misère au Togo
Dans un village togolais | Archives : DR

Le 7 octobre 2020, des experts de la Banque Mondiale ont produit un billet qui actualise l’état de la pauvreté dans le monde. Mais par rapport aux travaux de l’Institut national de la statistique des études économiques et démographiques (INSEED) ayant débouché sur le taux de pauvres et le seuil ayant servi de base de calcul, il y a problème. Pendant que la Banque Mondiale parle de seuils allant de 1,90 dollar (950 FCFA) à 5,5 dollars (2750 FCFA) par jour, l’INSEED lui autre a avancé le chiffre de 273.628,3 FCFA par personne et par an. Ci-dessous le billet de

Le billet de la Banque Mondiale

« Actualisation des estimations de l’impact de la pandémie de COVID-19 sur la pauvreté : l’incidence des nouvelles données

Dans notre dernier billet, nous estimions qu’en 2020, la pandémie de COVID-19 ferait basculer entre 71 et 100 millions de personnes dans l’extrême pauvreté (sous le seuil international de 1,90 dollar par jour). Depuis, nous avons intégré de nouvelles données dans PovcalNet (a), un outil en ligne de la Banque mondiale pour estimer la pauvreté dans le monde. Cet exercice nous a conduits à réviser nos estimations du nombre de pauvres avant l’apparition du coronavirus et du nombre d’individus ayant basculé dans l’extrême pauvreté à cause de la pandémie. Selon ces nouveaux calculs, 9,2 % de la population mondiale, soit 689 millions de personnes, vivaient dans l’extrême pauvreté en 2017. Comme nous l’expliquons ici, nous avons notamment tenu compte d’une révision des parités de pouvoir d’achat de 2011 et de nouvelles données d’enquête pour le Nigéria (pour plus d’informations, voir Castaneda et al. [a]). En conséquence, nous avons également revu notre analyse de l’impact de la pandémie et estimons aujourd’hui qu’en 2020, entre 88 et 115 millions de personnes basculeront dans l’extrême pauvreté, faisant perdre environ trois ans aux efforts de réduction de la pauvreté. Ces nouvelles estimations figurent également dans la dernière édition du Rapport sur la pauvreté et la prospérité partagée, qui paraît aujourd’hui.

Comme précédemment, nous calculons le nombre de personnes poussées dans la pauvreté par la pandémie en fonction des prévisions de croissance des éditions de janvier et de juin 2020 des Perspectives économiques mondiales. L’édition de janvier sert de référence pour la situation de la pauvreté dans le monde en l’absence de pandémie de COVID-19. L’édition de juin propose deux scénarios de croissance intégrant la présence du coronavirus : un scénario de base (recul de la croissance mondiale d’environ 5 % en 2020) et un scénario pessimiste (contraction d’environ 8 % en 2020). Nous mesurons l’impact de la pandémie de COVID-19 sur la pauvreté en calculant la différence du nombre de pauvres entre les prévisions de croissance de janvier et celles de juin 2020. Nous estimons ainsi que 88 millions de personnes basculeront dans l’extrême pauvreté en 2020 du fait du coronavirus, un chiffre qui pourrait grimper à 115 millions dans le scénario pessimiste, qui table sur un impact économique plus grave de la pandémie.

[…]Avec la prise en compte des nouvelles données PovcalNet, le nombre additionnel de pauvres dus à la pandémie augmente sensiblement au seuil de pauvreté de 1,90 dollar, l’impact étant plus atténué aux seuils supérieurs. Ainsi, le nombre de personnes basculant dans la pauvreté du fait du coronavirus passe de 71 millions (base de juin) à 88 millions (base de septembre) au seuil de pauvreté de 1,90 dollar, contre une légère diminution, de 176 à 175 millions au seuil de pauvreté de 3,20 dollars. Une grande partie de cette révision à la hausse du nombre de pauvres au seuil de 1,90 dollar est à imputer à l’Asie du Sud, par suite de l’actualisation des estimations pour l’Inde en 2017/18 (en plus de la révision des PPP, voir Castaneda et al. [a]). Pour autant, la répartition régionale de la pauvreté due au coronavirus en 2020 n’évolue pratiquement pas : la plupart des personnes se retrouvant au seuil d’extrême pauvreté mais également à des seuils de pauvreté supérieurs vivent en Asie du Sud. Viennent ensuite l’Afrique subsaharienne, pour le seuil de 1,90 dollar, puis l’Asie de l’Est et le Pacifique, pour le seuil de 5,50 dollars.

