Population de Sika-Kondji | Photo : DR / Liberté

Les populations de Sika Kondji et des villages voisins ont organisé vendredi 18 décembre une conférence de presse sur le conflit qui les oppose à la société ScanTogo relativement à la gestion de leurs terres et des biens qui s’y trouvent. Sur la place publique du village, l’ambiance était au mécontentement. Et pour cause, depuis plusieurs mois, les populations et ScanTogo multiplient les audiences devant la justice, tantôt à Tabligbo, tantôt à Lomé, à la demande de la société d’exploitation minière.

Ce même vendredi, le juge du Tribunal de Tabligbo a effectué un transport sur les lieux pour constater de visu le problème. C’est d’ailleurs ce qui a fait sortir massivement les populations qui attendent toujours, pour la quasi-totalité, d’être indemnisées. Les cris de malédictions à l’endroit des collaborateurs du Directeur général de ScanTogo Eric Goulignac, succédaient aux pleurs et à la colère de subir de l’injustice « à cause de la cupidité de leurs propres frères de même couleur ».

Sur le site où se trouvait le juge, certains propriétaires terriens et exploitants montraient les parcelles qui leur servaient de champs, et donc seule source de revenus. « C’est sur mon champ que vous vous trouvez actuellement. S’ils ne me l’avaient pas pris, à cette époque, il y aurait plein de choses à récolter. Chaque fois que je viens ici, je verse des larmes. Nous souffrons énormément de la perte de nos champs. La situation ne fait qu’empirer », déplore une dame. Comme elle, les nombreuses personnes ayant fait le déplacement pour assister au transport effectué par le juge espèrent une juste indemnisation à l’issu du procès en cours.

Lors de la rencontre avec les médias, la déclaration ci-dessous a été lue par le porte-parole des populations, Djiguidi Kodjo.

Déclaration

Nous, populations de Sika Kondji, n’avons jamais voulu en arriver là. C’est-à-dire être obligées à mettre sur la place publique nos préoccupations. Mais nous sommes obligées de le faire, face à tant de mensonges, de corruption et de cruauté de nos frères noirs autour du Directeur de SCANTOGO. Pourquoi tant de cruauté humaine ? Peut-on se demander.

Le 19 novembre 2020, certains responsables de la société SCANTOGO ont fait une conférence de presse dans laquelle ils ont débité des mensonges énormes au dos de la population. Ce matin c’est la réponse du berger à la bergère. Nous mettons à nue leurs mensonges et nous vous prions de faire usage de votre intelligence pour nous suivre.

Sur l’expropriation des terres

Les terres en milieu rural appartiennent à des collectivités. Rares sont des terres qui ont un titre personnel. Et l’usine SCANTOGO ne peut l’ignorer.

Mais l’usine dit avoir acheté des terres auprès des collectivités et a payé certaines personnes sans avoir pris soins de leurs faire établir un mandat en bonne et due forme donné par les autres cohéritiers. Les sous versés à ces gens n’ont pas été reversés à tous les héritiers et surtout ceux des branches féminines sont exclus. Les héritiers des descendances féminines remettent en cause la vente des terres. Donc, le site de l’usine est construit sur des terrains litigieux. Dire qu’ils ont acheté ces terres n’est qu’une déclaration.

Sur les procédures judiciaires en cours

En 2013, SCANTOGO a compté les biens sur les terres constituant sa carrière pour une durée de 5 ans couvrant la période de (2013-2018). Il n’y a pas eu de problème. Pas le moindre. Pourquoi ?

Pour les superficies trop grandes ayant fait objet de bail, seulement les parties concernées par l’exploitation immédiate avaient vu leurs biens comptés. Pour les autres parties, bien que baillées, les biens qui sont dessus n’ont pas été comptés. Car SCANTOGO était sûr qu’elle ne pourra pas exploiter la totalité de ces grandes superficies avant la fin des 5 ans.

Pour les superficies dont SCANTOGO l’assurance de les exploiter dans les 5 ans, elle a compté les biens sur elles. A chaque comptage des biens, les propriétaires terriens et les exploitants étaient présents. SCANTOGO aussi était représentée. Il est dressé un Procès-verbal de comptage et chaque signataire tient une copie, avec le barème de dédommagement.

Chaque exploitant sait à combien il a droit pour le dédommagement de ses biens. La population était contente à cause de cette transparence.

En 2019, à la fin des 5 ans de baux, il fallait bailler de nouvelles terres et compter les biens à nouveau. Cette fois-ci, ce sont nos frères noirs qui sont aux commandes. Après comptage des biens en présence des propriétaires terriens et exploitants, les procès-verbaux sont dressés comme d’habitude. Cette fois-ci, nos frères noirs qui sont autour du Directeur de SCANTOGO ordonnent à leurs subalternes de ne pas remettre aux exploitants copie des procès-verbaux de comptage.

