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« Le plus fort n’est jamais assez fort pour être toujours le maître, s’il ne transforme sa force en droit et l’obéissance en devoir » (Jean-Jacques Rousseau). Les autorités togolaises sont promptes à réagir vigoureusement et à sanctionner les enseignants pour peu qu’ils organisent des mouvements de grève pour réclamer de meilleures conditions de travail et de vie.

Il y a cinq mois, en novembre 2021, suite à la grève lancée par la Fédération des syndicats de l’éducation nationale (FESEN), près de 1200 enseignants et directeurs d’école avaient été suspendus de leurs fonctions.

On se rappelle qu’à la veille de la grève, le ministre des Enseignements primaire et secondaire, à travers une note de service, avait invité les directeurs d’école à dresser la liste des enseignants qui participeraient à la grève. La décision fut implacable. Environ 1200 directeurs d’écoles avaient été déclassés après la grève. Face au tollé suscité par cette sanction contraire à la convention de l’OIT, le ministre a dû faire un rétropédalage et réhabiliter certains d’entre eux. Mais les autres n’ont jamais retrouvé leur poste. 30 mars 2022. Rebelote.

137 enseignants ont été exclus cette fois par le ministre de la Fonction publique pour avoir observé la grève lancée par le Syndicat des enseignants du Togo (SET). Manifestement, les enseignants n’ont plus le droit d’user de la seule arme dont ils disposent, la grève, pour faire aboutir leurs revendications. La liberté syndicale est ainsi mise à rude épreuve dans notre pays.

Les gouvernants sont sans pitié avec les enseignants qui peinent à accomplir convenablement leur mission, faute de moyens et de motivation. Malheureusement, on n’observe pas la même diligence quand il s’agit de sanctionner ceux qui prennent des libertés avec les deniers publics dans notre pays. Depuis l’avènement de Faure Gnassingbé au pouvoir il y a 17 ans, les crimes économiques et les détournements de fonds publics commis sous son magistère sont aussi longs que le bras. Les tenants du pouvoir, obsédés par le lucre, passent le plus clair de leur temps à écornifler l’argent du contribuable. Et la corruption fleurit de plus belle dans les plates-bandes du sérail.

En témoigne les nombreux scandales de détournement de fonds publics qui ont défrayé la chronique dans le pays. Le plus récent concerne ce qu’on avait appelé le petrolegate, le détournement de 500 milliards FCFA dans la commande publique du pétrole par les membres du Comité de suivi des fluctuations des prix des produits pétroliers (CSFPPP).

Lorsqu’après l’audit commandité par le gouvernement, l’Inspection générale des finances avait confirmé les faits de détournement, certains des ministres qui prennent plaisir à sanctionner les enseignants, ont tenté d’étouffer le scandale en prenant la défense des prévaricateurs. Dans ce même pays, certains prennent un méchant plaisir à jouer avec ce que l’homme a de plus sacré, la vie. C’est ainsi que plusieurs enfants (Anselme Sinandaré, Douti Sinalengue, Rachad Agrignan-Maman, Joseph Zoumekey, Moufidou ldrissou…) ont été lâchement assassinés sans que ces crimes odieux n’émeuvent guère Faure Gnassingbé et ses ministres. Les coupables n’ont jamais été inquiétés, mais sont au contaire protégés par la puissance publique qui les exonère du devoir élémentaire de rendre compte.

Mais quand il s’agit de sanctionner les enseignants qui réclament une meilleure répartition des richesses, quand il s’agit de traquer des responsables et militants d’opposition accusés de prétendus délits d’opinion, les gouvernants ne reculent devant rien.

Ainsi va le Togo des Gnassingbé!

Médard Ametepe

Liberté Togo