Canton de Soudou, Assoli, Nord-Togo | Extrait de carte : CM

Nous vivons dans un pays dont les dirigeants font ce qu’ils veulent aussi bien des deniers publics que des populations dont ils n’ont aucun respect, aucune considération. « Mes chers compatriotes« , cette expression qu’on nous sert de temps en temps, quand il leur plaît de s’adresser à nous pour faire des promesses qui ne seront jamais réalisées, n’est qu’un groupe de mots sans contenu. Pour leur pouvoir, pour le pouvoir des Gnassingbé incarné aujourd’hui par Faure Gnassingbé l’armée nationale est tribalisée, presque privatisée pour la conservation du pouvoir d’une minorité. Le peuple togolais n’a plus d’armée. Les vrais patriotes au sein de cette armée, qui pourtant regorge de nombreux officiers talentueux, sont réduits au silence par la terreur. On y assassine de temps en temps, impunément bien sûr, pour que les éventuels récalcitrants se tiennent tranquille. Donc c’est dans cette logique de se considérer comme un état dans un état que l’armée « togolaise » peut faire ce qu’elle veut, être déployée et terroriser, torturer ou même tuer les citoyens quand elle veut, où elle veut, sans que personne ne bronche. Nous doutons fort que la ministre de tutelle, qui ne serait qu’une marionnette, soit au courant des turpitudes de l’armée dont elle a normalement la charge.

Les derniers faits d’armes de cette armée pas comme les autres, selon nos informations en provenance du pays, ont consisté à arriver de façon impromptue dans des villages, à les encercler, à poster des militaires prêts à tirer, à l’entrée, à la sortie et aux principaux carrefours des localités concernées. Et les malheureux villages dont les populations ont dû avoir la trouille de leur vie pendant plusieurs jours se situent dans la préfecture d’Assoli. D’après nos informateurs sur place c’est donc depuis mercredi 11 août 2021 que les villages de Gandè et de Soudou, situés à quelques kilomètres à l’est de Bafilo, sont envahis par une horde de militaires lourdement armés, qui avaient érigé leur quartier général au centre communautaire de Gandè. Selon toujours nos informateurs sur les lieux, les militaires ont mis pendant presque quatre jours les villages de Gandè et de Soudou voisin sens dessus dessous à la recherche d’une arme qui aurait disparu. Les coins et recoins des domiciles privés furent fouillés sans mandat de perquisition. Les militaires venus de Kara se seraient finalement repliés après 4 jours de calvaire pour les populations.

Qui osera encore évoquer ici la violation de la vie privée et de l’intimité des villageois? Ne devraient-ils pas se sentir heureux si personne, au cours de ces jours de calvaire, n’a été violenté, humilié, torturé ou même tué? Avec les militaires togolais qui sont sûrs de jouir d’une totale impunité, tout peut arriver; il suffirait d’un geste perçu comme une provocation, d’un mot murmuré et arrivé aux oreilles d’un des militaires postés là pour qu’un drame arrive. Et les drames par le fait de l’intrusion des militaires parmi les populations civiles, pour mater les manifestants ou pourchasser les opposants, ont malheureusement déjà eu lieu dans toutes les régions presque de notre pays. Et les populations ont encore en mémoire les exactions commises sur leurs frères et soeurs du village voisin de Soudou par nos vaillants militaires. En effet, après une altercation entre un militaire et certains jeunes du village pour non respect des mesures-barrière, le préfet fit venir des militaires de Kara qui ne firent pas de quartier et commirent des exactions physiques sur les habitants de Soudou, il y a tout juste un an. C’est pourquoi certains voient déjà derrière cette intervention militaire à Gandè et à Soudou la main de l’indétrônable préfet d’Assoli, Monsieur Ouro-Gouroungou Horoumila dont le zèle est tel qu’il serait prêt, pour un oui ou pour un non, à faire intervenir la force pour mater les populations dont il a la charge.

Pour le moment, d’après les informations actuelles en notre possession, les opérations d’intimidation et de fouilles n’ont fait aucune victime, en dehors de la peur et de la psychose qui sont aujourd’hui celles des villageois qui se demandent de quoi demain sera fait. Que cherchaient-ils au juste? À qui le tour? Reviendront-ils? Si oui, quand reviendront-ils? Voilà des questions que tout le monde se pose à Gandè, à Soudou et dans tous les villages environnants. Si vraiment l’armée a perdu une arme, le bon sens aurait voulu qu’on commence les recherches dans la ville située tout près du camp militaire qui est dans ce cas la ville de Kara. Que cherchait-on dans la préfecture d’Assoli? Les militaires, avant de partir, auraient demandé aux populations de leur signaler désormais la présence de toute personne suspecte dans leurs localités. Qu’est-ce qu’une personne suspecte? N’est-ce pas le champ libre aux dénonciations tous azimuts? Est-on entrain de demander à nos populations de se comporter comme sous le système nazi d’il y a plus de 80 ans, en se dénonçant les uns les autres pour la survie du régime? Mais, on est où là?

Pour terminer, nous voulons de nouveau dénoncer cet acharnement trop tribal du pouvoir Gnassingbé sur certaines communautés ethniques de notre pays. Parlant il n’y a pas longtemps des prisonniers politiques actuellement en détention ou déjà assassinés, nous évoquions le caractère tribalo-ethnique du cas des 98% des détenus arrêtés pour des raisons politiques. « La terreur n’assied pas l’autorité sur une base solide; le meilleur moyen d’assurer la paix dans un pays repose plutôt sur le pardon et le respect de la vie des autres, de leurs biens et de leurs coutumes. » (Amadou Hampâté Bâ)

Samari Tchadjobo
Allemagne

Samari Tchadjobo | Photo de courtoisie : S.T