Le 2 février dernier, le trois fois putschiste quasi-Maréchal Denis Sassou Nguesso, monarque-président à vie du Congo, déclarait avoir chargé Maitre Viala, Avocat à la Cour à Paris, de déposer une plainte contre X, pour tentative d’escroquerie au jugement dans l’affaire dite des Biens Mal Acquis, qui l’oppose à l’association Transparency International.

Denis Christel (g) Nguesso Willy (c) et Etoka et José Veiga | Photo : Congo Liberty
Denis Christel (g) Nguesso Willy (c) et Etoka et José Veiga | Photo : Congo Liberty

Cette plainte a été déposée « il y a plus d’un mois », précisait le texte remis à l’AFP à Brazzaville et ajoutait: « Nous avons pleine confiance en la justice française pour mener à bien les investigations nécessaires ». La déclaration a été reprise par de très nombreux grands médias français le 4 de ce mois.

Ce même jour s’était levé sur Lisbonne, au Portugal, après une nuit d’intenses activités policières et judiciaires. Trente cinq perquisitions simultanées, cent vingt policiers et une dizaine de juges d’instruction de l’Unité Nationale de Lutte contre la Corruption avaient été mobilisés pour finalement parvenir à l’arrestation de José Veiga, d’un frère d’un ex-Premier ministre, Paulo Santana  Lopes, et d’une Avocate.

Tous les journaux portugais avaient repris cette information, même les journaux sportifs ; José Veiga avait été l’agent de Luis Figo le grand joueur de football portugais. Il était question dans les titres, souvent à la Une des journaux, de blanchiment d’argent pour des montants dépassant les 500 millions d’euros, d’une dizaine de millions d’euros en espèces trouvés chez les prévenus, de corruption d’officiels étrangers en relation avec des affaires au Congo Brazzaville et une proximité totale avec Denis Sassou Nguesso et sa famille…

En France, trois jours après cette arrestation, pas un seul média n’a repris la nouvelle. Un silence radio TOTAL comme imposé par un nouvel état d’urgence élargi… !

Pourtant le mérite de cette opération, avant d’être un succès de la justice portugaise, en revient à la Police française et en particulier à l’Office central pour la répression de la grande délinquance financière (OCRGDF) au sein duquel est placée  la Plate-forme d’identification des avoirs criminels (PIAC) et surtout à l’un de ses commandants… ; tous diligentés par les Juges Roger Le Loire et René Grouman. C’est à la demande d’une Commission rogatoire internationale, lancée par ces derniers, que  l’action au Portugal s’est finalement déclenchée après enquêtes et filatures.

Ces enquêteurs et magistrats français sont d’autant plus à saluer qu’ils ont été particulièrement à l’écoute des lanceurs d’alerte congolais et des médias tels que le nôtre. Chacun dans son rôle, cette enquête a pu avancer bon an, mal an ; bon Président, mauvais Président de la République française ; bon ministre de la Justice, mauvais ministre de la Justice, hélas, trois fois hélas pour Denis Sassou Nguesso ! Et ce dernier, tout heureux de ses amitiés nouvelles avec Manuel Valls, Anne Hidalgo et François Hollande, doit cruellement ressentir le départ de sa vieille amie Christiane Taubira de la Place Vendôme, qui lui avait rendu quelques visites à Brazzaville, et celui de Laurent Fabius du Quai d’Orsay.

Combien de temps encore la presse française et francophone restera silencieuse sur ce bel exemple de coopération policière internationale dont l’initiative revient aux persévérants services français de police et de justice ? Ce rebond, gigantesque, inespéré survient alors que l’enquête GUNVOR en Suisse sombre dans le plus profond des comas. Le vertueux pays alpin s’est très discrètement plié aux vœux de lobbys financiers pétroliers et de pressions maçonniques ; les enquêteurs ont été démissionnés les uns après les autres et personne ne saurait retrouver les résultats de leurs enquêtes.

Manque de chance, encore une fois pour le généreux commanditaire, Denis Sassou Nguesso, et ses complices : dans le fameux contrat GUNVOR négocié par Denis Christel Sassou Nguesso, il était question d’un préfinancement de 750 millions de dollars en six tranches de 125 millions mis en place par BNP Paribas Suisse. Dans un premier temps, avant que la police fédérale helvétique ne se rapproche des habituels lanceurs d’alerte congolais, ou assimilés, les enquêteurs s’étaient satisfaits des éléments qui se rapportaient au bénéficiaire, la société brésilienne ASPERBRAS. C’était bien avant que la personnalité sulfureuse de José Veiga ne fasse son apparition dans le dossier et la bombe, que l’on croit soigneusement enterrée, en voie d’exploser !