Une autre manière de mesurer la gravité de l’impact de la pandémie sur la pauvreté dans le monde consiste à comparer le choc induit par le coronavirus à des chocs précédents ayant eu un effet aggravant sur la pauvreté. Le seul autre choc à avoir accru la pauvreté mondiale au cours des 30 dernières années est celui de la crise financière asiatique en 1997/98. Avant ces deux épisodes, la pauvreté était en repli. Tandis que la crise financière en Asie a accru le taux de pauvreté de 1,3 % en 1998 par rapport à 1997 (de 29,6 à 30 %), la pandémie de COVID-19 devrait faire bondir le nombre de pauvres de 8,1 % en 2020 par rapport à 2019 (de 8,4 à 9,1 %). Cette aggravation serait encore plus considérable selon le scénario pessimiste de septembre, qui prévoit une hausse de la pauvreté de 12,2 %. Nous savons comment les choses ont évolué après la crise financière asiatique : la pauvreté dans le monde a reculé en moyenne de 3,8 % au cours des cinq années suivantes. À contrario, la pandémie actuelle n’est toujours pas finie et nous ne disposons d’aucune prévision sur le long terme. Si l’on se base sur les données et les prévisions disponibles actuellement, le coronavirus a déjà marqué le pire recul de ces 30 dernières années, au bas mot, face à l’objectif de réduire la pauvreté mondiale. »

En 2017, le PNUD classait le Togo 167ème rang sur 189 pays

« L’économie togolaise est dominée par le secteur informel et l’agriculture, qui représente 41% du produit intérieur brut et se caractérise par une productivité et une compétitivité faible ainsi que par la pauvreté endémique des agriculteurs (72,6 % en 2015). Les inégalités persistent malgré la réduction du taux de pauvreté […] », écrivait le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD). En 2017, 53,5% de la population togolaise vivait sous le seuil de pauvreté. Et le pays était classé 167ème rang mondial sur 189 pays. « Malgré ses bons résultats macroéconomiques, le Togo reste confronté à d’importantes faiblesses structurelles telles que l’accès à l’électricité, l’eau, l’éducation de base ou encore l’emploi des jeunes. Le Programme national de développement adopté par le gouvernement en mars dernier, devra en priorité s’attaquer à ces domaines essentiels au bien-être des populations locales », rapporte TV5Monde.

Et l’INSEED proclama un nouveau seuil de pauvreté « à la togolaise »

Selon des données de l’INSEED publiées le 29 octobre 2020, l’incidence de la pauvreté se situerait à 45,5% en 2019. Désormais, le seuil de pauvreté national est de 273.628,3 FCFA par personne et par an.

Ainsi, en considérant les données mondiales, le seuil de pauvreté reconnu et accepté est de 1,90 dollar (950 FCFA) par jour et par personne. Ce qui, en considérant le taux de change du dollar à 500 FCFA comme cours légal, revient à dire qu’annuellement, ce seuil rapporté à l’année, correspond à 1,9 X500 FCFA X 352 jours, ce qui donnerait 334.400 FCFA et non 273.628,3 FCFA en dessous duquel on considère une personne comme pauvre.

La différence entre le seuil calculé de la Banque Mondiale et celui de l’INSEED est de 61.131,7 FCFA, ce qui représente un « abattement » de 18,28%. Trop énorme pour être négligé. Doit-on considérer que ceux dont la valeur du revenu annuel est comprise entre 334.400 et 273.268,3 FCFA sont considérés aux yeux de la Banque Mondiale comme pauvres, mais non pauvres quand on se situe au Togo ?

La pandémie du coronavirus a fait actualiser les données dans le monde, raison pour laquelle il est indiqué que des années d’efforts risquent d’être plombées. Mais bizarrement, on annonce que le taux de pauvreté ne fait que reculer au Togo. Il y a quelque chose qui cloche. L’INSEED avait-il utilisé le seuil de la Banque Mondiale (1,90 dollar) pour annoncer la réduction de la pauvreté au Togo ?

Pour rappel, en 2015, l’incidence de la pauvreté était de 51,1%, contre 58,7% en 2011 et 61,5% en 2006

Godson K.

Source : Liberté