Les explications du Ministre des Travaux Publics, Ninsao Gnofam,  devant les élus du peuple suite à son interpellation sur le retard  accusé dans l’exécution de certains travaux de construction de certains ouvrages notamment de la voie Lomé-Vogan-Anfoin viennent montrer le degré de complicité avec lequel ce serviteur du peuple s’accommode avec la corruption.

Ninsao Gnofam, ministre togolais des Infrastructures et des Transports | Infog : 27avril.com
Devant les députés, les explications du ministre des Infrastructures et des Transports Ninsao Gnofam, l’un des ministres les plus corrompus au Togo, sur les raisons des retards et la piètre qualité des nouvelles routes au Togo, n’ont pas convaincus. Ninsao Gnofam est l’un membre du cercle mafieux autour de Faure Gnassingbé qui saigne à blanc le contribuable togolais tout en lui laissant une ardoise énorme de dettes. Gnofam est cité dans presque toutes les affaires de détournements de fonds et de retro-commissions dans le monde des BTP au Togo| Infog : 27avril.com

Eh ! Dans ses explications,  transparaît l’attitude complaisante des autorités chargées de la gestion des BTP à l’égard des réseaux mafieux. Le Ministre Ninsao Gnofam a tout simplement défendu l’entreprise CECO-BTP par des arguments saugrenus. Des tentatives de couvrir cette entreprise dans  ses magouilles relance l’enquête sur la manière de gagner les contrats et les travaux effectués par cette entreprise, des travaux souvent bâclés. Une situation qui nous oblige à publier les résultats de notre enquête sur la société CECO-BTP.

Lorsque l’Autorité de Régulation des Marchés Publics (ARMP) a vu le jour, les Togolais ont cru que, dans le domaine des BTP, les contrats gré à gré auront cessé d’exister sur la terre de nos aïeux. Mais nenni ! Les réseaux mafieux avec leurs tentacules poussent le pays au bord du gouffre. La corruption, le népotisme, le copinage sont plus que renforcés dans le domaine des BTP, provoquant d’une façon indélébile, la mauvaise qualité des infrastructures en matière des ouvrages d’art. Des milliards de francs sont engloutis dans les travaux effectués par une entreprise dont les tenants et les aboutissants font partie de ces groupes mafieux qui pillent l’économie de l’Etat.

Le PDG CECO Group, Contantin Amouzou | Archives : 27avril.com
Le PDG CECO Group, Contantin Amouzou | Archives : 27avril.com

L’une des entreprises qui a bénéficié de la faveur des autorités compétentes est certes l’entreprise CECO BTP dirigée par Constantin Amouzou, un ami du Président Faure Gnassingbé. Aujourd’hui, les choses se compliquent pour sa société, puisque certains contrats à lui attribués auparavant sont en train d’être résiliés. Des milliards de dette dans les banques, désertion sur les chantiers conduisent l’entreprise vers un lendemain sombre, à en croire des experts.

Depuis que le Togo est devenu un grand chantier, beaucoup de magouilles dans la gestion des BTP ont été détectées. L’on se souvient d’une entreprise, la première à avoir installé ses engins sur le tronçon Dékon-Colombe de la paix, et qui a, un jour mystérieusement disparu. Beaucoup de bruits ont fait état du fait que cette entreprise (YAMEN) aurait disparu avec des milliards des Togolais, sans qu’elle n’ait livré son ouvrage. Les raisons de ce scandale étaient à chercher du côté de la primature.

Selon des indiscrétions, une commission de trois milliards (3.000.000) FCFA aurait été exigée et perçue par la défunte commission nationale des Marchés, qui était basée à la primature. YAMEN devait aménager la ville de Kpalimé (20km) et le tronçon Dékon-Colombe de la paix. Le coût du chantier serait compris entre 10 et 12 milliards. YAMEN devrait verser cette commission de trois milliards. En contrepartie, la commission des marchés s’engagerait à lui confier presque tous les marchés de la ville de Lomé.

