Payadowa Boukpessi, ministre de l’administration territoriale, de la décentralisation et des collectivités locales | Photo : RoT

« Les hommes n’acceptent le changement que dans la nécessité et ils ne voient la nécessité que dans la crise » (Jean Monnet)

Le Togo est un pays atypique. Les gouvernants ont tellement bercé dans la tyrannie qu’ils ne veulent pas lâcher une once de pouvoir. Ils ont cette conception hitlérienne que tout leur appartient et tout doit leur revenir. Le processus de décentralisation bancale mené par le régime en est une parfaite illustration.

Pendant plusieurs décennies, par des manœuvres dilatoires, le régime s’est refusé à réaliser ce choix de gouvernance, les communes et préfectures ayant été gérées en toute opacité par des délégations spéciales non élues.

Sous la pression des partenaires occidentaux, surtout de l’Union Européenne, le pouvoir togolais s’était finalement décidé en juin 2019, après 30 longues années d’attente, à organiser le processus de décentralisation, «la démocratie de proximité», afin de renouveler les représentants des collectivités locales et de favoriser une plus grande proximité et une meilleure prise en compte des besoins des populations.

Après les élections calamiteuses qui ont permis au parti au pouvoir de s’octroyer l’écrasante majorité des communes, pour empêcher la ville de Lomé de tomber dans l’escarcelle de l’opposition, le régime de Faure Gnassingbé a érigé dans la foulée un District autonome du Grand Lomé, avec à sa tête une personnalité non élue, pour chapeauter les préfectures d’Agoenyivé et du Golfe et toutes les communes de la capitale. Les compétences dévolues à ce District ont trait à « la gestion d’infrastructures d’importance nationale à caractère commercial, sportif, sanitaire culturel, etc. telles que les marchés et les hôtels construits par l’Etat».

Comme si les maires n’ont pas été suffisamment dépouillés de leurs prérogatives, le gouvernement a décidé le 27 octobre dernier cette fois d’imposer l’Agence nationale d’appui au développement à la base (ANADEB) comme maître d’ouvrage de toutes les communes du Togo. Seule cette structure est habilitée à exécuter tous les travaux d’investissement socioéconomiques et éducatifs des 117 communes que compte notre pays.

Les maires voient ainsi leurs pouvoirs réduits comme peau de chagrin. Tel est le visage hideux de la décentralisation au Togo. Dans une déclaration, Mme Brigitte Adjamagbo-Johnson, Secrétaire générale de la CDPA, dénonce une confusion des genres, en ce sens que l’ANADEB qui est membre de la Commission de gestion du FACT, attribue les dotations aux communes et veille à leur bonne gestion, soit en même temps maître d’ouvrage délégué pour exécuter les projets financés par les dotations octroyées.

«Cette situation est d’autant plus intolérable qu’il existe d’autres agences que chaque commune peut choisir à sa guise après les avoir mis en concurrence afin de faire baisser substantiellement les coûts de la maîtrise d’ouvrage délégué dans l’intérêt des populations ; il s’agit de Citafric (agence de développement urbain municipal) et de AGETUR Togo (agence d’exécution des travaux urbains) », relève le parti.

La décentralisation trouve sa justification dans les avantages qu’elle procure en termes d’efficacité et de désengorgement des prérogatives de l’État centralisé. A quoi sert ce processus dans notre pays si les maires doivent seulement se confiner à collecter les taxes et à célébrer des mariages ?

Médard Amétépé

Source : Liberté / libertetogo.info