Au su et au vu du monde entier, Faure Gnassingbé a réussi son énième coup de force électoral. Cette fois-ci avec le soutien, à peine voilé des médias français. Comment et par qui a été organisée la fraude? De France 24 au Monde, de Jeune Afrique à l’AFP, quels rôles ont joué les journalistes de l’hexagone ? Deux semaines après les résultats définitifs, Afrikaexpress a mené l’enquête. 

Des médias français notamment France 24, RFI, AFP, Le Monde, Jeune Afrique, etc... achetés à coup de millions d'euros, ont joué un rôle nocif scandaleux dans braquage électoral au Togo par le Fraudeur en chef Faure Gnassingbé et sa bande entre le 25 avril et le 4 mai 2015 | Infog : 27avril.com
Des médias français notamment France 24, RFI, AFP, Le Monde, Jeune Afrique, etc… achetés à coup de millions d’euros, ont joué un rôle nocif scandaleux dans braquage électoral au Togo par le Fraudeur en chef Faure Gnassingbé et sa bande entre le 25 avril et le 4 mai 2015 | Infog : 27avril.com

Afrikaexpress a déployé lors de cette présidentielle, plusieurs équipes de journalistes dans tout le pays. Cette enquête est le fruit de leur travail mais aussi celui d’une série de témoignages vérifiés par nos services. Dans plusieurs cas, nos journalistes ont été eux-mêmes témoins de la fraude et de ses méthodes. Quant aux privilèges financiers accordés par le régime à la presse française, ils font objet, depuis 2008, de longues enquêtes de la part de la rédaction de Tribune d’Afrique puis d’Afrikaexpress. Les informations obtenues résultent d’indiscrétions de personnes près du dossier ou de témoins qui, à visages découverts se sont confiés à notre rédaction.

Décor. Ceni (Commission électorale nationale indépendante), organe en charge de l’organisation de la présidentielle au Togo. Sur ses 17 membres, au moins 10 sont acquis au pouvoir, et à ce groupe 2 autres se sont ralliés rapidement. Seulement 5 sont proches de l’opposition avec leur tête, Francis Pédro Amuzun, plus excité qu’équilibré. La Cour constitutionnelle, institution chargée de valider les résultats annoncés par la Ceni : ses 9 membres sont nommés par Faure Gnassingbé et les députés à l’Assemblée nationale où il est majoritaire. Unir (Union pour la République), nouvelle dénomination du Rpt (Rassemblement du peuple togolais) qui dirige le Togo depuis sa création en 1969 et ce, malgré sa dissolution en 2011. Cap (Combat pour l’alternance politique) en 2015, alliance de plusieurs partis et mouvements soutenant la candidature du principal opposant, Jean-Pierre Fabre. Il regroupe l’essentiel de l’opposition, à l’exception du Car (Comité d’action pour le renouveau) de Me Yawovi Agboyibo, connu pour sa promiscuité avec le pouvoir, et du mouvement Tchoboé qui réfute tout scrutin sans réformes, appelant au boycott.

Faure Gnassingbé. Au pouvoir depuis 2005 à la suite d’une présidentielle qu’il a lui-même qualifiée « d’épouvantable ». En effet, avant, pendant et après ce scrutin, des milices proches de son parti ont massacré des centaines de civils dans tout le pays, notamment à Lomé et dans la région des Plateaux, selon un rapport de l’Onu (rapport Doudou Ndiène). Après deux mandats tous contestés, il s’est engagé pour un troisième décroché sans difficultés, non sans une immense fraude orchestrée avec le soutien d’hommes d’affaires, d’anciens barons du Rpt et de l’armée.

Jean Pierre Fabre. Chef de file de l’opposition, il combat la dynastie Gnassingbé depuis 30 ans. A défaut d’être candidat unique, cet ancien professeur de statistiques qui a réussi à éloigner de lui plusieurs leaders de l’opposition dont Agbéyomé Kodjo (ancien Premier ministre, passé entre temps dans l’opposition mais aujourd’hui attiré par le faurisme), est désigné candidat de Cap 2015.

Général Siaka Sangaré. Officier malien et expert des élections en Afrique. Il préside le comité de suivi pour le compte de l’Organisation internationale de la francophonie (Oif). Son arrivée a fait suite à une contestation du fichier électoral par l’opposition togolaise. Il éliminera 100.000 votants en doublon contre plus de 300.000 à 500.000 suspectés. Les experts de l’Oif reconnaitront eux-même que le fichier n’est pas « fiable mais consensuel ». Du jamais entendu dans une démocratie !

