Awa Nana Daboya, HCRRUN | Photo : DR

Indemnisations et réparations, oui, réconciliation, peut-être. Le Haut-commissariat à la Réconciliation et au Renforcement de l’Unité Nationale (HCRRUN) vient de faire le bilan de ses activités d’indemnisations et de réparations des victimes des violences politiques entre 1958 et 2005. La situation sociopolitique ne permet pas de réaliser la réconciliation tant que la justice est impossible pour les victimes.

Mardi dernier, le Haut-commissariat à la Réconciliation et au Renforcement de l’Unité Nationale (HCRRUN) a dressé le bilan de la 3ème étape du programme de réparation et d’indemnisation des victimes de violences politiques durant la période 1958-2005 au Togo. Pour cette phase qui s’est déroulée de septembre 2019 à décembre 2020, 5 608 victimes ont été indemnisés pour un montant total de 4,830 milliards de francs CFA. « Le volet indemnisation des victimes de violences politiques au Togo de 1958 à 2005 s’est poursuivi dans la troisième phase du 1er septembre 2019 au 18 décembre 2020. Pour cette étape, l’Etat a alloué au HCRRUN une enveloppe de 5 milliards FCFA sur le budget de l’Etat gestion 2019 », a indiqué Awa Nana-Daboya, présidente du HCRRUN.

D’après l’institution, une allocation de 12 milliards de FCFA a été mise à la disposition du programme de réparation et d’indemnisation des victimes de violences politiques. Le rapport indique que 9,897 milliards FCFA de dépenses d’indemnisations financières à l’endroit de 13.268 victimes ont été faites depuis décembre 2017. Néanmoins, il reste encore à indemniser, selon le HCRRUN, plus de 19.000 victimes de violences. En 2021, et pour la 4ème phase, l’institution va également prendre en compte des indemnisations individuelles, des réparations collectives et mémorielles, ainsi que d’autres aspects du programme.

Un bilan que les responsables de l’institution diront satisfaisant. Peut-être à raison parce que des victimes ont été identifiées, indemnisées et réparées. Plus de 13.000 victimes dont 5.000 prises en charge sur le plan médico-psychologique, c’est énorme. Mais depuis le début de ce processus, une question s’est toujours posée : « L’argent suffira-t-il à apaiser les cœurs et à faire oublier aux Togolais les atrocités vécues depuis plusieurs décennies sous le règne des Gnassingbé ? » Sans ambigüité, on peut répondre par la négative. L’argent n’a jamais apaisé totalement les cœurs, il n’a jamais réussi à cicatriser les plaies et à enlever les douleurs. Ce qui répare et apaise, c’est la justice pour les victimes.

C’est ce qui a été fait dans certains pays comme l’Afrique du Sud où les processus dits de justice, vérité et réconciliation ont été conduits. Au pays de Nelson Mandela, bourreaux et victimes se sont retrouvés, et chacun a dit ce qu’il avait sur le cœur. Pleurs, rage, tristesse, regret, pardon… ont été exprimés. Mais au Togo, victimes et bourreaux n’ont pas eu l’occasion de se retrouver. Les bourreaux bien connus par les victimes n’ont pas été officiellement identifiés. Pire, ils sont toujours promus, récompensés voire honorés par celui qui était censé faire régner l’ordre dans le pays. En réalité, un changement de comportements s’impose si l’on veut réellement aller vers une véritable réconciliation.

Malheureusement, la situation est pire qu’au début du processus de réparations et d’indemnisations. Depuis la mise en place de la Commission Vérité-Justice et Réconciliation (CVJR) en février 2009, la situation des libertés sociopolitiques et celle des droits de l’homme connaissent une descente aux enfers. Outre les élections émaillées de fraudes massives et de répressions sanglantes, les Togolais sont de plus en plus confinés, réduits dans leurs mouvements. La récente révision de la loi sur les manifestations et les libertés publiques n’a fait que renforcer le sentiment de méfiance vis-à-vis du régime en place. L’épisode des manifestations populaires réprimées de 2017 et celui des élections législatives, locales et présidentielle ont contribué à annihiler les maigres chances de réconciliation. La chasse à l’homme lancée contre le candidat, les responsables et les militants de la Dynamique Monseigneur Kpodzro (DMK) n’arrange en rien la situation. Le nombre sans cesse croissant des détenus politiques, la mauvaise gouvernance, l’impunité des crimes économiques et des violations des droits de l’homme ne font que renforcer le sentiment de division au sein des Togolais. Il faut donc plus que des milliards et des discours pour parvenir à la réconciliation. La justice doit être d’abord faite car c’est ce qui apaise vraiment les cœurs.

G.A.

Source : Liberté