Voilà tout le problème. Si l’exploitant n’a pas les procès-verbaux de comptage, sur quelle base peut-il être dédommagé ? La mésentente a commencé ainsi.

Les villageois sont obligés de saisir le Tribunal de Tabligbo. SCANTOGO dit que cette juridiction n’est pas compétente pour juger l’affaire. Les villageois sont allés au Tribunal de Lomé où ils ont gagné. SCANTOGO sachant qu’il a rasé la plupart des superficies et que les collectivités ne peuvent plus retrouver leurs biens, déclare qu’elle ne connait pas des gens contre qui il a été en procès sauf une seule collectivité. La seule collectivité reconnue par SCANTOGO, après lui avoir transmis sous menace des pénalités judiciaires ses procès-verbaux, refuse de lui payer sous prétexte qu’il y a trop de tecks sur sa superficie.

Ladite collectivité a planté les tecks sur son propre terrain plus de cinq ans avant la venue de SCANTOGO dans le milieu. Les tecks sont comptés par SCANTOGO elle-même. Où est le problème ? Y a-t-il une loi punissant trop de tecks sur son propre terrain au Togo ?

Réassigné à Lomé pour les contraindre à donner copies des autres procès-verbaux de comptage aux autres collectivités, SCANTOGO dit maintenant que le Tribunal de Lomé est incompétent pour juger de l’affaire. Le conseil des villageois était obligé de radier la procédure et revenir encore à Tabligbo.

Etant donné que suite à la victoire des villageois au Tribunal de Lomé, SCANTOGO dit ne pas reconnaitre les vrais mandataires des collectivités, ces mandataires des collectivités ont fait rapport à ceux qui les ont mandatés. C’est là que tous ceux qui se sentent trichés ont saisi le Tribunal de Tabligbo individuellement.

Arrivé à Tabligbo, SCANTOGO dit encore que son siège est à Lomé donc le Tribunal de Tabligbo n’est plus compétent pour juger l’affaire. On doit aller sur mars pour juger l’affaire ? A Lomé, SCANTOGO dit Tabligbo. A Tabligbo SCANTOGO dit Lomé.

Cette fois-ci, nos avocats sont arrivés à contraindre SCANTOGO pour que l’affaire soit jugée à Tabligbo. C’est pourquoi aujourd’hui vous êtes témoins, le juge est venu constater que les biens ont été effectivement détruits et en place des champs de maïs, d’ananas, des teckerais, des bananiers etc., se trouvent des cratères de carrières. Mais nous sommes au Togo. On attend la suite.

Sur les périodes de comptage

Les premiers comptages ont été faits en février et mars 2019. N’est-ce pas une période sèche au sud Togo ? Quand SCANTOGO dit que désormais ils compteront en saison sèche, on trouve cela curieux d’autant que les premiers comptages effectués en saison sèche sont taxés de frauduleux, pourtant effectués par SCANTOGO même. Ces comptages sont substitués par ceux effectués en juin-juillet qui est plutôt une période de pluie. Faites-vous vous-même votre analyse.

Les différents types de plaignants par devant le juge de Tabligbo

Le premier groupe, c’est ceux qui sont sur le lot 331. Ce lot de dizaines d’hectares a vu une partie de ses biens comptés en 2013. Le reste devrait être compté en 2019. SCANTOGO a presque rasé la totalité du lot au grand dam des bonnes dames qui pleurent. Sous prétexte que l’usine avait compté la totalité des biens avant. Il faut juste produire les pièces de comptages et de dédommagement si l’usine dit vrai. Ces dames réclament leurs dédommagements.

Le deuxième groupe, c’est l’ensemble des plaignants. 1421 au total. Tout le monde réclame son PV de comptage des biens et le barème. Pour ceux qui ont perçu les 250 F etc., afin de voir sur quel critère on leur paie 250 FCFA ou 0 FCFA.

Le troisième groupe, c’est ceux qui n’ont rien eu comme dédommagement, mais leurs biens ont été comptés. SCANTOGO demande à aller recompter les biens sachant qu’après le comptage déjà fait, les gens détruisent les biens car SCANTOGO viendra raser. Les champs d’ananas, les tecks, les bananiers etc., ont été coupés dans les champs des gens après le comptage car SCANTOGO dédommage toujours après avoir compté.