Gerry Komandéga Taama (ancien militaire), Aimé Tchabouré Gogué (professeur) et Mohamed Traoré Tchassona (notaire) sont les trois autres candidats à la dernière présidentielle. Les résultats officiels les ont crédités de 6% des suffrages exprimés. Dans ce contexte, le scrutin n’opposait que deux grands candidats : Jean-Pierre Fabre et Faure Gnassingbé. Le dernier est proclamé vainqueur par des institutions à sa botte avec 58% des voix alors que son challenger réclame comme à l’accoutumée une courte victoire. Décryptage et perspectives !

Fraudes massives, irrégularités abondantes, désorganisation avérée !

Derrière l’extraordinaire calme et sérénité qui a prévalu lors de la présidentielle du 25 avril dernier, se cache une toute autre réalité. Plusieurs formes de fraudes ont été constatées dans tout le pays. A l’exception de Lomé, la capitale, où la participation a été à peine passable, dans toutes les autres préfectures ou presque, il y a eu des irrégularités, des pressions directes et surtout, des bourrages d’urnes. C’est le cas dans la Binah (nord-est du Togo), très favorable au pouvoir depuis un quart de siècle (le défunt dictateur Eyadéma Gnassingbé obtenait 100% des voix et son fils Faure n’échappe point à des scores soviétiques). Un reporter d’Afrikaexpress a constaté de visu, dans le canton de Kémérida-Kétao, des distributions de billets de banque, notamment derrière la gare de Kétao, vers la mi-journée du 25 avril 2015. Des recoupements révéleront plus tard que ce sont des étrangers  venus voter  qui se partagent leur cagnotte. Une cagnotte offerte par Massina Yotrofeï (natif du milieu), décrié pour son présumé passé de bourreau à l’Agence Nationale des Renseignements (Anr) et qui dirige depuis quelques mois la gendarmerie nationale.

Trois témoins attestent que la langue parlée par ces votants mystérieux est proche du dendi (populaire au nord du Bénin) et du fon, principal dialecte du pays voisin. Une certitude : plusieurs centaines de votants qui ont reçu leurs liasses de billets ne parlent pas le kabyè, dialecte du terroir. Pire, des voitures les ont convoyés vers Kara juste après cette scène surréaliste. Contactée, la préfecture de la principale ville du nord du Togo, dit n’avoir « rien entendu ni vu de pareil ». Mais, une conséquence de cette fraude révélera le subterfuge. Un dépassement de « 1120  voix » a été constaté par la Céni dans la Binah.

Après le bourrage d’urnes et le vote des étrangers, des représentants de l’opposition ont été chassés de plusieurs bureaux de vote situés autour de la préfecture de Pagouda. « Beaucoup d’entre eux ont été remplacés par des militants du parti au pouvoir », selon des témoins crédibles.  « Généralement, nous votons en paix ici et pour le parti au pouvoir. Cette fois-ci, je ne comprends rien, les fraudeurs sont venus nous envahir» , avoue avec amertume à Afrikaexpress, un gendarme de la Fosep. Il est évident que le cas de la Binah a provoqué un houleux débat. La Ceni renvoie la patate chaude à la Cour constitutionnelle. « Niet! », rétorquent des représentants de l’opposition qui demandent l’annulation du vote dans cette préfecture, comme cela se fait dans une démocratie qui se respecte. Finalement, il ne le sera pas.

Mais la Binah ne détient pas le monopole de la fraude. Un communiqué de Cap 2015 fait cas de dysfonctionnements avérés dans une vingtaine de préfectures. Et pour une fois, l’opposition togolaise a fait preuve de précisions étonnantes. Dans le courrier de Jean-Pierre Fabre à la Céni, le candidat identifie des formes de fraudes et localise leurs zones d’effraction. Par exemple, dans le Dankpen, des bulletins estampillés « SPECIMEN » ayant servi à la campagne ont été retrouvés dans les urnes. Preuve sans doute que dans la précipitation de bourrage d’urnes, il y a eu recours à des bulletins d’essai. Le courrier évoque 17 bulletins. « Il pourrait y en avoir quelques centaines à Dankpen et à Guérin Kouka », selon un observateur de la Cédéao qui a échangé au téléphone avec Afrikaexpress. Le Cap 2015 constatera même que dans au moins une préfecture, le nombre d’urnes était supérieur à ce qui était déployé. Encore une démonstration de fraudes à l’aide d’urnes fictives.

