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L’agriculture a contribué à 40% au produit intérieur brut (Pib) du Togo en 2017. Mais, plus de la moitié des agriculteurs vit sous le seuil de pauvreté. Pourtant, depuis plusieurs années, programmes et projets s’alignent en faveur des producteurs agricoles justement pour améliorer leurs conditions de vie. Mais que nenni ! Comment cela peut-il s’expliquer ?

Les chiffres en général

Au Togo, le secteur agricole emploie près de 65% de la population, fournit plus de 40% de la richesse nationale et génère 15% des recettes d’exploitation. Malheureusement, la pauvreté sévit en milieu rural où plus de 73% de la population se trouve sous le seuil de la pauvreté depuis les statistiques de 2011. Selon le ministère de l’agriculture le taux de pauvreté des paysans togolais est passé de 61,7% en 2006 à 53,5% en 2017, soit une baisse de 8,2%. Des données qui contrastent avec les chiffres obtenus d’autres sources.

D’après les estimations de l’Institut National de la Statistique et des Etudes Economiques et Démographiques (Inseed), la proportion des individus pouvant être considérés comme pauvres en 2015 était d’environ 55% au niveau national, soit une personne sur deux. Si l’on considère seulement la population urbaine du pays, on note qu’un tiers de la population est pauvre contre deux-tiers de la population rurale.

Il ressort que l’incidence de pauvreté est d’environ 73% parmi la population dont les chefs de ménages sont des agriculteurs. contre 28% dans la population dont les chefs sont des salariés du secteur public, et 49% dans celle dont les chefs sont des salariés du secteur privé. Cette précarité s’observe dans l’habitat indécent, l’alimentation peu fournie et peu diversifiée, la faible capacité d’accès aux soins primaires, les difficultés pour payer l’instruction des enfants, etc. Par exemple, seulement 45% de la population rurale a accès à l’eau potable, contre 87% à Lomé et 69% dans les autres milieux urbains. Par rapport à la pratique de l‘hygiène, 70% de la population rurale continue à utiliser la nature comme lieu d’aisance, contre moins de 5% à Lomé et 29% dans les autres milieux urbains. Concernant l’électricité, seulement 16% de la population rurale y a accès, contre plus de 90% pour la population de Lomé et 77% pour les autres populations urbaines.

Autant de statistiques qui relatent, les conditions de vie des paysans, ces togolais qui sont nuit et jour, sous le soleil et la pluie pour nourrir plus des 7 millions de bouches. Pourtant, ni les projets ni les financements ne manquent pour dit-on, sortir le paysan de la précarité.

En effet, le Programme national d’investissement agricole et de sécurité alimentaire (PNIASA) financé à plus de 600 milliards et ses dérivés le Projet d’appui au développement agricole au Togo (PADAT) et Projet d’appui au secteur agricole » (PASA) pour ne citer que ceux-là n’ont pas eu les mirobolants impacts annoncés sur les agriculteurs. La question est de savoir pourquoi.

Un pan du diagnostic

« Les Amazones de la République», une organisation de la société civile a mené une mission de diagnostic dans plusieurs localités dont Dagba dans le canton de Datcha ; puis à Avétè, à Banka-Copé, à Tchogli dans le canton de gnangnan dans la préfecture de l’Ogou. L’objectif est de déceler les causes qui concourent à la paupérisation des paysans togolais. Au terme de sa mission le constat dressé par l’organisation est sans appel. Les paysans travaillent dans des conditions précaires mais aussi sans assurances de débouchés.

Devant un tel constat, les Amazones de la République s’interrogent sur l’impact des programmes et projets du ministère chargé de l’agriculture. « Manquons-nous d’experts pour des études de marchés ? Existe-il des débouchés pour de tels produits? Pourquoi le niveau de vie des paysans togolais demeure toujours aussi faible malgré l’existence d’institutions telles que l’Agence nationale de la Sécurité alimentaire au Togo (Ansat) dont le but est d’améliorer le niveau de vie des populations paysannes? Que peut-on attendre de la mise en place des agropoles? », se demandent-telles.

Les « Amazones de la République » estiment que les principales raisons de la paupérisation des paysans sont dérivées des principales contraintes auxquelles font face les producteurs agricoles. Il s’agit de la faible utilisation d’intrants (engrais, semences améliorées, etc.) et des bonnes pratiques agricoles, le faible développement des chaînes de valeur ; les problèmes de gouvernance (par exemple l’absence d’institutions appropriées capables d’assurer la promotion du secteur agricole), et le faible niveau de connaissances techniques des producteurs.

L’organisation souligne que du ministère du Développement à la Base au Secrétariat d’Etat chargé de la Finance inclusive, les moyens sont plus consacrés au fonctionnement des différents programmes, qu’à des actions d’envergure à fort impact sur les pays. Ainsi, le Fonds national de la finance inclusive, censé ouvrir l’accès aux financements à toutes les couches agricoles (y compris les populations agricoles) avec Agrisef, peine à donner des résultats probants, en raison de son cadre d’intervention qui ne semble pas suffisamment adapté au contexte pour promouvoir véritablement le monde paysan.

Quant au ministère de l’agriculture, il est «appelé à revoir ses programmes à mi-parcours pour les réajuster afin de prendre en compte les préoccupations de la population ».

En somme, le diagnostic dressé par cette organisation de la société civile est incontestable. On peut juste y ajouter que si les différents programmes et projets n’ont pas eu les résultats escomptés, c’est aussi dû aux détournements de fonds et la corruption érigés en mode de fonctionnement dans certains départements ministériels. Ainsi, les projets sont réalisés à minima au grand dam des populations notamment rurales qui croupissent toujours sous la pauvreté, depuis plus de dix ans qu’on aligne avec tambour des projets qui annoncent ciel et terre. Dans le lot le Forum national du paysan qui devrait, s’il était bien préparé en aval, participer à l’incitation agricole et faire repousser la pauvreté rurale est devenu un simple rendez-vous de folklore.

Source : Fraternité No.301 du 06 février 2019