Après avoir versé la commission, YAMEN a constaté que l’autre n’aurait pas respecté sa parole. Alors face à l’incapacité de YAMEN de finir le travail avec le peu qui lui restait, elle a plié bagages sans crier gare et a pris la poudre d’escampette avec le reste de l’argent dont elle disposait. En effet, tous les Loméens ont pu constater que ce tronçon a été le premier à être péniblement livré.

C’est donc par rapport à ce fait hautement scandaleux que, saisi de l’affaire, le Président de la République aurait tapé du point sur la table avec pour conséquence, la dissolution de la commission des Marchés, qui était logée à la Primature et pilotée par le Directeur de cabinet du Premier Ministre.

Ceci fait, on eut dit le boulevard de la haute magouille grandement ouvert pour Houngbo et compagnie. Puisqu’avec la dissolution de la Commission des Marchés, aucune régie ou entité n’avait jusque-là vu le jour pour allouer les marchés. Commence alors pour Houngbo, l’ancien Premier Ministre et ses amis la belle occasion pour sucrer, car la saga des Marchés gré à gré a commencé. CECO-BTP, qui selon des indiscrétions pouvait donc prendre de l’envol et avoir enfin une envergure celle voulue par Gilbert Fossoun Houngbo et compagnie. Les autres entreprises étant appelées à se contenter désormais du menu fretin. Comme comprendre que parmi la pléthore d’entreprises tant locales qu’étrangères qui foisonnent dans notre pays, les élans de Gilbert Fossoun Houngbo ne furent portés que vers CECO-BTP à laquelle il donnait tous les marchés juteux qui lui tombaient sous la main ? N’aurait-il pas été donc impunément permis à la multitude de croire dur comme fer que Houngbo se prévalait de sa position de Premier Ministre pour gaver avec exagération CECO-BTP de marchés parce qu’il partagerait des intérêts avec cette entreprise ? Comme le dit un adage, « il n’y a pas de fumée sans feu ».

CECO BTP, prototype d’entreprise mafieuse

Parlons de CECO-BTP en commençant par son patron. Monsieur Constantin Amouzou, puisqu’il s’agit de lui, est aujourd’hui, plus que trop connu des Togolais qu’il ne l’était ; le tintamarre qu’ont fait les casseroles que traînait Houngbo auxquelles  il appartient, attirait les regards et tendait les oreilles.  Mieux connu dans la région septentrionale du Togo et plus précisément à Sotouboua où il retraçait des pistes rurales, ce monsieur aurait été rappelé pour aller se former en matière d’ingénierie en Bâtiment et Travaux Publics. C’est au terme de sa spécialisation que le sieur Amouzou Constantin se retrouvera maître de plusieurs chantiers sous la coupole de son mentor Houngbo. N’aurait-il d’ailleurs pas pavé la Cour du château de son Excellence à Agbanda, ce monsieur qui, à l’époque compterait deux sommités parmi ses relations, notamment Houngbo et Adji Otèth Ayassor ?

La route Lomé-Vogan-Anfoin rebaptisée par la population la route « Ayassor - Gnofam - Ceco » à cause des rétro-commissions de 10 milliards de FCFA perçues par les ministres Adji Otèth Ayassor (g) et Ninsao Gnofam (c) sur le budget initial de 26 milliards de FCFA du projet de réfection de cette route par CECEGroup de Constantin Amouzou (d)| Infog : Liberté
La route Lomé-Vogan-Anfoin rebaptisée par la population la route « Ayassor – Gnofam – Ceco » à cause des rétro-commissions de 10 milliards de FCFA perçues par les ministres Adji Otèth Ayassor (g) et Ninsao Gnofam (c) sur le budget initial de 26 milliards de FCFA du projet de réfection de cette route par CECEGroup de Constantin Amouzou (d)| Infog : Liberté

Le Togo est l’un des pays de sous les tropiques où tout peut se passer et où tous les puissants peuvent tout se permettre. Nul ne pourra reprendre quiconque osera soupçonner Houngbo d’être l’un des parrains de cette entreprise à laquelle il a donné un marché d’une valeur de plus de 18 milliards, fait qui n’est que la suite de plusieurs autres précédents.

