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Pour la soixante-troisième fois de son histoire, le Togo a fêté son accession à la souveraineté internationale le 27 avril dernier. Saut en parachute en haute altitude des Forces Armées Togolaises (FAT), parade en pelotons des défilés, sur terre, dans les airs et sur mer, présence du Président de la République et Chef des Armées, des membres du gouvernement, de l’Assemblée Nationale, des Présidents des institutions de la République, du corps diplomatique accrédité et d’autres officiels… C’est peu dire que l’événement a tenu toutes ses promesses. On aurait pu parler d’une organisation réglée comme du papier à musique, si le cadre de l’adresse du Chef de l’Etat à la nation n’avait pas changé cette foisci. Rare pour être mentionné, les Togolais ont eu droit à un format inédit pour le moins : leur Président a répondu, avec la gestuelle clinique, à deux journalistes de la chaîne privée togolaise New World TV.

Si le cadre était décontracté, le ton bon enfant, le fils de Gnassingbé a-t-il pour autant convaincu ? On peut accorder le bénéfice du doute, et même plus, au Président qui veut se donner les moyens pour venir à bout à ce fléau qu’est le terrorisme qui semble tisser sa toile dans nos murs. Faure Gnassingbé prépare les esprits à « s’attendre à un long combat avec des périodes de drames, parce que c’est inévitable quand il y a la guerre », tout en assurant de la réussite de ce combat qui n’est qu’une « forme d’agression de deux groupes. L’un s’appelle l’État islamique au grand Sahara, et l’autre le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans » : « je peux rassurer mes compatriotes qu’au bout, il y aura la victoire. Nous sommes déterminés à réduire ces bandes armées », a martelé Faure Gnassingbé après avoir déploré la perte en vies humaines d’une centaine de citoyens d’une part, d’une « quarantaine d’hommes » dans les rangs des forces de défense et de sécurité de l’autre.

Que le Togo soit obligé de faire face à la menace djihadiste ne doit pas servir de prétexte à l’exécutif pour ne se focaliser que sur le volet sécuritaire. C’est le moins de soin accordé au volet social qui fait rallier des populations désargentées à ces bandes armées. On ne le dira jamais assez. Différer l’exécution de la mise en place d’une politique qui soit à même d’unir tous les Togolais autour d’une seule cause, sans qu’aucune minorité n’empiète sur le droit du plus grand nombre, voilà qui aiderait à gonfler à bloc des citoyens. Autrement, on voit mal un ventre affamé partir en croisade contre des gens qui s’y connaissent dans l’art d’affriander des populations démunies, sous protégées et laissées pour compte. Que demande le peuple, sinon manger dignement trois fois par jour, se faire soigner comme il se doit et être à l’abri de quelque impécuniosité que ce soit ?

Le progrès selon Faure Gnassingbé

Pour ce qui est des élections régionales et législatives à venir, Faure Gnassingbé ne dégouline pas moins de bonnes intentions, lui qui a estimé que l’animosité qui découle des élections est de l’histoire ancienne. « Il fut un temps, l’élection était synonyme d’inquiétude dans notre pays. Mais Dieu merci, nous avons fait des progrès, nous avons eu plusieurs élections apaisées. Mais, les remous à l’approche de chaque élection, c’est un débat normal. En réalité, il est habituel qu’à chaque fois qu’on s’approche des échéances électorales, il y a un petit peu d’agitation et de bruit. Nous avons essayé de prévenir cela en faisant un dialogue avec les acteurs de la classe politique. Aujourd’hui d’autres revendications surviennent. Mais pour ne pas polémiquer, je dirais qu’en politique, il faut avoir le sens du compromis. Quand on s’assoie et qu’on a le même objectif, c’est-à-dire la conquête du pouvoir, c’est normal que chacun ait sa stratégie. Et puis, il y aussi une part de posture. Parfois, quand on a des problèmes dans son parti, on essaie de les extérioriser autrement à travers des revendications en disant ceci, et cela ».

Comment n’être pas tenté de donner le bon Dieu sans confession à Faure qui, le temps de l’interview, n’avait rien à envier aux enfants de chœur ? On s’était cru à une homélie au cours de laquelle l’espoir d’une démocratie se sent à plein nez. On s’était cru dans une pub McDonald’s où chaque Togolais est invité à venir comme il est. Sauf que l’idéal rêvé par la majorité des citoyens n’a jamais été mis en musique par un exécutif plus préoccupé par la propagande, la vaine gloire et autres vanités toutes plus impopulaires les unes que les autres. Nous avons eu plusieurs élections apaisées ? On croit rêver. Mettons que les élections soient apaisées, la démocratie togolaise en est-elle sortie grandie ? De mémoire d’électeur, les dernières élections présidentielles ont été tout sauf le reflet des urnes.

Peut-on parler de « progrès » quand, comme depuis des décennies, il y a eu des irrégularités dans les rendus des résultats ? Parlera-t-on de progrès quand, à quarante-huit heures de la proclamation des résultats, des véhicules blindés et autres check-points sont postés dans tout Lomé, dans l’espoir d’étouffer toute velléité de contestation, alors que le pays n’est pas en guerre ? Aussi longtemps que le verdict des urnes sera soumis aux quatre volontés d’un pouvoir à couteaux tirés avec la bonne gouvernance et la démocratie, la vraie, aura du mal à élire résidence. Le vrai problème est qu’à trop subir le vol de leurs voix dans les urnes, les Togolais n’éprouvent que désabusement et désintérêt à ces législatives et régionales qui ressemblent plus à un match de catch truqué qu’à un vrai processus républicain.

Source: Le Correcteur