Photo : DR

Cela fait cinq mois que le Togo livre une bataille acharnée contre la pandémie de coronavirus. Malgré l’ampleur de la propagation ces derniers jours, certains togolais rechignent à observer les gestes barrières et autres mesures édictées par le gouvernement pour limiter la propagation de la maladie. Selon plusieurs observateurs avisés, ce constat s’explique par le fait que peu de togolais font confiance au gouvernement sur tout ce qu’il déclare sur la pandémie.

Et depuis quelques mois l’illustration de la méfiance vis-à-vis de l’exécutif est palpable. En effet, pour faire barrage à la maladie à coronavirus, comme tous les pays touchés par la pandémie, les autorités togolaises ont édictées plusieurs mesures suivant les recommandations de l’Organisation mondiale de la santé. Il s’agit du lavage régulier des mains, de l’observation d’une distanciation physique et le port de masque dans l’espace public recommandé à la population. Cette dernière peine à rentrer dans les habitudes des Togolais. Face à cette situation les autorités ont décidé de rendre obligatoire le port de masque. Mais cela n’a pas été suivi.

Il a fallu utiliser la manière forte en déversant les forces de sécurité dans la rue pour que certains concitoyens qui rechignent à porter les masques s’exécutent. Mais là encore, les masques portés autour du cou ne sont remontés au niveau du nez qu’à la vue d’un élément des forces de sécurité. Aussi, dans certains quartiers, les gens continuent-ils de s’attrouper et d’organiser des funérailles avec du monde ce qui est contraire à la décision du gouvernement qui demande que les rassemblements dans ces genres d’occasion soient limités à 15 personnes au maximum. « Certains ne semblent pas prendre nos recommandations au sérieux. C’est non seulement décevant, mais c’est dangereux», a expliqué une source proche de la Coordination nationale de la gestion de la riposte contre la Covid-19.

Pire, malgré une progression de la pandémie avec plus de 1000 personnes infectées, certains togolais continuent de croire que la pandémie de coronavirus a exempté le Togo. Pour ces derniers, l’Etat « comme toujours a inventé cette maladie pour bénéficier des donations des institutions internationales ». C’est le cas de Kossi, 25 ans, un jeune rencontré au Grand marché de Lomé, sans masque. « Le gouvernement a toujours menti. Je ne peux croire des gens qui font des promesses qu’ils ne tiennent pas, disent la vérité aujourd’hui. Ces gens qui tentent toujours de peindre un tableau noir en blanc, c’est difficile de leur faire confiance », confie ce portefaix.

Comme ce portefaix, plusieurs togolais ne croient pas en la parole du gouvernement. Chez eux, le cap des 1000 cas confirmés dépassés par le pays ne suscite aucune inquiétude. Et de l’avis de certains spécialistes, ce constat à une explication.

Le manque de confiance au gouvernement…

Au fil des années, les crises sociopolitiques avec leurs conséquences ont fini par effriter les rapports déjà tendus entre le régime de Faure Gnassingbé et la majorité du peuple togolais. En effet, les mauvaises relations de confiance entre les togolais et le pouvoir sont antérieures à la gestion de la crise du coronavirus : les crises sociopolitiques successives l’ont montré. Ensuite, la communication laxiste du gouvernement depuis le début de la pandémie a encore plus érodé la confiance des togolais vis-à-vis du pouvoir. « C’est problématique, car la confiance est le principal facteur de production dans un pays, plus que le capital et le travail », explique un observateur.

Pourtant, de la Commission Vérité Justice et Réconciliation (CVJR) créée en 2009 au Haut-Commissariat à la Réconciliation et au Renforcement de l’Unité Nationale (HCRRUN) en passant par les promesses de non-répétition du Chef de l’Etat, Faure Gnassingbé, des millions ont été engloutis par les instruments qui devraient aider les togolais à se réconcilier non seulement entre eux mais aussi avec la classe dirigeante. Mais que nenni. La volonté de conservation prime sur toute consolidation des liens sociaux.

La preuve a été donnée entre 2017 et 2018. En effet, dans cette période alors que le HCRRUN s’évertue à organiser des cérémonies dites de purification, une nouvelle crise sociopolitique a éclaté. Des morts, des blessés et des dizaines de personnes sont écroués dans geôles du régime. Bon nombre de togolais ont toujours en mémoire les atrocités commises par la soldatesque à la gâchette facile du régime.

Et aujourd’hui, à l’heure où le peuple et ses dirigeants doivent faire corps pour combattre le coronavirus, les populations rechignent à suivre les autorités parce que ne sachant plus démêler le vrai du faux. Malheureusement, cette défiance conduit le pays vers la catastrophe prédite par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) au début de la pandémie.

Contrairement au Togo, dans certains pays comme l’Île Maurice, les bons rapports entre les populations et les dirigeants ont permis à certains pays de contrôler plus efficacement la propagation de la maladie. «Il y a eu aussi ce qu’on appelle une compréhension et un « followship », si vous voulez… les gens ont compris l’importance de suivre les consignes », a témoigné Leela Devi Dookun-Luchoomun, vice-Première ministre et ministre mauricienne de l’Education et de l’enseignement supérieur.

De l’avis de certains observateurs, « pour créer un climat de confiance entre deux individus, deux nations, deux entités, il faut tenir ses engagements. Quitte à promettre peu. Or, les gouvernants ont pris l’habitude de faire de grandes promesses sans les tenir, ruinant ainsi leur capital confiance », expliquent-t-ils.

En définitive, cette crise sanitaire aura eu le mérite de montrer les liens fragiles entre le régime de Faure Gnassingbé et une bonne partie de la population togolaise. Par conséquent, plus que jamais, le retour de la confiance entre les togolais et la classe dirigeante devrait être dans toutes les têtes.

Source : Fraternité [fraternitenews.info/]