La quatrième catégorie de plaignants, sont des gens dont les biens ont été comptés, détruits par autrui, mais dont les propriétaires terriens se disputent le droit de propriété. SCANTOGO, bloque les sous de dédommagement sous prétexte qu’il y a litige sur le foncier. Or s’il y a litige sur le droit de propriété de la terre, en quoi cela concerne le droit des biens champêtres dont les propriétaires sont bien connus et bien identifiés par les PV de comptage et contresignés par les propriétaires qui se disputent le sol ?

Parmi ces plaintes, qu’y a-t-il d’extraordinaire si la bonne foi existe du côté de SCANTOGO ? A chacun d’en juger.

NB : Rappelons que c’est SCANTOGO qui numérote unilatéralement les lots. Donc les villageois ne connaissent que leurs champs, mais ne savent pas à quel lot ils appartiennent sans les PV de comptage des biens sur lesquels on mentionne les numéros de lot.

Sur le fait que SCANTOGO dit avoir tout payé

En pays Ouatchi, on dit qu’on ne brule pas la case du menteur, mais on la décoiffe. Demandez à SCANTOGO de produire la fiche de paiement.

Aussi, selon le juriste Gnamakou, un des bourreaux de la population de Sika Kondji, le Directeur Général de SCANTOGO Éric Goulignac a donné son feu vert pour payer plus de 1,5 milliards de dédommagements aux exploitants. Alors que le même juriste et le Directeur Administratif et RSE de SCANTOGO déclarent avoir payé tout le monde en montrant des papiers qui n’atteignent pas 350 millions. Où sont passés les 1,15 milliard de FCFA ? Aucun journaliste de leur conférence de presse ne peut le demander ?

Pourtant, on poursuit les journaux (Fraternité, Liberté et Flambeau des démocrates) pour avoir dit que seulement 135 millions ont disparu. Alors que les preuves et les déclarations des frères noirs autour du DG Éric démontrent au moins 1,15 milliard de fonds qu’on ne justifie pas. Mais les tenanciers de la conférence de presse de SCANTOGO disent avoir payé tout le monde. Que chacun voit qui dit vrai.

SCANTOGO a payé à la tête du client certaines personnes. Certains ont droit à zéro franc sans aucune pitié. D’autres 250 FCFA, d’autres encore 500 FCFA. Au même moment, le fils des voleurs qui collaborent avec les noirs autour du D.G Éric Goulignac a plus de 3.000.000 FCFA sans avoir cultivé un centimètre carré de champ. On se demande comment et sur quel critère les gens sont dédommagés. C’est pourquoi on exige les procès-verbaux de comptage et le barème de dédommagement.

Sur le fait que nous sommes manipulés par un de nos ainés ou encore qu’ils sont en paix avec la population et qu’il s’agit de quelques fauteurs de troubles.

La seule personne parmi nos frères qui défendait SCANTOGO, est celui que SCANTOGO présente comme étant plutôt le manipulateur. A chaque fois que la population veut manifester, c’est lui qui a toujours dit de ne pas céder à la violence. Certains grands frères voleurs et voyous qui nous ont dit de manifester contre l’usine en 2016 et qui nous ont financé et ont été à la tête des manifestations sont maintenant les amis préférés des noirs autour du D.G Eric Goulignac. Comment comprendre que celui qui a même créé une association pour sensibiliser pour la paix entre l’usine et la population, soit taxé par ces gens comme fauteur de troubles et ceux qui nous demandaient de manifester, d’écrire des courriers de menaces à SCANTOGO, etc., soient plutôt les amis de SCANTOGO ?

Cela veut dire tout simplement que les violences sont des moyens pour certaines personnes d’aller négocier la paix sociale pour donner tel ou tel contrat de prestation à des gens qu’ils veulent placer et avoir des retro commissions. Ils allument le feu, présentent quelqu’un comme pompier et en rétribution, demandent que tel ou tel contrat lui soit octroyé en présentant des innocents comme bourreaux. Malheureusement, le DG actuel est tellement téléguidé sur tous plans de telle sorte qu’il ne sait qui sont véritablement ses alliés.

Nous nous organisons pour le désensorceler. Car il est une bonne personne ; ce sont les cupides autour de lui qui le contrôlent sur d’autres dimensions. A vous de voir la mobilisation de ce matin, les cris de détresse et savoir si SCANTOGO est en paix avec la population ou pas. De quelle paix s’agit-il ?

Nous reconnaissons que nous avons des frères dans la diaspora, surtout allemande qui sont soucieux de notre situation. Ces frères ont manifesté devant le siège de Heidelberg en février 2020 et le feront encore de nouveau si rien ne change. C’est le lieu de les remercier et de leur dire que nous n’avons confiance et espoir qu’en eux. Qu’ils nous aident à sortir de cette situation en poussant le siège du groupe Heidelberg à étudier mieux le cas togolais et prendre des décisions appropriées.

Source : Liberté