Autres localités, autres méthodes : le Yoto, le Zio et le Bas Mono. Distribution massive de cartes d’électeur et achat de conscience notamment dans les hameaux reculés. « Avez-vous déjà voté ? Sinon j’ai des cartes », s’est adressé un jeune homme à deux reporters d’Afrikaexpress, ahuris, à Tokpli. Sans aucune gêne, il a réussi à faire voter au moins une dizaine de personnes. Un électeur a même accompli son ‘’devoir civique’’ avec une carte de femme sous la bénédiction du président du bureau de vote. Les journalistes ont vainement tenté de solliciter l’intervention du gendarme de la Fosep : « je suis seul et je ne peux rien faire », répondra l’agent. Désarmant !

L’armée à la manœuvre

Pour plusieurs observateurs, la nouveauté dans ce scrutin réside dans la préparation, en amont des fraudes. A part la bourde de la Binah, la fraude n’est pas le fruit d’une précipitation et de l’improvisation. Elle a été planifiée de fond en comble. Depuis que Pascal Bodjona, ancien puissantissime ministre et cerveau des fraudes a été jeté en prison par Faure Gnassingbé dans une rivalité politicienne, c’est au sein de l’armée que se trouve la nouvelle machine. Des sources concordantes ont révélé qu’au moins 1800 militaires de divers grades étaient représentants du parti au pouvoir dans les bureaux de vote au nord du pays. Plusieurs ont été bien formés à la fraude. Ils ont réussi par exemple, à faire entrer par plusieurs postes-frontières du pays, des étrangers le jour du scrutin, malgré leur fermeture officielle. A Kétao, au moins 16 camions remplis de votants béninois ont traversé la frontière, à Cinkasé (limitrophe du Burkina Faso), les étrangers sont arrivés au Togo deux jours avant le scrutin. Selon des témoins, plusieurs cadres de Unir (pouvoir) les ont logés, le tout pris en charge par Noupokou Dammipi, sulfureux ministre des Mines qui a multiplié des scandales de corruption sans jamais être inquiété. Il est redevable à Faure Gnassingbé.

Tout au long de la frontière ouest avec le Ghana, l’infiltration a été minutieusement organisée. Que ce soit du côté de Kidjaboum, Katchamba, Guérin Kouka ou Bassar, les populations sont presque identiques des deux côtés de la frontière. Les acheminer par milliers n’a posé aucun problème. Venus par Tindjassé et Yégué, ces ‘’votants d’un jour’’ ont été convoyés par camions et logés par la préfecture de Wawa.  « Tout a été planifié par l’armée. Les autres [l’opposition, NDLR] n’y ont vu que du feu », ricane une source proche de la Grande muette, sous couvert de l’anonymat. Les regards se tournent vers le Camp Landja de Kara et celui de Témédja dont quelques centaines de pensionnaires se sont retrouvés en mission « non mentionnée » pendant toute la période électorale.

Dans la région des Plateaux, des cas de bourrage d’urnes ont été répertoriés notamment dans des zones rurales où dominent les populations allogènes, tous favorables au parti au pouvoir. Dans la ville d’Atakpamé, essentiellement acquise à l’opposition, des quartiers entiers ont été vidés de leurs populations. « Vers le Ghana notamment et quelques-uns vers le Bénin« , selon un constat de Afrikaexpress, ce qui a justifié que malgré une mobilisation importante dans les milieux ruraux (mobilisation attribuée à tort ou à raison aux bourrages d’urnes), le centre-ville ait battu tous les records d’abstention. Plus de la moitié des votants ne se sont pas déplacés. Et pour cause, les violences de 2005 ont rattrapé les mémoires.  Cette année-là, cette ville avait connu un massacre soigneusement orchestré par des milices proches du parti au pouvoir. Alors qu’à quelques jours de la présidentielle, des cas de violences ont été signalés à Djerehouyè (où s’est rendue une équipe de Afrikaexpress) et à Gléï puis vers Nangbéto, la panique a saisi la ville qui s’est vidée de ses habitants. Une situation volontairement provoquée par le régime pour vider les poches de l’opposition de leurs votants potentiels. Opération réussie !

