Infog : 27avril.com / Le Correcteur

Le mardi 25 mai dernier, la république du Mali a connu nouveau coup d’Etat, le deuxième en moins d’un an. Le cinquième depuis son indépendance. Un record. Le 18 août 2020, le colonel Assimi Goïta renversait le président élu Ibrahim Boubacar Keïta. Transition, brouille, méfiance…. Puis le même Assimi Goïta, qui n’a pas trouvé la gestion de la transition telle que menée par le président Bah N’Daw à son goût, a décidé de reprendre la main.

Il reprochait à ce dernier d’avoir formé un nouveau gouvernement sans se concerter au préalable avec lui, lui qui est en charge de la défense et de la sécurité, domaines cruciaux dans un pays en pleine tourmente. Le choix du Premier ministre Moctar Ouane et la mise à l’écart de certains proches du « faiseur de coups d’Etat » aura été pour beaucoup dans ce retournement de situation qui a pris de court et la Cédéao et les chancelleries occidentales.

Les condamnations ont eu beau circuler, le coup d’Etat dans le coup d’Etat a eu lieu. Le Mali renoue ainsi, par la faute de ses dirigeants, de son armée surtout qui refuse de se rendre dans les casernes, avec ses vieux démons qui semblent impossible à exorciser. Dans la soirée du 28 mai, Assimi Goïta est désigné président par la cour constitutionnelle. Tout est dit.

A ces tristes événements qui n’embellissent nullement l’image d’un continent où la partie francophone continue de faire pâle figure en termes de l’alternance et de la démocratie, vient s’ajouter le sentiment antifrançais qui gagne du terrain et se propage comme une traînée de poudre au sein des descendants de Soundjiata Keïta. Comme au Burkina Faso et au Niger, des manifestations antifrançaises se sont multipliées au Mali ces derniers mois, en réaction à l’omniprésence de l’ancienne puissance coloniale au Sahel.

Le Russie en embuscade

Le manque de résultats tangibles dans la lutte contre des groupes djihadistes qui soufflent le chaud et le froid au Mali, le rapport de l’ONU indiquant qu’une frappe de l’opération Barkhane a visé des civils dans un village malien, et la menace terroriste qui n’a jamais cessé de planer sur la tête des populations, ont exacerbé les hostilités nourries à l’égard du colon.

Dans un entretien diffusé dans le Journal du dimanche du 30 mai dernier, Emmanuel Macron a affirmé que la France retirerait ses troupes si le Mali allait dans le sens d’un islamisme radical. « Au président Bah N’Daw, qui était très rigoureux sur l’étanchéité entre le pouvoir et les djihadistes, j’avais dit : ‘l’islamisme radical au Mali avec nos soldats ? Jamais de la vie ! Il y a aujourd’hui cette tentation au Mali, mais si cela va dans ce sens je me retirerai », a affirmé le successeur de François Hollande qui dénonçait déjà en janvier 2020 les discours antifrançais suscité par « des puissances occidentales » ayant « un agenda de mercenaires».

Sans doute la Russie était-elle visée dans cette déclaration de Macron qui ne peut tolérer le fait que la Russie trouve grâce aux yeux des pays du Sahel, elle qui entreprend depuis un moment avec eux une coopération militaire. Grand bien leur fasse.

C’est donc peu dire que ce sentiment antifrançais qui grandit fait les affaires d’une Russie en embuscade et prête à occuper la place que la France aura laissée libre une fois déboutée. N’a-t-on déjà pas entendu ici et là des slogans prorusses scandés au cours des manifestations ? Et Moscou ne s’est-elle pas elle-même mieux rapprochée du Mali avec l’accord de défense signée entre les deux pays en juin 2019?

De l’urgence pour l’Afrique de voler de ses propres ailes

Ce qui désole dans ce qui ressemble à une partie d’échecs où tous les coups sont permis, c’est le fait de voir la junte malienne— qu’on soupçonne de faire le jeu de la Russie— ne tourner le dos à la France que pour plaire… à la Russie ! Le Mali cesse d’être esclave en changeant de maître. En est-il pour autant libéré du joug occidental ? Peut-on trouver rien de plus pathétique que de se jeter dans les bras de Poutine parce que la France a un passé colonial sujet à caution ? Quitter un asservissement pour en recouvrir un autre n’est rien moins qu’un asservissement de plus qui continuera de miner le Mali qui est à l’image des autres pays du continent.

C’est ridicule qu’après soixante années d’indépendance, maints Etats africains, tels des novices punis par un clan, vont se mettre sous la férule d’un autre dont les magouilles ne sont pas moins suicidaires. Loin de nous la volonté de louanger la diplomatie française, mais celle russe est tout ce qu’il y a de plus autocratique, démagogique. La Russie de Poutine ne se porte aussi mieux que quand le seul maître à bord traque ses opposants, les écroue et tord le cou aux moindres réflexes démocratiques. Est-ce là le modèle à copier par des démocraties aussi fébriles que les nôtres ? Quitter le voleur pour sympathiser avec le sorcier, voilà ce que cela signifie.

On le voit bien, le syndrome de Peter Pan est la formule qui caractérise à souhait la soumission où se vautrent les Etats francophones du continent : comme ce personnage de fiction créé par J. M. Barrie, les dirigeants africains jouent « les garçons qui ne veulent pas grandir », et sont angoissés à l’idée de devenir adultes, de quitter l’enfance et de prendre leurs destins en main. Il est temps pour l’Afrique de s’émanciper littéralement sans s’acoquiner avec quelque puissance que ce soit. Toujours tendre la sébile ne fait pas de l’Afrique un continent sérieux et responsable. C’est l’heure de signer des partenariats dénués de tout joug colonial. Il est temps que l’Afrique vole de ses propres ailes. Ce n’est qu’ainsi qu’on pourra parler de développement.

Par ailleurs La malencontreuse tournure qu’a prise la transition au Mali est le nom d’un échec, celui d’un Faure Gnassingbé et d’un Robert Dussey qui ont dû ravaler leur diplomatie à la noix, après le contre-pied de l’artiste des coups d’Etat Assimi Goïta. Doit-on rire ou pleurer de ces effets de manche du président togolais qui, oubliant la poutre implantée dans son œil, s’en va enlever une paille dans celui de son voisin ? Ces déplacements soldés par des échecs doivent prévenir les autorités togolaises toujours prêtes à faire les mouches du coche.

Sodoli Koudoagbo

Source : Le Correcteur / lecorrecteur.info