliards qu’elle doit verser avant son déploiement ».

Déjà dans notre parution sus-citée, nous étions circonspects sur les montants versés. Et nous nous demandions si c’est parce que GVA est une propriété de Vincent Bolloré que ce prix « ami » lui avait été fait ; ou si c’est parce que Sonia Lawson, soeur utérine de la ministre Cina Lawson était membre du conseil d’administration de GVA dont la filiale du Togo s’est vu attribuer le marché de FAI. Ou encore si c’est à cause des liens entre la ministre et Richard Aquéréburu, patron de Canal+ au Togo. Une chose semble certaine, GVA ne peut se déployer sans verser la redevance pour la licence de FSI. Dans le cas de Téolis, on s’est aussi demandé si c’est parce qu’elle est la propriété d’un certain OgamoBagnah, aujourd’hui membre influent du regroupement de supposés « sages » du parti au pouvoir, Unir que plus rienne lui est exigé pour la licence 4G devant passer par liaison hertzienne.

Et si les frais de licence avaient été versés ?

Il paraît peu concevable que ces deux sociétés n’aient rien versé pour acquérir leur licence de FSI alors qu’elles sont en plein déploiement. D’où on est en droit de se demander : et si ces frais avaient été aussi versés ???

Loin de paraître accuser qui que ce soit dans l’attribution des licences de FSI, nous avons l’obligation d’interpeller la première responsable du ministère de tutelle en la personne de Cina Lawson afin qu’elle éclaire la lanterne des uns et des autres, comme elle a déjà eu à le faire devant les députés sur des questions relevant de son ministère il y a quelques mois.

Etant donné que les deux sociétés ont été choisies depuis l’année dernière, il semble normal que les frais de licence de FSI soient connus de la ministre. Auquel cas, le projet de loi de finances, gestion 2018 devrait comporter des rubriques consacrées à ces recettes. Puisqu’il y a quelques années, sans encore que l’Etat ait donné son quitus à l’opérateur de téléphonie mobile Orange, les frais de licence avaient été pris en compte dans le projet de budget de l’année suivante, avant que l’opération ne fasse pschitt. Dans le cas présent, il était acquis que GVA et Téolis allaient se déployer cette année. Aussi, nous avons eu recours au budget.

Malheureusement dans la loi de finances, gestion 2018 adoptée fin décembre 2017, aucune trace de ces frais. Comment alors expliquer que Cina Lawson n’ait pas budgétisé ces recettes devant atterrir dans les caisses du Trésor public ???

Abbé Faria

Source : Liberté N°2642 du Lundi 26 Mars 2018