Dans les casseroles togolaises, des médias français

Les relations, souvent incestueuses, parfois scandaleuses ont toujours existé entre les dictatures africaines et les médias français. Notamment le Togo, une dictature exceptionnelle, avec quelques traits de démocratie, des semblants d’institutions, une forme de liberté d’association et d’information. Le tout dissipant des dessous moins catholiques. Mais pour cette élection, le rôle et l’implication des médias hexagonaux ont été soigneusement préparés par deux barons du régime. Gilbert Bawara, ministre de l’Administration territoriale qui a de bonnes relations avec Le Monde et Jeune Afrique et Cléo Essodeina Petchezi, secrétaire général adjoint de la présidence, chargé de la communication qui peut compter sur sa filière France 24 (avec Emmanuelle Sodji notamment) et RFI. Entre les deux, la directrice de cabinet, Victoire Tomégah Dogbé qui gère les gros budgets de communication, plutôt avec des sociétés américaines qui ont réussi, à insérer à prix d’or, quelques pages sur le Togo dans de petits journaux américains. Elle tient aussi la phase Europe, notamment pour la France où elle a pu obtenir aussi bien dans  l’Express que dans Le Point, des insertions maladroites (celle du Point portait moult erreurs et une chaine de coquilles). A cela s’ajoute la sulfureuse filière Jeune Afrique.

Connu pour sa légèreté et ses acrobaties avec l’argent des dictatures, le magazine panafricain Jeune Afrique sait surfer sur les périodes électorales. Avec Danielle Ben Béchir, l’épouse du fondateur qui téléguide tout depuis Paris. Les grandes interviews sont confiées soit à son fils Marwane ou à François Soudan, le fidèle des fidèles. Pour les articles habillement publicitaire, Georges Dougueli est le coursier idéal. La machine fonctionne bien avec les nouvelles recrues qui ont compris le code : le commercial d’abord, le journalisme ensuite. Et souvent, le journalisme, le vrai, n’arrive jamais. Mme Dogbé peut, pour ces coups, puiser allègrement dans les 2 millions de dollars disponibles grâce au budget et à la traditionnelle caisse noire mais aussi les raquettes auprès de sociétés d’Etat. Un coup de fil à un directeur pour un coup de main à « la com’ présidentielle » et ce dernier ouvre grandement les portes de sa caisse. Et pour le scrutin du 25 avril dernier, ça a marché !

Les médias internationaux ont tôt fait d’annoncer la victoire de Faure Gnassingbé. Internationaux ? Disons plutôt France24 dont la correspondante à Lomé, Emmanuelle Sodji, a surpris par sa magie. Elle doit être d’une classe exceptionnelle de devins pour savoir, au soir du 25 avril que le président sortant est favori, puis, s’est retrouvé « largement en tête sur toute l’étendue du territoire ». Information mystérieuse d’autant que jusqu’à 4 jours après, aucun résultat fiable n’est encore sorti. La Céni cafouillait encore.

Collaboratrice de TV5 Monde et de France 24 dans la région, Emmanuelle Sodji a souvent fait preuve de retenue. Qu’est-ce qui l’a poussé aussi loin ? « Un coup de main », murmure-t-on à la présidence togolaise et qui dit « coup de main » dans le langage tropical dit argent, parfois beaucoup d’argent. Elle sera attaquée sur les réseaux sociaux et par des confrères locaux qui ont avancé des sommes dont Afrikaexpress préfère taire le montant, sans preuves. Mais, toujours est-il que sa précipitation à proclamer, avant la Céni, Faure Gnassingbé vainqueur de cette présidentielle, a de quoi surprendre ! Radio France internationale (avec Olivier Rogez) y va plus ou moins sérieusement et rigoureusement. Son correspondant local a été mis à l’écart, sa promiscuité avec le régime n’est plus que secret de polichinelle. Dans la soirée du lundi 26 avril, plusieurs journalistes vivant en Europe et proches de Gilbert Bawara ont annoncé sur les réseaux sociaux et dans certains médias que Faure Gnassingbé est largement en tête. Au Quai d’Orsay, le ministre togolais de l’Administration insiste pour qu’un communiqué appelle, non seulement Jean-Pierre Fabre au calme mais « prenne acte » au moins de la situation. Peine perdue. L’attente sera longue. En rencontrant le président de la République Faure Gnassingbé quelques heures plus tard, Gilbert Bawara se laisse aller, « La France a reconnu notre victoire, les médias français notamment ». Une manière de calmer un chef d’Etat qui a, pour cette fois-ci, débourser quelques millions d’euros pour des journalistes dont certains sont de fantômes.