« Apparemment, en ce qui concerne l’attribution de ce marché, on aurait pu croire, à première vue, que tout s’était passé normalement. Mais attention, il ne faut pas se leurrer. Est-ce que ce marché de 18. 176. 268. 509 FCFA a été attribué suite à un appel d’offre en bonne et due forme ? Qu’il nous soit permis d’en douter. Si on a donné un marché de 18 milliards concernant trois rues à CECO-BTP dont nous connaissons les bailleurs de fonds qui agissent en sous mains, il y a quelque part un problème. Il n’est pas sain qu’un ministre en fonction dont nous taisons le nom pour le moment soit le tuteur du point A au point M jusqu’au point Z d’une entreprise de BTP qui cueille comme, du fruit mûr, un marché de cette importance au nez et à la barbe de ses concurrents », écrit l’hebdomadaire « Le Combat du Peuple » dans son édition n°695 du 24 octobre 2011.

Les raisons de l’essor et du déclin de l’entreprise

En quelques années, après le départ de Houngbo, le soutien n’a pas manqué pour propulser l’entreprise au sommet avec les autres barons du régime. De l’argent, le Directeur de cette entreprise, en a amassé. Une opulence qui l’a poussé à faire de la prodigalité. Des dépenses faramineuses et des charges créées tout azimuts ont entrainé l’entreprise dans la folie des grandeurs. Les membres de l’entourage du Monsieur Amouzou Constantin sont devenus des gens très importants du pays. L’intransigeance des ministres qui lui permettaient d’avoir facilement des contrats, à toucher, bien sûr, des retro commissions, devient de plus en plus pressante. Une situation qui provoque parfois la lenteur dans les travaux sur certaines routes. Le cas du tronçon Lomé-Vogan-Anfoin estimé à plus de 36 milliards FCFA en est une illustration.

Des journaux qui ont osé parler des raisons qui ont mis ce chantier en veilleuse ont été assigné par les personnalités incriminées d’avoir touché des retro commission au plus de la moitié du fonds alloué pour la construction de cette route. Une chose est sûre aujourd’hui : la construction de cette route piétine et craint qu’elle soit remise à une autre entreprise. Seulement, l’argent débloqué auparavant à l’ordre de CECO BTP est un gâchis que l’Etat serait obligé de rembourser aux banques. Devant cette situation, les protecteurs de Constantin Amouzou commencent à lâcher ce dernier. C’est pourquoi d’ailleurs, des consignes strictes sont données aux banques où l’entreprise comptabilise plus de 17 milliards FCFA de dette, de ne plus décaissé le moindre sou à son profit. Du coup, tous les sous-traitants de l’entreprise en pâtissent, or CECO BTP doit à ces derniers la somme de 2 milliards 200 millions FCFA. Tous les cadres de l’entreprise voient leurs salaires réduits. De nombreuses voitures 4X4 sont mises en vente. Et jusque-là, l’on constate que le Directeur Général de CECO BTP reste seul dans son malheur. La solidarité légendaire ne joue plus en sa faveur.

Les conséquences sont dramatiques pour la société. En effet, en dehors de ses dettes qui avoisinent 17 milliards FCFA dans les banques auprès de ses fournisseurs en quincaillerie (3 milliards 500 millions de FCFA, des sous-traitants (2 milliards 200 FCFA), CECO BTP connait aujourd’hui la résiliation de certains de ses contrats. Elle est dessaisie des ouvrages d’art tels que la route en projet Notsè-Tohoun, le projet de pavillon présidentiel de la nouvelle aérogare et le projet de logements sociaux Mokpokpo à Davié. Cependant, le projet d’aménagement des rues du Port de Lomé estimé à 16 milliards FCFA, lui donne encore de l’espoir, puisque jusqu’aujourd’hui, ce marché gagné avec l’aide de ses protecteurs en 2015 ne lui a pas été retiré.

