Il y a 5 ans, Tikpi Atchadam déclenchait une contestation populaire de la main mise du clan Gnassingbé sur le Togo | Info: 27avril.com

«…Tu connais ta maladie, la dictature militaire pilotée par la famille Gnassingbé qui, pendant bientôt 60 ans te dénie jusqu’au droit à la vie. Tu connais le remède le plus efficace pour y mettre fin: la reconquête de ta liberté à travers les manifestations pacifiques gigantesques sur l’étendue du territoire national et partout dans la diaspora… » Salifou Tikpi Atchadam, le 18 août 2022

19 août 2017-19 août 2022, cinq ans déjà. Cinq ans de souvenirs douloureux, cinq ans de souffrance pour les victimes encore en vie de la sauvage répression du régime Gnassingbé, comme ces mutilés à vie, ces prisonniers politiques. Une double peine, pour les suppliciés eux-mêmes et surtout pour les familles qui ont la chance d’être encore plus ou moins soudées. Quant au soulèvement du 19 août 2017 proprement dit et dont nous nous souvenons aujourd’hui pour la cinquième fois, nous pouvons dire sans nous tromper que Salifou Tikpi Atchadam était dans la logique d’essayer un nouveau remède pour venir à bout du mal togolais que les tentatives du 5 octobre 1990, les manifestations monstres suivies d’une conférence nationale en 1991, d’un gouvernement de transition, dirigé en grande partie par l’opposition en 1991-1992, et plusieurs autres mouvements, n’avaient pu solutionner; les tenants du pouvoir de père en fils ayant dénié aux Togolais le droit de disposer de leur liberté de jouir, en tant que citoyens, de leurs droits et de disposer des richesses de leurs pays en les gérant pour le bien de tous, comme cela se passe sous des cieux civilisés. Oui, au Togo tout se passe comme s’il y avait deux catégories de citoyens. Ceux qui ont le droit à la vie et surtout ceux qui ont le droit de monopoliser pour eux le pouvoir politique, d’user et d’en abuser en en jouissant des délices comme bon leur semble, en toute liberté et surtout en toute impunité; les autres étant considérés et traités comme des citoyens de seconde zone.

C’est en tout cas l’image que nous renvoient depuis aujourd’hui plus de 30 ans les nombreux soubresauts politiques faits de massives violations des droits de l’homme et faits surtout de l’accaparement par une minorité des richesses du pays au détriment du plus grand nombre; les répressions sauvages de la part du régime en place ayant toujours eu raison de toutes les tentatives de l’opposition togolaise depuis 1990 pour essayer d’humaniser et de démocratiser un tant soit peu la gouvernance politique. Si dans plusieurs pays d’Afrique et surtout dans beaucoup de pays de notre région ouest-africaine, des armées nationales, soucieuses du bien-être de leurs peuples, ont contribué, sans règlements de compte, à terminer le travail commencé par les oppositions politiques, en démocratisant les institutions de leurs pays respectifs, les Togolais, eux, n’ont pas encore cette chance et en sont réduits à compter sur des miracles pour espérer se tirer d’affaire. C’est pourquoi, bien qu’à  plusieurs reprises, les différents hold-up électoraux opérés par le régime de dictature, suivis de répressions sanglantes des manifestants, aient démontré que les élections ne sont pas la solution au drame togolais, et faute d’alternatives immédiates, une certaine frange de l’opposition s’était toujours décidée à y participer.

Et il est vrai que ceux qui, au sein de l’opposition, ont pris sur eux de s’éloigner de la logique électorale tant que les règles du jeu n’auraient pas changé, ont raison; pendant que ceux qui continuent, à chaque échéance électorale, surtout présidentielle, à concourir avec le candidat de la dictature, n’ont pas tellement tort. Car, sans la division, faite de querelles intestines, de comportements égoïstes et jaloux au sein de l’opposition togolaise ou à tout ce qui y ressemble, sans surtout l’hypocrisie et le comportement colonialiste et impérialiste de ceux que nous désignons par communauté internationale à travers leurs représentants chez nous, les dictatures en Afrique, et surtout la dictaure des Gnassingbé au Togo, pourraient bien prendre fin sans effusion de sang. Si le régime togolais continue à narguer son peuple en faisant fi des règles établies et en se maintenant au pouvoir dans le sang, c’est fort du soutien de la part de ceux qui sont prompts à nous donner des leçons, mais ne sont pas étrangers à notre maintien dans l’esclavage par nos propres compatriotes.

