Caricature : Donisen Donald / Liberté

A la tête du Togo depuis 17 ans, Faure Gnassingbé ne laisse entrevoir une quelconque volonté de quitter le palais de la présidence à la fin de son quatrième mandat acquis en février 2020. Au contraire, le président togolais semble, par ses fréquentations, envoyer les signaux d’un long règne.

Samedi dernier, le Président togolais était à Oyo située à plus de 400 kilomètres de Brazzaville, la capitale de la République du Congo. Faure Gnassingbé y a pris part à « un sommet sur les mécanismes de suivi de l’accord cadre pour la paix, la sécurité et la coopération en RD Congo et la région » (twitter présidence du Congo) signé en 2013 par 13 pays de la région des grands lacs. Etaient donc présent à cette rencontre, les dirigeants du Congo, Denis Sassou Nguesso, de la RDC, Félix Antoine Tshisekedi et de l’Ouganda, Yoweri Museveni. Nombre d’observateurs se sont alors demandé que cherche le président togolais à ce sommet à priori avec lequel le Togo n’a rien avoir.

Deux hommes, plus proche que jamais…

Selon la Présidence togolaise contrairement au poste de la présidence congolaise, il s’agit d’un « mini-sommet sur la paix et la sécurité dans les régions africaines ». « Les échanges entre les quatre Chefs d’État ont porté essentiellement sur la situation politique et sécuritaire dans les régions des Grands Lacs d’Afrique centrale et d’Afrique de l’ouest », a-t-elle précisé.

En réalité, l’homme fort de Lomé n’aurait pu s’inviter à ce sommet sans l’accord de son « ami et frère » Denis Sassou Nguesso. Depuis quelques années, les deux hommes entretiennent de très bons rapports. Surtout depuis 2013, l’année qui a vu, selon plusieurs sources bien introduites dans les palais africains, le fils d’Eyadéma initié à la franc-maçonnerie par le président congolais, maître maçon du Congo, proche de la Grande Loge Nationale Française. D’ailleurs, ce n’est pas la première fois que le président du Togo se rend dans cette ville, fief de « l’empereur » (ndlr : surnom donné à Denis Sassou Nguesso par ses homologues ouest africains) du Congo.

Ces dernières années, le chef de l’Etat togolais s’est rendu plusieurs fois à Oyo souvent sur invitation du maître des lieux. C’était le cas en novembre dernier. Bien avant, en août 2020, lors d’une autre visite dans la même ville, Faure Gnassingbé s’est montré dithyrambiques envers son « parrain ». «Le Président Dénis Sassou Nguesso qui a toujours travaillé dans la discrétion totale mais avec des résultats très probants. Nous saluons sa constance, sa ténacité et sa pugnacité qui sont des vertus pour la réussite », a-t-il déclaré avouant qu’il était venu aussi « prendre conseils auprès du président Denis Sassou Nguesso dont la maîtrise des dossiers africains n’est plus à démontrer».

Congo et Togo, deux pays aux réalités différentes…

En fait, c’est un secret de polichinelle. Le Chef de l’Etat togolais avoue une certaine admiration pour l’indéboulonnable président de la République du Congo. Par conséquent, il nourrirait le rêve d’avoir un règne aussi long que celui de son défunt père, 38 ans au pouvoir qui était d’ailleurs très proche de Sassou Nguesso. Pour ce faire, Faure Gnassingbé semble vouloir s’appuyer sur la méthode N’guesso. Dans les faits, « l’empire » de Denis Sassou Nguesso se limite bien aux frontières du Congo, mais son poids politique, son influence et surtout sa capacité à se maintenir au pouvoir, en dépit des critiques internationales en termes de mauvaise gouvernance et de non-respect des droits, lui confèrent un statut à part. « En Afrique francophone, c’est lui qui a appris à tout le monde comment conserver le pouvoir ! Couper Internet, assiéger les opposants à leur domicile pour les empêcher de faire des meetings… Il est un mentor très respecté ! », a ironisé Roch Euloge N’Zobo, le coordonnateur du Cercle des droits de l’homme et de développement (CDHD).

Si les pratiques susmentionnées ont contribué à maintenir Sassou Nguesso au pouvoir depuis trente ans, il n’est pas certain qu’elles puissent continuer à réduire aux silences les voix dissonantes à Lomé. Même si en réalité, le régime togolais utilise fréquemment ces pratiques rétrogrades, elles ont une portée limitée face aux réalités internes et à la pression internationale. En effet, pris au piège par des militaires pressés de protéger leurs petits intérêts au lendemain du décès de son père, Faure Gnassingbé traine depuis lors le lourd passif de son avènement au pouvoir. Le président togolais doit aussi composer avec des relents dans son propre camp. Le cas de son demi-frère, Kpatcha écroué pour tentative à la sûreté de l’Etat depuis 2009 est toujours mal perçu dans les cercles du parti au pouvoir, selon des sources dignes de foi. Certains caciques écartés aussi seraient en courroux contre l’héritier du 05 février 2005.

A tout cela, il faut ajouter la soif des togolais de voir du changement à la tête du pays et la situation sociale préoccupante. En 2017, ils étaient des milliers sur toute l’étendue du territoire national à criér leur haro sur le régime cinquantenaire. A la place des aspirations légitimes des populations, le régime s’est endurci avec une réforme constitutionnelle qui selon les opposants est taillée sur mesure pour l’actuel chef d’Etat, des lois liberticides et une volonté affichée de faire taire toutes les critiques.

Autant de raisons qui compliquent le rêve de Faure Gnassingbé. Tout le contraire, d’un Denis Sassou Nguesso que rien ne semble pouvoir déboulonner.

Source : Fraternité / fraternitenews.info