Un soldat guinéen à l’extérieur du lieu de rencontre entre la junte et la délégation de la CEDEAO à Conakry, en Guinée, le 10 septembre 2021 | Photo : The Associated Press

Malgré, le processus de démocratisation enclenché en 1990, le putsch, un mal qui sévit depuis les Indépendances, reste d’actualité en Afrique de l’Ouest. En 30 ans, l’Afrique de l’Ouest a connu plus de 25 coups force ou tentatives de coups de force. Considéré à juste titre comme une entorse au processus démocratique, le coup d’Etat est désormais accueilli avec des critiques moins virulentes qu’il y a quelques années.

Dimanche dernier, après la diffusion sur les réseaux sociaux des images du président Alpha Condé dans les mains des militaires putschistes et la confirmation de l’information par les médias, des citoyens guinées ont commencé à se mobiliser dans plusieurs villes du pays pour manifester leur joie. Des milliers de personnes à moto ou en voiture ont été aperçues dans des scènes de joie notamment à Conakry, la capitale. Une façon selon eux d’extérioriser leur soulagement par rapport à la situation qui prévaut dans le pays depuis plus de deux ans avec les scénarii du troisième mandat d’Alpha Condé.

Des militaires ont été accueillis sous les acclamations de milliers d’habitants soulagés de tourner la page de onze années de présidence d’Alpha Condé et de violences politiques. « C’est fini, la Guinée est libre ! Pour nous, c’est une liberté, la fin d’un système, et notre but, c’était surtout ça : se débarrasser de ce système. C’est pour ça que je suis content, et non pas tant parce que les militaires ont pris le pouvoir,», a lancé une citoyenne guinéenne. « C’est quelque chose que la population attendait », a expliqué Thierno Diallo, Journaliste local.

Et ce n’est pas la première fois que les putschistes sont accueillis en sauveurs dans un pays de la sous-région. En effet, en août 2020, après le renversement du président Ibrahim Boubacar Keïta (IBK) par une junte militaire, des milliers de maliens étaient descendus dans les rues de leur capitale pour célébrer le coup d’Etat. Comme sevrés de leurs colères contre un régime jugé corrompu et inefficace, les manifestants ont fêté la chute d’IBK, dont ils réclamaient le départ depuis plusieurs mois.

Des scènes de liesse à l’annonce d’un coup d’Etat étaient difficilement imaginable il y a encore quelques années.

En effet, au lendemain des indépendances, les auteurs des différents coup d’Etat qu’a connu la sous-région ont été considérés comme des traîtres téléguidés par les métropoles pour créer un désordre constitutionnel afin de continuer par pilier les ressources de leurs anciennes colonies. Mais au fil des années, la politique de la terreur instaurée par certains Chefs d’Etat dans l’unique but de perpétuer un système incapable de prôner une gouvernance efficace et le partage équitable des richesses ont fini par amener les citoyens à attendre impatiemment le « messie » qui sortirait des rangs de l’armée. De ce fait, les soldats qui osent renverser un chef d’Etat qui garantit à soi-même (à l’image de de l’article 75 de la Constitution togolaise) protection, immunité et impunité, voire même à ses proches, sa famille, ses partisans et autres affidés plus ou moins impliqués dans des scandales financiers et autres détournements de deniers publics. Ces mêmes chefs d’Etat qui orchestrent des révisions autoritaires de la Constitution pour leur permettre détendre leur mandat au-delà de la durée et du nombre prévu par la Loi fondamentale. Un nouvel mode de Coup d’Etat constitutionnel en vogue sur le continent et qui n’émeut personne.

Voilà pourquoi, les institutions sous régionales et continentales notamment l’Union Africaine (UA) et la Communauté des Etats d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) qui condamnent les coups d’Etat et appellent à un retour à l’ordre constitutionnel et le rétablissement des présidents déchus deviennent pratiquement des ennemis des peuples étouffés pendant des années par des dirigeants avides de pouvoir.

Les prises de pouvoir par la force sont devenus les seules voies légitimes aux peuples africains qui sont étonnés du silence ou des discours alambiqués de ces puissances démocratiques occidentales quand des dirigeants africains se livrent à des coups d’États constitutionnels sur le continent noir. Surtout en Afrique francophone.