Prison Civile de Lomé | Archives : DR

Quel serait l’effectif réel dans les prisons civiles du Togo si tous les prévenus jamais passés devant un tribunal devraient être relaxés sans autre forme de procès ? Cette interrogation revient au devant de l’actualité, eu égard au fléau mondial auquel le monde fait face. Le Togo aussi est entré dans le cercle infernal depuis peu. Si le confinement constitue une arme préventive contre la maladie, la promiscuité reste le ferment qui peut faire exploser les cas de morbidité. Comme dans les geôles.

Et si le ministre de la Justice, les procureurs et autres juges d’instruction se réveillaient de leur torpeur et apportaient aussi leur pierre à la lutte préventive contre le coronavirus ! Depuis le déclenchement de la maladie et la multiplication des cas, un mot nouveau est apparu : confinement. Qui veut et demande qu’on reste chez soi tant qu’aucune urgence n’oblige à mettre pied dehors. Mais un autre mot existe qui favorise la prolifération du virus : la promiscuité.

Si le premier a rapport à l’individu, le second fait allusion à un nombre de personnes. Or, plus il y a de personnes agglutinées dans un lieu, mieux le virus –au cas où il fait son apparition dans ce groupe de gens-, se multiplie. Et l’un des endroits où la promiscuité est une réalité et le risque de morbidité et de mortalité élevé, reste la prison.

Au Togo, ce n’est pas un hasard si le comité de lutte contre la torture a préconisé la construction d’un autre centre carcéral et recommandé la fermeture de la prison civile de Lomé. Que ce soit à Lomé ou à l’intérieur du pays, les prisons regorgent de « prisonniers personnels de juges ». Parce que l’Inspection générale des services judiciaires et pénitentiaires manque de présence régulière et effective dans les lieux carcéraux, parce que des magistrats se croient des détenteurs du droit de liberté ou d’incarcération sur les populations, au nom d’une « justice rendue au nom du peuple », les prisons sont remplies de prévenus dont certains passent des années sans jamais connaître l’issue de leur sort et la raison de leur « oubli ».

Mais coronavirus est arrivé et plus rien ne doit être négligé. Chaque jour, des centaines, voire des milliers de visiteurs apportent nourritures et autres effets aux condamnés et prévenus. Si la cause des premiers est entendue devant la loi, celle par contre des prévenus interpelle. Surtout par temps de coronavirus.

L’élection présidentielle au nom de laquelle une chasse aux sorcières a été engagée contre des partisans d’un parti politique est passée, avec des résultats préfabriqués qu’on ne veut pas voir recompter. Mais des prévenus demeurent en prison. Des gens arrêtés lors de manifestations politiques depuis les années 2013 et autres croupissent en prison alors qu’ils devraient recouvrer leur liberté si l’appareil judiciaire fonctionnait normalement. D’autres encore purgent des peines pour le simple motif que les vrais coupables n’auraient pas été arrêtés. Comme un cas qui a été libéré la semaine dernière après…18 ans de prison pour un crime qu’il jure toujours n’avoir pas commis. Des situations qui nous font demander si des magistrats disent le droit au nom du peuple ou en leur nom personnel.

Aujourd’hui plus que jamais, l’heure est à une remise en question des fondamentaux de la vie. Une vice-présidente d’assemblée nationale, du haut de sa position, est morte du coronavirus. On ne veut pas imaginer le ravage que ferait ce virus s’il parvenait par un visiteur ou un surveillant de l’administration pénitentiaire (SAP) à entrer à la prison civile de Lomé. Ce serait dramatique.

Autre chose, les détenus malades sont souvent envoyés au cabanon ou dans des infirmeries pour ceux de l’intérieur du pays. Mais avec la pandémie au coronavirus, il ne sera pas question de faire pareil. Tous les détenus malades du virus pourraient être rassemblés quelque part, mais où ? La réquisition du CHR-Lomé Commune ne vaut que pour les civils en liberté. Que se passera-t-il pour le ou les détenus ? Raison de plus pour désengorger les prisons des détenus de luxe. Avant qu’il ne soit trop tard.

L’Inspecteur général Alfa Adini-Bialou et le ministre Pius Agbetomey doivent se secouer pour anticiper. Faure Gnassingbé surtout. Comme le clame souvent un prétendu pasteur comme quoi, « l’heure est à la foi », on pense qu’avec le coronavirus, « l’heure est aux grâces présidentielles ». Un condamné ou un prévenu est avant tout un être humain.

Godson K.

Source : Liberté