Il est évident que l’actualité criminelle portugaise va sortir l’enquête suisse de sa profonde léthargie artificielle et, qu’au bord du Lac Léman, ils seront nombreux à se faire  du mauvais sang. Il faudra bien montrer et expliquer pour qui exactement, quand et comment ces 750 millions de dollars sont sortis des coffres de la banque (BNP Paribas totalement suisse maintenant) aux seuls ordres d’un Denis Christel Sassou Nguesso, docteur honoris causa en détournements de biens publics pétroliers ?

A de très nombreuses reprises, bien avant les premières perquisitions, des journalistes portugais s’étaient interrogés ouvertement sur la provenance des fonds sans limite dont disposait José Veiga.

Adam Denbe AFFO le DG de la BAIC (g), Jose Veiga (c) tenant ruban rouge pour Boni Yayi, président du Bénin (à droite) lors de l'inauguration de la Banque Africaine de l'Industrie et du Commerce (BAIC) en Novembre ici à 2015 | Photo : Observador
Adam Denbe AFFO le DG de la BAIC (g), Jose Veiga (c) tenant ruban rouge pour Boni Yayi, président du Bénin (à droite) lors de l’inauguration de la Banque Africaine de l’Industrie et du Commerce (BAIC), le 6 novembre 2015 à Cotonou| Photo : Observador

Outre les relations très étroites qu’entretenait ce dernier avec la présidence congolaise, les journaux ont signalé les visites effectuées par le même Denis Christel-Kiki dans leur pays ; l’acquisition d’un hôtel de luxe pour un montant de près de 500 millions d’euros par les personnes arrêtées, des Congolais en seraient-ils les véritables propriétaires ? ; l’intention également de l’ancien agent de joueurs de football d’acheter la Banque Internationale du Cap-Vert.

La police portugaise quant à elle saura, de José Veiga, si c’est bien un Denis Christel Sassou Nguesso qui avait ordonné et fourni les fonds nécessaires à la constitution de la Banque Africaine pour l’Industrie et le Commerce (BAIC) et si sa réelle finalité n’était autre que le blanchiment industriel de l’argent sale du pétrole congolais… BAIC dans laquelle on retrouve Philippe Amvame de la société Philia et Yaya Moussa l’ancien Représentant Résident du FMI à Brazzaville reconverti dans les affaires pétrolières troubles de la famille Nguesso.

Denis Christel Nuguesso achetant un doctorat Honoris Causa à Marakech, le 7 février 2016 | Photo : Congo Liberty
Denis Christel Sassou Nguesso achetant un doctorat Honoris Causa à Marakech, le 7 février 2016 | Photo : Congo Liberty

Le Brésil également ne tardera pas à répondre aux demandes de la Justice portugaise. Des ONG locales, leurs militants, des journalistes soupçonnent des proches des présidents Lula et Dilma Rousseff d’avoir été corrompus pour avoir effacé les 300 millions de dollars que le Congo de Sassou Nguesso leur devait. Heureusement, cela ne viendrait à l’idée de personne, en France, qu’il puisse en avoir été de même pour l’effacement de la dette de 5 milliards de dollars accordé par le FMI et le Club de Paris, dont près de 3 milliards d’euros à la charge du contribuable français !

Cette coopération exemplaire, spontanée ou contrainte empêchera bientôt des proches de Denis Sassou Nguesso de mettre les pieds en Europe dans un premier temps, puis aux États-Unis probablement…

Aussi, nous verrons sûrement prochainement, devant des médias, des personnes se mettre en avant pour se féliciter de cette avancée au Portugal ; des responsables d’ONG et leurs avocats qui n’y sont pour rien ! Il est regrettable que les véritables acteurs et alliés de cette contre-attaque ne soient pas reconnus comme « Partie civile ». Il faut se rappeler qu’à la veille de son assassinat, en compagnie de sa compagne et de ses deux enfants, Bruno Ossebi avait manifesté sa volonté de rejoindre la plainte en même temps qu’il dénonçait un préfinancement de BNP Paribas pour un montant de 150 millions de dollars. Déjà BNP Paribas ! L’opposition congolaise, en particulier celle de la Diaspora très active en ces domaines, devrait être reconnue et intégrée officiellement au premier chef de ces actions !

Source : [07/02/2016] Rigobert Ossebi, Congo Liberty