Mais M. Gilbert Bawara n’a pas que des fantômes dans son carnet d’adresses à la page des médias, il a un contact qui lui sauvera la face. Christophe Châtelot. Ce n’est pas l’ami direct du ministre. Il est le filleul d’un autre « bitosard », terme pour désigner les journalistes corrompus en Afrique. Philippe Bernard. L’incarnation même de l’affairisme dans le métier. Tiens, il est en poste à Washington. Pendant le conflit qui a opposé le président togolais à son frère cadet Kpatcha Gnassingbé qu’il accusera à tort de tentative de coup d’Etat, il prendra position pour Le Monde. Avec Yérim Seck pour Jeune Afrique. Copains du ministre de la Coopération (poste occupé précédemment par Gilbert Bawara), ils sont accueillis chaque fois qu’ils atterrissent au Togo. Hôtel, véhicules, parfois quelques donzelles tropicales pour les plus viriles. Et toujours la cantine de bois, la petite caisse d’argent pour dire « au revoir et merci ». Le Français et le Sénégalais savent mieux que quiconque que les cadeaux ne se refusent pas sur le continent noir. Comme Philippe Bernard n’est plus dans la danse, Christophe Châtelot le remplace bien, avec des articles si favorables qu’on se demande si certains ne lui sont pas écrits par la cellule de communication de la présidence togolaise. Contrairement à Philippe Bernard qui a récolté entre 600 et 800.000 euros en une année (2009 et 2010) auprès du seul ministre Bawara, selon une indiscrétion de ce dernier, de Christophe Châtelot, on ne saura rien. Juste des relations trop poussées avec le régime avec à la clé, le constat que « Faure était très populaire » et que l’opposant perdant est « un homme seul », comme s’il n’a pas suivi ses campagnes. Faut-il alors s’étonner que, le 2 mai 2015, Christophe Châtelot ait  repris le message transmis par l’Afp le 30 avril comme quoi l’Onu avait qualifié le scrutin de « crédible, libre et transparent », en ajoutant que le « constat » était « partagé par les autres observateurs internationaux et nombre de diplomates étrangers de Lomé » en oubliant le Comité d’accompagnement et le général Siaka Sangaré et sans considération pour la valeur des observations citée par l’ONU?

Quant à Jeune Afrique, il couvrira tout le processus électoral dans le sens qui avantage son « partenaire », le président sortant qui n’a pas hésité à sortir un demi-million d’euros pour une interview qui sera utilisée en extraits dans un article tout à la gloire de Faure Gnassingbé. François Soudan a passé du bon temps avec le chef de l’Etat togolais. Réception dans une résidence cossue à la plage, une maison que Faure Gnassingbé n’utilise que pour des hôtes de marque. Il sera reçu ensuite au bureau en plein protocole avant de finir au domicile. Surprenante intimité entre un journaliste et un chef d’Etat au point où dans la livraison suivante du journal, on confondrait son papier avec un article du bulletin d’information du parti au pouvoir. Les consignes seront données pour que les sociétés d’Etat lui complètent le demi-million manquant, selon une source militaire très crédible. C’est l’habitude à Jeune Afrique, en tout cas. Et, tous les articles du journal iront dans le même sens, comme s’ils étaient censurés par Lomé.

De tout ce qui précède, il est certain que gagnant ne peut se prévaloir de la légitimité. L’opposition notamment Jean Pierre Fabre appelle au recompte des voix, position partagée par plusieurs partis politiques de la gauche française. Si le cafouillage de la Ceni ne permet pas de désigner Jean-Pierre Fabre comme vainqueur, la victoire de Faure gonfle le doute. Compte tenu du contexte international fragile, avec les menaces terroristes, Paris a dû en prendre acte. La communauté internationale n’ayant jamais fait confiance à l’opposant dont le programme politique est aussi flou que le style de gouvernance. Mais ce scrutin, trop vite salué par l’ONU et l’OIF de même que plusieurs démocraties occidentales dont la France remet en doute la crédibilité de ce qu’on appelle communauté internationale et qui, sur le continent africain fait du deux poids deux mesures.

L’opposition togolaise a lancé une série de manifestations qui ne suffiront sans doute pas à remettre en cause la victoire de Faure Gnassingbé. Mais dans une situation à la togolaise où l’opposition est plus que fragilisée, la presse déshydratée et la société civile éreintée, la surprise peut venir de partout. Comme au Burkina Faso où personne n’a rien vu venir. Le calme apparent et l’assourdissante indifférence des Togolais inquiètent les plus avisés du pouvoir. « Une tempête aux conséquences imprévisibles peut se déclencher à tout moment », s’inquiète un diplomate sous couvert de l’anonymat. Le régime de Faure Gnassingbé n’est donc à l’abri de rien !

Source : [19/05/2015] MAX-SAVI Carmel & Edem ASSIGNON, Afrika Express