Il faut rappeler que pendant la campagne présidentielle de 2015, Faure Gnassingbé a promis l’aménagement de pistes rurales et rues dans certaines localités. La plupart de ces ouvrages d’art ont été attribués à CECO BTP, lorsque ce dernier était dans de bonnes grâces du président et de ses protecteurs. Aujourd’hui, le constat plus qu’amer: les travaux bâclés à cause du non respect de la dose de rechargement de ces pistes, selon le cahier de charge. A Lomé, des voies de raccordement qui doivent être bitumées pour un accès facile aux quartiers, pendant la construction de la route Colombe de la Paix-Togo 2000, sont abandonnées.

Devant ce drame, il ressort de toute évidence que c’est une sorte de corruption au sommet de l’Etat qui provoque cet état de choses dont le contribuable togolais serait comptable, car des fonds obtenus auprès des banques pour la réalisation de ces ouvrages d’art constituent une dette que le pays remboursera. Le cas CECO BTP est aujourd’hui criblé de milliards de dette laissés sur le dos de l’Etat dans les banques, n’est qu’une partie visible de l’iceberg. Tout le système de BTP est miné par ce scandale entretenu par la mafia togolaise composée d’une minorité appartenant au parti UNIR, qui pille le pays à travers les travaux BTP, n’a pas laissé insensible les institutions de Breton Wood dont le Fond Monétaire International (FMI).

Le rapport du FMI révèle le scandale dans les BTP

D’ailleurs, le rapport de la dernière mission du FMI dont les experts ont séjourné au Togo illustre bien le scandale qui a cours dans la réalisation des infrastructures avec le système de préfinancement. Selon un extrait de ce rapport : « Du point de vue des finances publiques, la durée de financement de gros travaux d’infrastructure devrait être cohérente avec celle de la durée de vie estimée de l’actif financé, à condition que l’actif soit bien entretenu.

Avec les préfinancements, les autorités ont choisi de financer à court ou au moyen terme des travaux d’infrastructures destinés à réhabiliter des actifs à long terme. Selon la mission, cette approche ne permet pas de gérer de façon optimale les dépenses publiques d’investissement. La durée du crédit bien inférieure à la durée de vie de l’infrastructure, a pour conséquence que leurs remboursements exerçant une pression très lourde sur la trésorerie de l’Etat.

Les données en possession de la mission font ressortir qu’il n’y a pas de parallélisme entre l’avancement des travaux sur le terrain et les déboursements de l’Etat qui sont strictement liés aux échéances qu’il a contractées suite au mécanisme de substitution de débiteur de crédit bancaire. L’Etat court donc le risque de devoir rembourser des crédits de financement de travaux sur le terrain alors que les travaux sur le terrain ne suivent pas le planning annoncé. Du point de vue financier, le mécanisme de préfinancement a pour effet de laisser l’Etat sans recours tangible (….) en cas de retards ou malfaçons ou même en cas de défaut puisqu’il s’est lié inconditionnellement envers les banques prêteuses. Il devra rembourser le crédit aux banques, puisqu’il en est le débiteur inconditionnel, quelle que soit la façon dont les travaux sont (ou non…) effectués ».

Dans ce scandale financier, la responsabilité du Président de la République et de ses Ministres tutelle n’est-elle pas établie, lorsqu’on sait que la plupart des infrastructures routières dont le réaménagement ou construction est attribuée aux sociétés qui leur sont proches, sont à l’abandon ou mal réaménagées ou construites, dans leur indifférence totale ? Dommage que c’est le peuple togolais qui va encore payer les pots cassés, puisque les auteurs de ce scandale financier qui sont dans le pouvoir resteront intouchables et impunis. A quand au juste la bonne gouvernance ?

Source : [20/06/2016] Angelo  G., Corps Diplomatic Togo

Titre : 27avril.com