Maintenant que faire? «Le vin est tiré il faut le boire», comme dirait l’autre. Il est clair que notre pays le Togo ne peut pas rester en l’état. Il est clair que les Togolais, du nord au sud, de l’est à l’ouest, toutes ethnies confondues, ne sont pas satisfaits de la situation globale dans laquelle se trouve aujourd’hui leur pays. Et il est aussi clair qu’aucune solution toute faite posée sur un plateau d’argent ne viendrait de l’extérieur pour nous sauver. La balle est et reste dans notre camp. L’histoire récente et lointaine dans la vie des peuples à travers le monde nous donne des exemples de luttes pacifiques qui avaient abouti au renversement des régimes totalitaires.

Zine el-Abidine Ben Ali régnait sans partage sur la Tunisie. Lui et sa famille firent main basse sur les richesses du pays pendant que la majorité de leurs concitoyens végétaient dans la misère. Une révolution, dite «révolution du jasmin» mit fin fin 2010, début 2011 à son règne sans partage et permit l’instauration de la démocratie dans ce pays de l’Afrique du nord. Les manifestants qui avaient animé cette révolution pacifique, pour la plupart jeunes, n’appartenaient ni à des partis politiques, ni à des associations de la société civile, mais c’était des Tunisiens tout court qui voulaient retrouver la liberté et la fin des injustices. En Égypte, Mohamed Morsi remporte les élections présidentielles en 2012 et fait voter des lois qui lui permettent de réinstaurer la dictature. Après trois jours de manifestations anti-Morsi, la police, l’armée et la majorité des ministres du gouvernement rejoignent l’opposition. Mohamed Morsi sera renversé par un coup d’état mené par le général Abdel Fattah el-Sisi. Nous avons encore en mémoire les images des manifestants sri-lankais qui avaient envahi les bureaux du premier ministre de ce pays. La mal-gouvernance avec son corollaire de vie chère et des problèmes sociaux de toutes sortes y étaient devenus intenables. Le président sri-lankais, Gotabaya Rajapaksa n’aura d’autre choix que de prendre la fuite. C’était le 13 juillet 2022.

Pour terminer, revenons à nos moutons, c’est-à-dire au cas togolais, pour résumer le calvaire auquel font face les citoyennes et les citoyens de ce pays martyr qui n’en peuvent plus. Le régime Gnassingbé refuse de libérer les plusieurs dizaines prisonniers politiques et la violation des droits de l’homme continue; sans oublier les nombreux exilés politiques. Sur le plan social, la vie chère ne cesse d’enfoncer les populations togolaises de plus en plus dans le dénuement total, pendant que les membres de la majorité pilleuse, autour de Faure Gnassingbé, se frottent les mains. Quelle méchanceté! Le comble de l’ignominie, c’est le grand scandale de la république constitué par la troupe à Yawa Tségan. Le parlement-mouton togolais n’est autre qu’une insulte pour les vrais parlements et les vrais députés à travers le monde. Jusqu’à quand les Togolais laisseront-ils faire? Des leaders des partis politiques de l’opposition comme Jean-Pierre Fabre, Salifou Tikpi Atchadam, Agbéyomé Kodjo, Nathaniel Olympio et tous les autres, ne peuvent que montrer la voie. Le gros du travail incombe à tout un chacun de nous. Que ce soit au pays, ou dans la diaspora.

Samari Tchadjobo
Allemagne

Samari Tchadjobo | Photo : S.T